بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

Réfutation : la prétendue « lumière » d’Iblis & le troisième œil

SOMMAIRE :

Introduction :

De tout temps, Allâh –ta’ala- éprouve ceux qu’Il a choisi pour être des guides vers Lui en leur faisant supporter les méfaits et l’hostilité des négateurs, que ce soit verbalement ou même physiquement. Ceci est effectif de tout temps, en vertu du Hadîth « Les Savants sont les héritiers des Prophètes », et l’héritier doit vivre et subir ce que celui dont il hérite a lui-même dû supporter sa vie durant. Allâ –ta’ala- nous a informé au sujet des Prophètes en disant « Aucun Messager n’est venu à leurs prédécesseurs sans qu’ils n’aient dit : « C’est un magicien ou un possédé ! » » [s51.v52]. Ceci dit, les créatures n’ont en aucun cas la capacité d’éteindre la Lumière du Créateur. Tout ce qui est illusoire ne peut perdurer face au Soleil de la Haqîqa : « Ils veulent éteindre de leurs bouches la Lumière d’Allâh, alors qu’Allâh parachèvera Sa Lumière en dépit de l’aversion des mécréants. » [s61.v8].

Nous vivons aujourd’hui à une époque où, de toute évidence, les gens se trouvent plus qu’éloignés de la réalité spirituelle de la religion. Ceci est en grande partie dû à l’éducation superficielle et profondément emprunte des déviances et des excès de la culture occidentale, qui au fur et à mesure a fini par aveugler les cœurs et leur faire perdre toute capacité à percevoir le Vrai du faux. Les gens firent de la religiosité une forme d’être au quotidien, mais une forme qui se limite à l’image qu’elle renvoie, c’est-à-dire sans esprit. Certains se sont ainsi mis à contester des éléments fondamentaux de la religion, en connaissance de cause ou non, s’attaquant tout particulièrement au troisième degré : al-Ihsân. Appelle-le de la manière qu’il de plaira : l’excellence, le soufisme, ou la purification de l’âme… l’important est de préserver ce pilier immense de la religion, et qu’il demeure fermement ancré dans les cœurs, dans les âmes et dans les membres des gens.

Nous tenterons donc ici de présenter et réfuter les différents points d’accusation par lesquels ils renient le Tassawwuf authentique de manière générale, et plus particulièrement la Tariqa Karkariya… ceci en sachant bien sûr que le joyau, la quintessence et la source du Savoir Soufi repose sur la Lumière Muhammadienne.

Premier point : La prétendue « lumière » d’Iblîs dans l’histoire de sidi ‘AbdelQader al-Jilani

Ils disent que ces Lumières ne sont que des artifices diaboliques qui n’ont rien à voir avec la Lumière Muhammadienne, et ils avancent comme preuve de ceci une histoire dont les sources et les versions divergent selon les savants. Plusieurs d’entre eux l’ont relaté et ont fait du bruit autour d’elle, surtout le Shaykh ibn Taymiya (rahimahullâh) dans al-Istiqâmah, ainsi que son élève ibn al-Qayim (rahimahullâh) dans Madârij as-Sâlikîn… une histoire relatée du Shaykh al-Kâmil sidi ‘AbdelQader al-Jilani (radiAllâhu ‘anhu). Son fils Moussa a ainsi rapporté de lui, tel que le mentionne ibn Rajab al-Hambali (rahimahullâh) :
« J’ai entendu mon père dire : Je partis une fois en voyage et errais dans la nature, et je demeurais plusieurs jours sans trouver d’eau. La soif m’oppressa, et c’est alors qu’un nuage vint me faire de l’ombre. De ce dernier descendit vers moi une chose ressemblant à de la rosée, et je pus en boire. Après quoi, je vis une lumière qui illumina tout l’horizon et m’apparut une forme qui m’appela :
« Ô ‘AbdelQader, Je suis ton Seigneur et Je t’ai rendu licite ce qui est illicite. »
Ou dans une autre version : « et Je t’ai rendu licite ce que j’ai interdit à autre que toi ».
Je m’écriais : « Je recherche la protection d’Allâh contre le Shaytân lapidé, va-t’en ô maudit ! » Cette lumière se changea en ténèbres, et la forme qu’il avait prise se changea en fumée. Puis il s’adressa à moi et me dit : « Ô ‘AbdelQader, la Science que tu détiens au sujet de ton Seigneur t’a sauvé de moi, et Il t’a rendu savant des états de ton âme. J’ai certes égaré par cette même ruse soixante-dix gens de la Voie. »
Je répondis : « A mon Seigneur revient le mérite et la grâce ».
On le questionna ensuite : « Comment as-tu su qu’il s’agissait de Shaytân ? »
Sidi ‘AbdelQader al-Jilani répondit : « Par ses mots : « Je t’ai rendu licite ce qui est illicite » ». »
[ شذرات الذهب في أخبار من ذهب لابن عماد الحنبلي ج 4 ص 200. ]

L’Imâm al-Châtibiy (radiAllâhu ‘anhu) rapporte la même histoire en ces termes :
« On raconte de ‘AbdelQader al-Jilani qu’un jour il fut oppressé par une soif très intense, et qu’un nuage vint à lui et se mit à pleuvoir sur lui d’une sorte d’embruns dont il put boire. Puis, il fut interpelé depuis le nuage : « Ô untel ! Je suis ton Seigneur, et je t’ai certes rendu licite ce qui est interdit. » Il lui répondit : « Va-t’en ô maudit ! » Et aussitôt le nuage se dissipa.
On le questionna : « Comment as-tu su qu’il s’agissait de Iblîs ? »
Il répondit : « Par ses mots : « Je t’ai certes rendu licite ce qui est interdit »
[ الموافقات، المجلد الأول ج 2، دار الكتب العلمية بيروت 2005م، الطبعة 7، اعتنى به عبد الله دراز. ]

Cette histoire est également rapportée par l’Imâm ibn Mouflih al-Maqdasi (rahimahullâh), qui est l’un des plus grands savants du madhhab Hanbali, qui était contemporain aux deux Shaykh ibn Taymiya et ibn al-Qayim, et dont les savants ont fait l’éloge. Il dit ainsi :
Le Shaykh ‘AbdelQader al-Jilani (radiAllâhu ‘anhu) dit : « Au cours de l’un de mes voyages, je fus touché par une grande chaleur, au point que je faillis mourir de soif. Un nuage noir vint alors me faire de l’ombre, et il m’apporta un peu d’air frais au point que la salive en fut renouvelée dans ma bouche.
J’entendis alors une voix m’appeler : « Ô ‘AbdelQader, Je suis ton Seigneur. »
Je lui répondis : « Es-tu Allâh, Celui dont il n’est aucune divinité à part Lui ? »
La voix m’appela une seconde fois : « Ô ‘AbdelQader Je suis ton Seigneur, et Je t’ai certes rendu licite ce qui t’était interdit. »
Je lui répondis : « Tu mens ô ennemi d’Allâh, tu es plutôt Shaytân ! ».
Le nuage se déchira alors, et j’entendis dire de derrière ce dernier : « Ô ‘AbdelQader, ta compréhension de ta religion t’a sauvé de moi. J’ai certes égaré avant toi soixante-dix hommes par cette ruse. »

On questionna le Shaykh (‘AbdelQader) : « Comment as-tu su qu’il s’agissait de Shaytân ? »
Il répondit : « Lorsqu’il dit : « Je t’ai rendu licite », je l’ai reconnu, car après le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) il n’y a plus de changement ni en ce qui concerne le Halâl, ni en ce qui concerne le Harâm. » »
[ مصائب الإنسان من مكائد الشيطان  لابن مفلح المقدسي، دار الكتب العلمية،ط1 ص 87 . ].

La réponse aux questionnements que ces récits soulèvent se répartit en plusieurs points :

– Premièrement, Sidi ‘AbdelQader al-Jilani (rahimahullâh) ne reconnut en cela la ruse d’Iblîs que lorsque ses mots vinrent contredire la Chari’a, soit tout particulièrement lorsque le maudit dit en ces termes : « Je t’ai rendu licite ce qui est interdit ». C’est par cela, et par rien d’autre, qu’il reconnut la ruse d’Iblîs. Et la preuve de ceci se trouve dans sa réponse, lorsqu’on lui demanda ce qui lui avait permis de le reconnaître. C’est là la base fondamentale que l’on retrouve dans la Tariqa Karkariya : tout ce qui est expérimenté en terme de visions, rêves, mouchâhadates… doit être soumis au Coran et à la Sunna. Et à l’éventuelle question de savoir si Shaytân ne lui avait dit que des paroles conformes à la Chari’a, aurait-il pu le rejeter ? La réponse est non, de même que sayiduna Abou Houreyra (radiAllâhu ‘anhu) se fit enseigner le Verset du Trône (ayat al-kursi) par Shaytân lui-même, et il prit cet enseignement du fait qu’il ne contredisait ni le Coran, ni la Sunna. Cette histoire est rapportée par l’Imâm al-Boukhâriy (rahimahullâh) dans son Sahîh :
Selon Abou Houreyra : « Le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) me confia la garde de la Zakât du Ramadan. Quelqu’un est venu et a cherché à dérober de la nourriture. Je m’emparais de lui et m’écriais : « Par Allâh, je vais te ramener jusqu’au Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) ! ». Il dit : « Je suis un nécessiteux, j’ai une famille à nourrir et je suis dans un état de grand besoin. » Je le laissais donc partir. Au matin, le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) me dit : « Ô Abou Houreyra, qu’a fait ton prisonnier cette nuit ? » Je dis : « Ô Messager d’Allâh ! Il s’est plaint de son état de grand besoin et du fait qu’il avait une famille à nourrir, je lui ai fait miséricorde et l’ai laissé partir. » Il dit : « Il t’a menti, et il va revenir. » Je sus ainsi qu’il reviendrait, comme le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) me l’avait dit.
Je le surveillais donc, il revint dérober de la nourriture et de nouveau je l’attrapais : « Je vais te ramener au Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) ! ». Il répondit : « Laisse moi partir, car je suis nécessiteux et j’ai une famille. Je ne reviendrai plus. » Je lui fis donc miséricorde et le laissais s’en aller. Au matin, le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) me dit : « Ô Abou Houreyra, qu’a fait ton prisonnier ? ». Je répondis : « Ô Messager d’Allâh, il s’est plaint à moi de son état de grand besoin et du fait qu’il avait une famille, j’ai été clément avec lui et l’ai laissé partir. » Il dit : « Il t’a menti, et il reviendra. »
Je le surveillais une troisième fois, il revint prendre de la nourriture, je l’attrapais et lui dis : « Je vais te ramener au Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) ! C’est la troisième fois, tu prétends que tu ne reviendras plus mais tu reviens quand même. » Il dit : « Lâche moi, et je t’enseignerais une parole dont Allâh te fera bénéficier. » Je lui demandais : « Quelle est-elle ? » Il répondit : « Lorsque tu t’apprêtes à dormir, récite le verset du Trône : « Allâh, point de divinité à part Lui, le Vivant, Celui qui subsiste par Lui-même. » [s2.v255] jusqu’à la fin du verset. Ce faisant, un protecteur venant de la part d’Allâh demeurera à tes côtés, et le Shaytân ne t’approchera pas jusqu’au matin. » Après cela, je le laissais partir.
Au matin, le Messager d’Allâh me demanda : « Qu’a fait ton prisonnier la nuit dernière ? » Je répondis : « Ô Messager d’Allâh ! Il a prétendu m’enseigner une parole dont Allâh me ferait bénéficier, et je l’ai donc laissé partir. » Il dit : « Quelle est-elle ? » Je répondis : « Il m’a dit, lorsque tu t’apprêtes à dormir récite le verset du Trône du début jusqu’à la fin « Allâh, point de divinité à part Lui, le Vivant, Celui qui subsiste par Lui-même ». Il me dit qu’un protecteur de la part d’Allâh demeurerait à mes côtés et qu’aucun Shaytân ne m’approcherait jusqu’au matin. »
Le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit alors : « Il t’a dit vrai, bien que ce soit un grand menteur. Sais-tu à qui tu parles depuis trois nuits, ô Abou Houreyra ? » Je dis : « Non ». Il me dit : « Il s’agissait du Shaytân ».

Parmi les preuves permettant d’établir le fait que le Shaytân ne peut pas se manifester sous forme de lumière, mais au contraire qu’il ne peut le faire que sous forme de ténèbres, ce que rapporte Abou al-Aswad ad-Diliy : Je demandais à Mu’adh ibn Jabal (radiAllâhu ‘anhu) : « Parle-moi de cette fois où tu as attrapé le Shaytân. » Il répondit : « Le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) m’avait confié la garde des aumônes des musulmans. J’avais placé les dattes dans une pièce, et je finis par me rendre compte d’une diminution. J’en informais le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) qui me dit : « C’est le Shaytân qui les prend. » J’entrais alors dans la chambre et refermais la porte sur moi-même… puis vinrent des ténèbres très imposantes qui couvrirent la porte, puis prirent l’apparence d’un éléphant, puis sous une autre forme encore. Il entra par une fente dans la porte, et tandis que je resserrais mon habit, il se mit à manger des dattes. Je bondis sur lui et le maîtrisais : « Ô ennemi d’Allâh ! » Il me dit : « Laisse-moi partir, je suis vieux et j’ai une famille nombreuse. Je suis pauvre, je fais partie d’un groupe de djinn qui habitait cette ville avant que votre compagnon ne soit suscité, après quoi il nous en a expulsés… lâche moi donc, et je ne reviendrai plus. » Je le laissais donc partir. Jibrîl (‘alayhi s-salâm) vint alors informer le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) de ce qui s’était passé. Celui-ci pria le Sobh, puis il fit appeler : « Où est Mu’âdh ibn Jabal ? » Je me levais vers lui, et le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) me demanda : « Qu’a fait ton prisonnier, ô Mu’âdh ? ». Je lui racontais ce qu’il s’était passé, et il me dit : « Il reviendra. » Je rentrais une nouvelle fois dans la chambre, fermais sur moi la porte, et de nouveau il entra par une fissure. Il se remit à manger des dattes, et je fis de lui ce que j’avais fait la première fois. Il dit : « Laisse moi, je ne reviendrai plus ! » Je lui dis : « Ô ennemi d’Allâh, n’as-tu pas déjà dit que tu ne reviendrais plus ? » Il répondit : « Je ne reviendrai plus, et le gage de ceci est qu’aucun d’entre vous ne lit les derniers versets de la sourate al-Baqara sans qu’un seul d’entre nous ne puisse entrer dans sa maison durant cette nuit-là. » »
[ رواه الحاكم في المستدرك على الصحيحين وقال : حديث صحيح الإسناد ]

Cette histoire s’est répétée avec plusieurs autres compagnons à l’instar de sayidina Abdullâh ibn Mas’oûd et Obay ibn Ka’b (radiAllâhu ‘anhumâ), et de cela nous tirons plusieurs enseignements :

  • Le Shaytân peut se présenter au cheminant (sâlik) et l’informer de certaines choses, cependant le cheminant se doit de rapporter tout cela à son Shaykh qui le guidera et l’aidera à faire la part des choses.
  • Le Shaytân peut dire vrai, bien que sa qualité première soit le mensonge.
  • Le Shaytân ne se présente pas sous forme de Lumière, et la preuve de cela est le Hadîth de sayiduna Mu’âdh ibn Jabal (radiAllâhu ‘anhu).
  • Lorsque le Shaytân nous informe au sujet d’une chose conforme à la Vérité, il nous faut tenir compte de cette Vérité et la mettre en pratique, ainsi que l’ont fait les Compagnons.
  • Le cheminant (sâlik) vers Allâh –ta’ala- est amené à voir au cours de ses visions et expériences spirituelles des choses nobles (‘olwi), mais aussi des choses viles (soufli), comme en témoignent le récit de ce Compagnon qui vit Jibrîl (‘alayhi s-salâm) et le Shaytân.
  • Et c’est uniquement en soumettant ces expériences spirituelles et ces visions au Coran et à la Sunna que l’on peut déterminer leur nature noble ou vile. Ainsi, lorsque les compagnons voyaient ce qu’ils voyaient, ils allaient en faire part au Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam).

Par ailleurs, le Shaykh al-Jilani (rahimahullâh) ne s’est pas servi de cette expérience pour déterminer la non validité de la vision de la Lumière Muhammadienne. La preuve de ceci sont ses paroles largement répandues dans ses différents ouvrages, évoquant le caractère primordial de la Lumière, ainsi que le fait que l’accès à cette dernière n’est possible que pour l’élite d’entre les serviteurs d’Allâh –ta’ala-. Citons à titre d’exemple :

« Le véridique (siddîq) voit par la Lumière d’Allâh –‘azza wa jall-, non pas par la lumière de ses yeux, ni par la lumière du soleil ou de la lune, car il s’agit là de la lumière commune à tous… mais plutôt il a une Lumière particulière que Allâh –‘azza wa jall- lui a donné. »

[ الفتح الرباني والفيض الرحماني لسيدي عبد القادر الجيلاني، شركة القدس للنشر والتوزيع، القاهرة 2009 ].

Et il s’agit là exactement du cheminement que réalise l’aspirant dans la Tariqa Karkariya, car lorsque le Vrai accorde à Son serviteur l’ouverture de la Porte vers Sa Présence, apparait dans son cœur l’Etoile de sayidina al-Mustafa (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), puis si son état de soif augmente et que ses actes demeurent conformes à la Chari’a, l’Etoile Muhammadienne devient dans son cœur une Lune. Et si sa Proximité du divin est encore accentuée, la Lune devient un Soleil, et ce jusqu’à ce que le serviteur disparaisse et fonde entièrement dans les Lumières, ainsi que le dit la meilleure des créatures (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), selon le Sahih Boukhariy et Muslim : « Ô Allâh, place dans mon cœur de la Lumière, dans ma vue de la Lumière, dans mon ouïe de la Lumière, à ma droite de la Lumière, à ma gauche de la Lumière, au dessus de moi de la Lumière, en dessous de moi de la Lumière, devant moi de la Lumière, derrière moi de la Lumière, donne moi de la Lumière. » Certaines versions rajoutent à cela : « et dans ma langue de la Lumière ». Puis : « dans ma chair, dans mon sang, dans mes poils, dans ma peau », et dans une version de Boukhariy et Muslim : « et place en moi-même de la Lumière, et grandi moi la Lumière ». Ainsi, si la vision de l’aspirant Karkariy se renforce et si les Lumières s’intensifient, sa nuit devient jour, de même que la Voie Blanche sur laquelle le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) nous laissa est telle que sa nuit ne diffère pas de son jour.

Sidi ‘AbdelQader al-Jîlâniy (quddisa sirruh) dit dans le même livre :
« Je vois la plupart d’entre vous voilés ! Ils prétendent à l’Islam mais ne détiennent absolument rien de sa réalité ! Malheur à vous ! Vous n’avez de l’Islam que le nom, et il ne vous sert à rien ! Vous mettez en applications ses injonctions de manière extérieure, mais pas intérieure : vos œuvres ne valent rien ! La Nuit du Destin (laylat al-qadr) a un indice clair chez les gens de la piété d’entre les serviteurs d’Allâh –‘azza wa jall-. Certains d’entre eux ont la vue intérieure dévoilée, et ils perçoivent ainsi la Lumière des Saints qui se trouve devant les anges ainsi que la Lumière de leurs faces, ils voient la Lumière des portes célestes, et ils voient la Lumière de la Face du Vrai –‘azza wa jall- »
[ الفتح الرباني والفيض الرحماني لسيدي عبد القادر الجيلاني، شركة القدس للنشر والتوزيع، القاهرة 2009 ].

Ces paroles établissent de manière évidente la possibilité de la vision de la Lumière divine, pour celui dont Allâh aura ôté le voile couvrant sa perception intérieure.

Et d’une manière générale, ses paroles au sujet de la Lumière ainsi que des fruits de sa contemplation dans le cheminement spirituel ont largement été consignées dans son ouvrage « Le Secret des Secrets, et  la manifestation des Lumières en ce dont nécessitent les vertueux » (Sirr al-asrâr wa madhhar al-anwâr fima yahtâju ilayhi l-abrâr), de même que dans ses différents poèmes…
Et tout ceci vient confirmer le fait que cette histoire, que les négateurs prennent comme preuve et rapportent de lui (rahimahullâh), n’est en aucun cas une preuve de la nullité de la vision des Lumières dans le cheminement vers Allâh. Bien au contraire, l’enseignement que l’on tire de ce récit est l’obligation de soumettre toute vision et expérience mystique à la Chari’a. Et dans les versions rapportées de ibn Mouflih et al-Shâtibiy, nous constatons que le Shaytân n’apparait pas sous forme de lumière, mais plutôt sous celle d’un nuage noir… et parmi les indices venant appuyer l’authenticité de ces versions, à défaut de la précédente qu’affectionnent ibn Taymiyya et ses semblables, le fait que tout un chacun sait pertinemment qu’un nuage sur le point de verser sa pluie est de couleur sombre voir noire… Et justement, sachant le Shaykh al-Jilani affecté par une grande soif, la ruse d’Iblîs fut de se présenter à lui sous la forme connue d’un nuage chargé de pluie prête à être déversée : soit un nuage noir ! … non pas un nuage de lumière.

Et parmi les éléments permettant d’établir l’authenticité des versions de ibn Mouflih et al-Shâtibiy, le fait aussi qu’ils aient vécu à des époques beaucoup plus proches de celle du protagoniste de cette histoire : sidi AbdelQader al-Jilani est né en 470 de l’hégire et décéda en 570. L’Imâm al-Shâtibiy décéda en 790 de l’hégire, et l’Imâm ibn Mouflih en 763. Quant à ibn Rajab al-Hanbaliy dont la version mentionne le mot Lumière, il décéda en 1089 de l’hégire… Vois donc par toi-même, qui est le plus à même de rapporter la version la plus authentique.

Ce qui est étonnant dans tout ceci, c’est le fait que sidi al-Jilani (radiAllâhu ‘anhu) ne détermina pas que cette aventure était une ruse d’Iblîs lorsque celui-ci lui dit : « Je suis ton Seigneur ». Au contraire, il chercha la confirmation de cela et dit : « Es-tu Allâh, Celui dont il n’est aucune divinité à part Lui ? ». Puis, lorsque le Shaytân répéta la même parole en ajoutant : « Ô ‘AbdelQader Je suis ton Seigneur, et Je t’ai certes rendu licite ce qui t’était interdit. », alors seulement sidi al-Jilani (quddisa sirruh) s’arrêta et sut qu’il s’agissait d’un stratagème du démon.

Deuxième Point : L’évidence de la Lumière selon le Coran et la Sunna

L’aspirant se doit de prendre pour référence systématique le Livre d’Allâh –ta’ala-, et de mettre en application ce avec quoi vint le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam)… plutôt que de rejeter les versets et les Hadîths clairs et limpides, préférant s’attacher aux paroles rapportées des hommes, aussi pieux et vertueux soient-ils. C’est là une indication du voilement de toute perception intérieure. Comment des gens qui prétendent suivre le Coran et la Sunna peuvent-ils lire ce genre de versets et Hadîth sans comprendre :
« Allâh est le Waliy de ceux qui ont cru : Il les fait sortir des ténèbres vers la Lumière. Quant à ceux qui ont mécru, leurs waliys sont le Taghout qui les font sortir de la Lumière vers les ténèbres. » [s2.v257]

« Est-ce que celui qui était mort, à qui Nous avons rendu la vie et lui avons assigné une Lumière avec laquelle il marche parmi les gens… est-il comparable à celui qui est plongé dans les ténèbres, sans pouvoir en sortir ? » [s6.v122]

Et lorsque le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) récita le verset « celui dont Allâh veut ouvrir le cœur à l’Islâm » , il fut questionné :
-Ô Messager d’Allâh, en quoi consiste cette ouverture ?
Il répondit : -C’est une Lumière qui est projetée dans le cœur.
-Ô Messager d’Allâh, y a-t-il un indice apparent de cela ?
-Oui.
-Quel est-il ?
-La préoccupation pour la demeure éternelle, le détournement de la demeure illusoire, et la préparation à la mort avant qu’elle ne survienne.
[rapporté par ibn Jurayr, ibn Abi Hâtim, Abderrazzâq…].

Lorsque le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) se levait la nuit pour prier, il disait :
« Ô Seigneur à Toi les louanges, Tu es la Lumière des cieux, de la terre et de tout ce qui s’y trouve, et c’est à Toi que reviennent les louanges… » [rapporté par al-Boukhâriy].

Ces versets Coraniques et ces Hadîth n’indiquent-ils pas que chaque atome de l’existence ne persiste que par la Lumière de la servitude ? Malheur à toi, ô serviteur perdu, où donc est passé ta perception intérieure ? Lorsque le serviteur sincère prend connaissance de tout ceci, il se doit de fouiller et chercher au plus profond de son cœur : s’y trouve-t-il de la Lumière ? Et s’il n’en trouve pas, qu’il se mette à chercher le moyen d’en obtenir ! … et qu’au contraire il ne s’accroche pas à des interprétations déviant des sens réels de ces textes, afin de garder bonne conscience par rapport au fait qu’il ne voit pas cette réalité dans son propre cœur. Car cette Lumière qui est projetée dans les cœurs, les serviteurs d’Allâh la voient par l’œil intérieur, et si cette Lumière s’amplifie dans le cœur, alors ses effets apparaissent sur les membres de l’individu jusqu’à ce que la vision de ses yeux se mêle à sa vision intérieure et qu’il perçoive toute chose dans leur réalité profonde. Il contemple ainsi en ce bas monde les Lumières de « lâ ilâha illa Allâh » dans son cœur, des Lumières qui se présentent sous différentes formes chez les cheminant et ce en fonction de leur Proximité du divin, de leur sincérité et de leur pureté intérieure. Ainsi, certains voient les Lumières de cette Parole sous la forme d’un Soleil. D’autres la voient sous la forme d’un astre de grand éclat. D’autres sous celle d’une étoile étincelante, d’autres encore comme un flambeau… et c’est ainsi que les rayons de Lumières se présentent dans les cœurs, différant d’un aspirant à un autre selon les états spirituels qu’il traverse. Ne renie cela qu’un ignorant, car c’est par ces allusions que les Lois de la Chari’a sont venues, de même que le Livre d’Allâh… si seulement ceux qui le lisent réfléchissaient.

Il est étonnant d’entendre les jaloux et autres haineux prétendre croire en la Lumière, mais que cette Lumière n’est pas celle-là même que nous voyons dans notre Tariqa. Et lorsque tu leur demandes quelle est la preuve de ce qu’ils avancent, tu constates qu’évidemment ils n’en ont aucune.
Quant à nous, nous disons et nous affirmons que notre preuve de cela est que cette Lumière se manifeste dans nos cœurs exactement de la manière que notre Seigneur l’a décrite et conformément aux allusions que l’on retrouve dans la Sunna. Et celui qui recherche sincèrement la Vérité n’a qu’à essayer, puis juger par lui-même. Car cette Lumière ne mène en aucun cas à la contradiction de la Loi divine, elle est au contraire plus attachée à elle que nous le sommes nous-mêmes, de sorte que tout disciple s’en écartant se verra voilé et châtié par l’état d’éloignement.

Voici quelques indications allusives issues du Coran et de la Sunna, des allusions dont le Vrai a fait la Voie d’accès vers Lui, de sorte que toute personne s’en écartant n’ait en réalité aucune part dans le cheminement spirituel, si ce n’est le nom et les apparences.

Allâh –ta’ala- dit : « Allah est la Lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un (récipient de) cristal et celui-ci ressemble à un astre de grand éclat; son combustible vient d’un arbre béni: un olivier ni oriental ni occidental dont l’huile semble éclairer sans même que le feu la touche. Lumière sur lumière. Allah guide vers Sa lumière qui Il veut. Allah propose aux hommes des paraboles et Allah est Omniscient. » [s24.v35] Vois donc comme ton Seigneur t’a donné cinq exemples différents de manifestation de Sa Lumière, afin que par eux tu sois guidé et accèdes à Sa Connaissance. Il ne t’a créé que pour Le Connaitre, comme l’a affirmé sayiduna Abdullâh ibn ‘Abbâs (radiAllâhu ‘anhuma). Ces cinq exemples de manifestation de Sa Lumière sont ainsi la Niche, la Lampe, le Cristal, l’Astre de grand éclat, et enfin l’Arbre béni. Lorsque tu auras trouvé le représentant de l’Arbre Béni, détenteur d’un sanad transmis de Shaykh en Shaykh et remontant jusqu’au Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), par la main de ce dernier tu chemineras et tu atteindras par expérience personnelle les sens profonds du Coran, jusqu’à atteindre le goût véritable de la Niche et de la Lampe. Le Shaykh n’aura de cesse de polir le miroir de ton cœur, jusqu’à ce que tu parviennes au goût de l’Astre de grand éclat, ou de la Lune lorsqu’elle est pleine, et ce jusqu’à ce que ta face véritable (qui est en réalité ton cœur) devienne semblable a Soleil. Toutes ces allusions sont exactement celles par lesquelles chemine l’aspirant dans la Voie Karkariya… mais où sont les assoiffés ? Où sont les nécessiteux de la Grace divine ? … ou c’est plutôt qu’ils sont trop occupés par les « mon père était, mon grand père était.. » ou bien « mon Shaykh était, et ma tariqa était… »

Ces différents exemples de manifestation de la Lumière par lesquels chemine l’aspirant ne sont autre que l’héritage prophétique reçu de sayidina Ibrâhîm (‘alayhi s-salâm). Allâh –ta’ala- dit : « Ainsi avons-nous montré à Ibrahim le malakoûte des cieux et de la terre, afin qu’il fût de ceux qui croient avec certitude.
Quand la nuit l’enveloppa, il observa une Etoile et dit : « Voilà mon Seigneur ! » Puis, lorsqu’elle disparut il dit : « Je n’aime pas les choses qui disparaissent. »
Lorsqu’ensuite il observa la Lune se levant, il dit : « Voilà mon Seigneur ! » Puis, lorsqu’elle disparut il dit : « Si mon Seigneur ne me guide pas, je serai certes du nombre des gens égarés »
Lorsqu’ensuite il observa le Soleil levant, il dit : « Voilà mon Seigneur ! Celui-ci est plus grand ». Puis lorsque le Soleil disparut, il dit : « O mon peuple, je désavoue tout ce que vous associez à Allâh »
Je tourne mon visage exclusivement vers Celui qui a créé (à partir du néant) les cieux et la terre, et je ne suis point de ceux qui Lui donnent des associés. »
[s6.v75/79].

Ces versets décrivent parfaitement les bases fondamentales du cheminement spirituel menant à la Connaissance ésotérique (ma’rifa) d’Allâh –ta’ala- :

– Les trois mondes que sont le Moulk, le Malakoûte et le Jabaroûte. Le Moulk est le monde créé. Le Malakoûte est le monde des Lumières des Attributs divins. Et le Jabaroûte désigne le monde des Secrets de l’Essence divine. Sayiduna Ibrahim (‘alayhi s-salâm) contempla donc les Lumières des Attributs dans le monde du Malakoûte, se présentant à lui sous forme d’exemples bien précis : l’Etoile, la Lune et le Soleil… Et il ne s’agissait pas d’une Etoile contemplée dans le monde créé, soit une Etoile physique comme celles que l’on voit dans le ciel la nuit. Comment pourrait-on raisonnablement penser qu’il s’en irait détruire des statues de jour afin que les gens ne les associent plus à Allâh dans leur adoration, puis ensuite que de nuit il attribue la Seigneurie (Rouboubiya) à des étoiles dans le ciel… Comment ferait-il une chose pareille ? Les savants ont pourtant bien établi que les Prophètes sont infaillibles, aussi bien avant que après que Allâh –ta’ala- ne les ait suscités en tant que tels… qu’Allâh nous compte ainsi que vous du nombre de ceux qui connaissent et reconnaissent les droits et la valeur de Ses Prophètes.

A titre d’exemple, nous pourrons mentionner :
– Ibn Hazm dans al-Fasl fi l-milal wa l-nihal (321, 285/2)
– Al-Iji dans al-Mawâqif fi ‘ilm al-Kalâm (358, 359)
– Al-Jurjâniy dans Charh al-Mawâqif (290, 288/8)
– Sa’d ad-dîn al-Taftâzâniy dans Charh al-Maqâsid (143, 142/2)
– Fakhr ed-dîn ar-Râziy dans al-Mouhassal (220, 219)
– Al-Qâdiy ‘Abd al-Jabbâr al-Mou’taziliy dans Charh al-Oussoûl al-Khamsa (575, 573)
– Al-Chawkâniy dans Irchâd al-Fouhoûl (161/1)
Ainsi que de nombreuses références parmi les gens du Hadîth à l’instar de :
– Al-Qâdiy ‘Iyâd dans al-Chifâ (145/2)
– Al-Qastallâniy dans al-Mawâhib al-Laduniya (118/1)
– Abou Na’îm al-Isbahâniy dans Dala’il al-Noubouwa, en nommant le chapitre en question : « rappel de ce par quoi Allâh –‘azza wa jall- l’a privilégié en terme de protection et d’infaillibilité vis-à-vis de la religion de la Jâhiliya » (212, 185/1)
– Al-Bayhaqiy dans Dala’il al-Noubouwa (42, 30/2)
– As-Souyoutiy dans al-Khasâ’is al-Kubra (152, 148/1)

– Sayiduna Ibrahim (‘alayhi s-salâm) fit part de ses visions dans le but que celles-ci soient un enseignement pour autrui, afin que l’on suive sa Sunna, sa Voie tracée.. Et lorsqu’ainsi il vit la Lumière divine manifestée sous la forme d’une étoile (ce qui correspond au même symbole que celui mentionné dans la sourate La Lumière), il voulut nous enseigner que la Lumière est un Attribut divin incréé, qui ne se manifeste dans les cœurs que d’une manière conforme aux exemples Coraniques. Il nous enseigna également que l’exemple de cette Lumière limitée à une apparence n’est à la fois ni la Lumière véritable, ni autre qu’elle-même lorsqu’on la voit. Et c’est la raison pour laquelle les gens de la Sunna ont affirmé que les Attributs sont à la fois l’Essence elle-même et autre qu’elle. La preuve de ceci étant le fait que le Khalîl (‘alayhi s-salâm) attribua la Seigneurie à cet exemple, puis qu’il l’en exempta… comme si donc il nous disait qu’il s’agissait d’autre que Lui, car « et à Allâh revient l’exemple suprême, et c’est Lui le Tout-puissant, le Sage » [s16.60] il s’agit ici du maqâm de « adorer Allâh comme si tu Le voyais » [Rapporté par al-Boukhâriy]. Médite sur la subtilité de l’expression, et sur l’emploi du kaf at-tachbîh (traduit par « comme si »)… Après cela, sayiduna Ibrahim (‘alayhi s-salâm) nous décrivit un état de contemplation plus élevé encore, et il nous ouvrit la porte de l’ascension vers la réalisation du Tawhîd pur, lorsqu’il nous indiqua comment réunir le cœur avec Celui qui créa (à partir du néant) les cieux et la terre, sans ne plus demeurer avec aucun autre que Lui. L’exemple manifesté de la Lumière divine est donc une allusion subtile se présentant au cœur du Connaissant (‘arif), par laquelle il parvient à Celui qui est Connu (ma’roûf).
Cet état de sayidina Ibrahim (‘alayhi s-salâm) nous enseigne comment cheminer spirituellement au travers de l’enseignement du verset de la Lumière, en revenant donc depuis les cinq exemples sous lesquels elle se manifeste vers la Lumière des cieux et de la terre, puis en revenant de la Lumière des cieux et de la terre vers le Nom « Allâh »… et c’est alors seulement que le serviteur recevra les Secrets de la Connaissance profonde (ma’rifa), qui en réalité n’est que réalisation de son incapacité à Le Connaître, car ne Connaît véritablement Allâh que Allâh Lui-même.
Sache par ailleurs que ces exemples se sont manifestés à sayidina Ibrahim (‘alayhi s-salâm) à la mesure de son immense degré spirituel. Quant au Waliy, ces mêmes exemples se manifestent à lui à la mesure de sa sincérité dans le suivi du Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), et en fonction de ce qu’il lui a été prescrit dans le degré de la Wilaya. Et de là apparait la différence entre les degrés des Awliya, selon le degré d’apparition des Lumières dans leurs cœurs.

Et l’Imam al-Bayhaqiy rapporte, dans son sanad selon Masrouq selon ‘Abdullâh : « Allâh réunira les gens au Jour du Jugement […] certains recevront leur Lumière (de la taille) d’une montagne devant eux, d’autres recevront de leur Lumière plus grande encore. Certains recevront leur Lumière (de la taille) d’un palmier à leur droite, d’autres recevront un peu moins que cela à leur droite. (Et ainsi de suite) jusqu’à ce que le dernier d’entre eux reçoive sa Lumière sur son orteil, qui éclairera tantôt et tantôt s’éteindra : lorsqu’elle éclairera il avancera, et lorsqu’elle s’éteindra il s’arrêtera. Ils traverseront alors le Sirât, qui est glissant et aussi fin que le tranchant d’une épée, et il leur sera dit : « Avancez en fonction de votre Lumière ». Certains d’entre eux passeront à la vitesse d’une étoile filante, d’autres à la vitesse du regard, d’autres à la vitesse du vent, et d’autres encore à la vitesse d’un homme courant le plus vite que ses actions le lui permettent, jusqu’à ce que passe celui dont la Lumière est sur l’orteil : il tombera d’un bras et se raccrochera par l’autre, tombera d’une jambe et se raccrochera par l’autre. Le feu brûlera ses côtés, et ce jusqu’à ce que finalement ils s’en sortent. Puis une fois fait ils s’écrient : « Louange à Allâh qui nous a sauvé de toi après nous t’avoir fait voir : Il nous a certes accordé ce qu’Il n’a accordé à personne d’autre ! » ».

Et dans le Sahîh Muslim, le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit : « Chacun d’entre eux recevra (soit-il croyant ou hypocrite) une Lumière qu’il suivra. Sur le pont traversant l’Enfer, il y aura des crochets et des piques qui emporteront ceux que Allâh voudra. La Lumière des hypocrites sera ensuite éteinte, et les croyants seront saufs. Le premier groupe rescapé (sera composé de gens qui auront) des faces comme la lune lorsqu’elle est pleine : 70 000 personnes qui n’auront pas de comptes à rendre. Puis viendront ceux qui suivent, semblables à la plus brillante des étoiles dans le ciel, et ainsi de suite. »

Puisque tu sais que la salvation au Jour du Jugement sera en fonction de la Lumière, et que les bienfaits reçus ce jour-là seront selon elle également… cherche donc la Lumière ! Ne te laisse pas aller à la perdition en suivant les doutes, les illusions, les on dit et le repos sur sa propre nafs… Ce bas monde est le champ des Lumières car il s’agit de la demeure des actions : n’en fais donc pas un moyen d’accumuler les ténèbres, auquel cas tu deviendrais du nombre de ceux que le remord ronge éternellement. Tant que tu es vivant, profites en pour rechercher quel est ton maqâm, et ne dis pas que ceci n’apparait que dans l’au-delà, car dans un Hadîth Sahîh le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit : « Comment te portes-tu ce matin, ô Hâritha ? » L’homme répondit : « Je suis devenu un véritable croyant ». Il dit : « Toute foi a une réalité, quelle est donc la réalité de ta foi ? » Il répondit : « J’ai cessé de jouer avec ce bas-monde : je m’assoiffe donc de jour et veille la nuit. C’est comme si j’étais auprès du Trône de mon Seigneur, clairement apparent. Comme si je me trouvais auprès des gens du Paradis qui y jouissent de ses délices, et avec les gens du Feu qui y subissent le châtiment. » Le Prophète dit alors : « Tu es dans le vrai, garde donc cela pour toi. Voilà un croyant dont Allâh a illuminé le cœur. »
[al-bahr az-zakhâr bi-musnadi al-bazzâr 13-10 bâqi musnad Anas ibn Mâlik (radiAllâhu ‘anhu) 2451]

Prends donc en considération ce que signifie ce Hadîth, car il met bel et bien en valeur la nature du travail du cheminement spirituel ainsi que ses fruits. Pour ce qui est de la nature de ce travail : lorsqu’il s’est mis à pratiquer le dhikr, il se mit à délaisser ce bas-monde et s’affaira au jeûne de jour et à la veillée de nuit. Quant aux fruits de la Haqîqa, il s’agit de ses visions : le Trône de son Seigneur clairement apparent, ce qui indique sa maîtrise de la Connaissance d’Allâh –ta’ala-. Puis on remarque qu’il employait le kâf at-tachbîh (comme si) de l’Ihsân (comme si tu Le voyais) et décrivait des choses relatives au Paradis et à l’Enfer, et c’est après cela que sayiduna al-Mustafa (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) attesta de l’accomplissement de sa foi.

D’une manière générale, les visions auxquelles accède le disciple cheminant dans la Voie Soufie sont exactement les mêmes que celles mentionnées dans le Coran et la Sunna. Mais du fait de la diffusion de l’ignorance qui depuis s’est faite omniprésente, ces expériences hautement spirituelles sont associées à des artifices démoniaques… L’aspirant sincère quant à lui ne se fie pas aux paroles des gens de l’éloignement divin, mais préfère se concentrer sur ce dont nous a informé la Révélation, puis il fournit les efforts nécessaires à la réalisation du cheminement afin de finalement compter parmi les gagnants.

Troisième Point : Pourquoi la Lumière contemplée dans la Tariqa Karkariya ne peut-elle pas provenir du Shaytân ?

Celui qui prétend que la Lumière contemplée dans la Tariqa Karkariya est un artifice du Shaytân, ses paroles sont retournées contre lui-même et il devra rendre des comptes devant Allâh –ta’ala- pour cela.

– Dans la Tariqa Karkariya, le disciple évoque Allâh –ta’ala- de manière abondante de jour comme de nuit : comment donc le Shaytân pourrait-il l’approcher ? Comment pourrait-il ruser et recourir à ses artifices alors que le disciple s’est fermement agrippé à la corde d’Allâh. Le Coran nous informe pourtant que celui qui s’éloigne de l’évocation d’Allâh –ta’ala- est celui sur lequel le Shaytân a exercé son emprise, et non pas le contraire : « Et quiconque s’aveugle (et s’écarte) du rappel du Tout-Miséricordieux, Nous lui désignons un diable qui devient son compagnon inséparable » [s41.v36]. En vérité, l’évocation d’Allâh et Iblîs ne peuvent pas être réunis. Selon Abou Houreyra, le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit : « Lorsqu’on appelle à la prière, le Shaytân prend la fuite en pétant fort afin de ne pas entendre l’appel. » [Rapporté par al-Boukhâriy et Muslim].
Par ailleurs, le disciple Karkariy ne débute pas son évocation d’Allâh –ta’ala- sans avoir préalablement accompli l’ablution, qui est l’arme du croyant. Il commencera ensuite son dhikr par la formule demandant à Allâh la protection contre le Shaytân lapidé, ce qui a pour effet d’annuler sa ruse : « Lorsque tu lis le Coran, implore la protection d’Allâh contre le Shaytân lapidé : il n’a aucun pouvoir sur ceux qui croient et qui placent leur confiance en leur Seigneur » [s16.v98/99]. Le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit : « Quand l’un de vous s’endort, le Shaytân fait trois nœuds derrière sa tête en disant sur chacun d’eux : « Que ta nuit soit longue ! Dors ! » S’il se réveille entre temps et évoque Allâh –ta’ala-, l’un de ces nœuds se délie. S’il fait ses ablutions le deuxième nœud se délie. Et s’il prie les trois nœuds se délient. Ainsi, il se réveille plein d’énergie et l’haleine bien odorante ; sinon il a mauvaise haleine et déborde de paresse. » [Rapporté par Muslim].
Ibn ‘AbdelBarr (rahimahullâh) dit dans son Tamhîd (relativement à la version du même Hadîth rapportée par l’Imâm Mâlik) :
« Dans ce Hadîth se trouve la preuve que l’évocation d’Allâh expulse le Shaytân, de même que les ablutions et la prière. Les ablutions et la prière peuvent avoir cet effet du fait de ce qu’ils comprennent en terme de dhikr, et c’est donc par le bienfait de ce dernier que le Shaytân est banni. On peut admettre qu’il en va de même pour l’ensemble des bonnes actions, et Allâh est plus savant. »
[ ص 46 ج 19، مكتبة ابن تيمية. ].

– Le dhikr pratiqué dans la Tariqa Karkariya est absolument conforme à la chari’a : ne s’y trouvent aucune formule étrange ou incomprise, aucun changement des textes sacrés qui pourrait nous mener à dire que par ces paroles le Shaytân pourrait approcher le disciple. Bien au contraire, le dhikr pratiqué par le cheminant ne fait que repousser les ténèbres et augmenter les Lumières dans son cœur :

En effet, le cheminant Karkariy se doit impérativement de se lever et de veiller le dernier tiers de la nuit. De nombreux éléments de l’exemple Prophétique nous invitent à profiter de ce temps béni, ainsi donc l’aspirant se doit de faire vivre ce moment par la prière et l’évocation d’Allâh –ta’ala-, selon ce que le Shaykh lui aura recommandé de bon pour lui. De là apparait l’importance du compagnonnage et de la fréquentation d’un Shaykh accompli, car le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) répondait parfois à une même question par une multitude de réponses, variant en fonction de la personne qui la posait. Lorsqu’on lui demandait quelle était la meilleure des œuvres, il répondait à l’un qu’il s’agissait de la prière faite en son temps, à l’autre il disait de ne pas s’énerver, et ainsi de suite. Ceci se retrouve et est écrit noir sur blanc dans les livres de la Sunna. Et en vertu de son héritage Muhammadien, c’est de cette même manière qu’agit le Shaykh avec ses différents disciples, enjoignant les uns à pratiquer l’istighfâr dans le dernier tiers de la nuit, les autres à pratiquer la prière sur le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), à d’autres l’évocation de la Parole Bénie « lâ ilâha illa Allâh », et à d’autres encore la mention du Nom divin « Allâh » : « Et évoque le Nom de ton Seigneur et consacre-toi totalement à Lui » [s73.v8] et aussi : « Et évoque le Nom de ton Seigneur matin et soir » [s76.v25]. C’est donc ainsi qu’il enjoint chacun à pratiquer ce qui lui sera le plus bénéfique selon son cas, sans jamais demander autre chose que ce avec quoi est venue la Sunna.

Puis, après la prière du Sobh et du Maghreb, l’aspirant Karkariy s’adonne au wird comme nous y enjoint le Vrai –ta’ala- : « Dans des maisons que Allâh a permis que l’on élève, et où Son Nom est invoqué ; Le glorifient en elles matins et soir » [s24.v36] Ce wird est composé d’istighfar, prière sur le Messager d’Allâh, tahlîl et enfin Hamd wa Chukr, à raison de 100 répétitions chacun.

– L’istighfâr (fait de dire « astaghfirullâh ») a de très nombreux mérites, et celui qui s’y attache fermement se trouve sous la protection d’Allâh. Il est la cause de la perdition du Shaytân, ainsi que le mentionna ibn al-Qayim dans son ouvrage « Al-Jawâb al-Kâfi » :
« Iblîs dit : Les péchés ont détruit les fils d’Adam, et ils m’ont (à leur tour) détruit par l’istighfâr et la mention de lâ ilâha illa Allâh ».
C’est par l’istighfâr que le cœur est purifié, et par l’istighfâr qu’il voit sa Lumière augmenter, comme le mentionne le Hadîth authentique (et considéré comme sahîh par al-Albâniy) : Selon Abou Hourayra (radiAllâhu ‘anhu), le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) a dit : « Lorsque le croyant commet un péché, une souillure noire vient entacher son cœur : s’il se repent, cesse ce péché et pratique l’istighfâr, le cœur est alors poli et brille (de nouveau). Et si au contraire il rajoute (des péchés à ses péchés), alors la souillure noire grandit jusqu’à prendre le dessus sur son cœur, et il s’agit là du recouvrement que mentionne Allâh –‘azza wa jall- dans le Coran : « Mais ce qu’ils ont accompli recouvre leurs cœurs » [s83.v14]. [Rapporté par at-Tirmidhiy]
Dans notre Tarîqa, l’istighfâr se pratique par la mention de « astaghfirullâh » dans le wird, et en dehors du wird par « astaghfirullâh al-‘adhim alladhi lâ ilâha illa huwa al-Hayyu al-Qayyoûmu wa atoûbu ilayh », et il s’agit là de deux formulations que l’on retrouve dans la Sunna.

– La prière sur le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) est ce qui sauve les croyants, elle est la cause de l’acceptation des œuvres et l’accès à l’intercession. Par elle les besoins sont satisfaits et les soucis écartés, le Vrai –‘azza wa jall- prie sur Ses serviteurs qui la pratiquent… et d’une manière générale, celui qui s’affaire à l’accomplissement de la prière sur le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), cette prière lui suffit en tout et pour tout. De nombreux Hadîth viennent étayer cela, et ils sont connus. Et celui sur qui le Seigneur prie, peut-il cheminer sur le sentier du Shaytân ? Bien sûr que non ! Cette prière sur le Prophète (‘alayhi s-salâtu wa s-salâm) est pratiquée dans notre tariqa soit par la salât Ibrahimiya, soit par la salât Oummiya, qui sont toutes deux confirmées par la Sunna… mais par soucis de clarté, nous ne ramènerons pas ici les Hadîth concernés.

– La mention de la Parole Bénie (lâ ilâha illa Allâh) est quant à elle connue pour être une protection contre le Shaytân lapidé. Ainsi, selon Abou Hourayra (radiAllâhu ‘anhu), le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit : « Celui qui dit : « lâ ilâha illa Allâh wahdahu lâ charîka lah, lahu l-moulku wa lahu l-hamdu wa huwa ‘ala kulli chay’in qadîr » 100 fois par jours recevra la récompense de la libération de dix esclaves, cent bonnes actions lui seront inscrites, cent mauvaises lui seront effacées, et (cette parole répétée) sera pour lui une protection contre le Shaytân durant toute sa journée jusqu’au soir. Et nul autre ne vient avec meilleure action que celui qui viendra avec celle-ci, excepté quelqu’un qui en aurait fait plus (que 100). » [Rapporté par al-Boukhâriy et Muslim].

– Quant à la mention du Nom « Allâh » de jour comme de nuit, accompagnant le moindre de ses faits et gestes : il s’agit là du dhikr le plus efficace à brûler les ténèbres de la nafs, qui sont bien plus tenaces que Iblîs… celui donc qui parviendra à brûler et faire fondre ce qu’il y a de plus dur (la nafs), n’aura pas grand peine à se débarrasser de ce qui est faible (Iblis).

Dans le wird Karkariy se trouve également la lecture complète du Coran tous les mois, soit quotidiennement deux Hizb. Le disciple Karkariy lit ainsi donc la sourate al-Baqara au minimum une fois par mois… Or, selon Abou Omâma (radiAllâhu ‘anhu), le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) a dit : « Lisez la sourate al-Baqara car elle est une bénédiction pour celui qui la prend et un grand regret pour celui qui la délaisse, et les gens du faux ne peuvent rien contre elle » [Rapporté par Muslim]. Les gens du faux désignant ici les sorciers. Et le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit aussi : « Ne faites pas de vos maisons des tombes : certes, le Shaytân fuit la maison où l’on récite la sourate al-Baqara » [Rapporté par Muslim]

Dans notre wird journalier, on retrouve encore la récitation du verset du Trône (verset 255 de sourate al-Baqara) au terme de chacune de nos prières et avant de dormir… Et à ce sujet, Iblîs dit à Abou Hourayra (radiAllâhu ‘anhu) dans le récit très connu : « Lorsque tu t’apprêtes à dormir, récite le verset du Trône : un protecteur de la part d’Allâh sera à tes côtés et aucun Shaytân ne pourra t’approcher jusqu’au matin. » Et le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) confirma ces propos en disant : « Il a dit vrai, bien qu’il soit un menteur par essence ». [Rapporté par al-Boukhâriy]
Ainsi donc, celui qui récite le verset du Trône bénéficie de la protection d’Allâh, qui chargera un ange d’assurer sa protection, et aucun Shaytân ne pourra l’approcher quelle que soit sa force… et si les sorciers ont recours aux djinn et aux Shayâtîn pour causer du tort aux gens du commun, ils ne peuvent en revanche rien faire contre celui qui récite ce verset béni.

De même, les disciples Karkariy ne participent pas à une réunion de dhikr sans réciter un wird comprenant le verset du Trône, les trois dernières sourates du Coran (al-Ikhlâs et al-Mu’widhatayn) ainsi que la sourate al-Fâtiha… et c’est ce que doit reproduire également le mourid avant de se coucher, en veillant bien à ne pas dormir sans être en état de pureté rituelle. Il fut entendu de la bouche de notre Shaykh (radiAllâhu ‘anhu), à propos de la pureté rituelle : « Quand un disciple se présente à moi sans ses ablutions, c’est comme s’il m’assénait un coup de poignard. » Il nous enjoint toujours à rester continuellement en état d’ablution : « Pour que si la mort vient vous prendre, vous soyez en état d’ablution. ».

Tels sont les enseignements de notre Shaykh (radiAllâhu ‘anhu), il enjoint continuellement ses disciples à se conformer à ceux-ci, et il réprimande ceux qui les négligent : tous les aspirants savent cela… de même qu’il nous enjoint à pratiquer les adhkâr du matin et du soir, les adhkâr liés à la sortie et à l’entrée dans la maison, ainsi que toutes les formules que l’on retrouve mentionnées dans la Sunna… des formules dont le Shaytân ne peut approcher celui qui les prononce.

Concernant les pratiques cultuelles au sein de la tariqa Karkariya, on pratique également le jeûne. Ainsi, certains, jeûnent les lundi, jeudi et les trois jours de pleine lune, d’autres jeûnent plusieurs mois d’affilé sans interruption… or il est bien connu que le jeûne a la particularité d’oppresser les veines, et donc les voies par lesquelles le Shaytân se déplace dans l’individu, comme le rapportent encore une fois des narrations authentiques.

Alors à qui préférerez-vous donc accorder du crédit ?
Allez-vous croire le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) qui assure la protection divine et garanti la préservation contre le Shaytân pour toute personne pratiquant ces adhkâr… ou bien croirez-vous plutôt les nafs malades de ceux qui entendent éloigner les gens du dhikr d’Allâh ?

Croyez-vous sincèrement que la personne entrant sous la protection Muhammadienne pourrait voir apparaitre le Shaytân dans ses visions qui viendrait l’égarer du droit chemin ?
Et si ces adhkâr ne pouvaient pas repousser le Shaytân, alors de quelle manière pourrions-nous nous en débarrasser ? A quoi devrions-nous nous raccrocher ? Qui pourrait nous sauver de lui ?
En vérité, le serviteur n’a nul autre que Allâh et Son Messager (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), tout en dehors de cela n’est qu’illusion dans illusion. Tout ce qui est dit en dehors du Coran et de la Sunna est vain et sans aucune valeur. C’est ainsi que doit se comporter le croyant : il ne doit voir absolument rien en dehors de la Vérité.

Quant à celui qui n’a pas la capacité d’accomplir tout ceci, ou celui pour qui la pratique de ces adhkâr est trop lourde… qu’il reste en compagnie de ceux qui eux les pratiquent, afin de bénéficier de leur baraka, et que peut-être un jour le souffle de leur aspiration spirituelle vienne le sortir de son état de paresse vers celui de l’effort dans la Voie d’Allâh. Mais surtout qu’il ne fuie pas ces gens, et qu’il ne les prenne pas en ennemi en les calomniant de toutes sortes de choses, simplement parce que leurs nafs ne sont pas capables de supporter le Jalâl du cheminement vers Allâh (c’est-à-dire les actes d’adoration et tout ce qui fait mourir la nafs), ou parce qu’ils veulent en acquérir le Jamâl (les visions et les Secrets) sans pour autant fournir les efforts nécessaires pour y parvenir.

La personne qui a foi en le Message Prophétique ne doit donc pas rejeter cette garantie de protection divine pour ceux qui se conforment à son enseignement, et encore moins préférer à cela les paroles de gens qui ne sont même pas de la même religion, voir même qui n’ont pas de religion du tout ! Une personne qui ferait cela serait un serviteur se causant grand tort à lui-même, et pour qui on craindrait une mauvaise mort.
D’autre part, celui qui persévère dans la pratique des adkhâr Prophétiques, quand bien même des choses du monde soufli (relative au Shaytân) se présenteraient à lui, il s’en verrait protégé à l’instar des compagnons dans les Hadîth précités, et en aucun cas cela ne serait pour lui une cause d’égarement ou de perdition. Au contraire, il reconnaitra la ruse du démon là où elle se présentera à lui, il recherchera la protection d’Allâh contre ce dernier et la recevra immédiatement, puisque cette protection est une garantie divine.

Quatrième Point : La Tariqa Karkariya et le troisième œil

Ils disent que ces Lumières que voient les disciples de la Tariqa Karkariya ne résultent que de l’ouverture du troisième œil, par l’intermédiaire des djinn. Ils prétendent qu’elles ne rapprochent pas le serviteur de son Seigneur, et qu’elles lui portent préjudices davantage qu’elles ne lui sont bénéfiques. Il s’agirait de sciences occultes que certains exploiteraient notamment à des fins médicinales, et l’on donnerait à tout ceci une apparence d’Islâm…

Premièrement, le fait que le disciple Karkariy chemine spirituellement selon une voie entièrement conforme à la Chari’a rend invalide tous ces arguments, et nous avons pris soin de préalablement mentionner les adhkâr que pratiquent les disciples de la Voie… quel type de djinn pourrait donc les affecter ?

Deuxièmement : La Lumière que voit le disciple Karkariy augmente et diminue en fonction de l’accomplissement d’œuvres pieuses, du fait qu’il s’agit de la Lumière de la foi (Imân), et que la foi augmente et diminue en fonction des œuvres que l’on accomplit. Pour cette raison, lorsque le disciple paresse dans l’accomplissement de son wird ou même qu’il l’abandonne complètement, lorsqu’il néglige sa prière et ne surveille pas sa langue, alors la Lumière s’éteint dans son cœur et il redevient empli de ténèbres comme il était avant son entrée dans la tariqa, et même plus encore. Par conséquent si cette Lumière était effectivement une Lumière issue du monde occulte et démoniaque, elle n’aurait pas augmenté par les adorations ni diminué par les péchés, bien au contraire !

Troisièmement : Si cette Lumière était vraiment telle que vous le prétendez, alors pourquoi de nombreux disciples voient le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) en rêve et même à l’état d’éveil, dans sa forme apparente humaine… étant donné que le Shaytân ne peut en aucun cas prendre son apparence, comme nous l’affirme le Hadîth rapporté par Abou Hourayra (radiAllâhu ‘anhu) : « Celui qui m’a vu pendant son sommeil me verra à l’état d’éveil, car le Shaytân ne prend pas mon apparence ». Et dans un autre Hadîth unanimement reconnu authentique, selon Anas (radiAllâhu ‘anhu) le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) a dit : « Celui qui me voit pendant son sommeil m’a vu véritablement, car le Shaytân ne peut pas se faire passer pour moi. » Ces visions et mouchâhadates n’ont été possibles que par la baraka de la contemplation de sa forme spirituelle et lumineuse, chose que réalise toute personne prenant le wird Karkariy auprès du Shaykh (radiAllâhu ‘anhu), sans exception. N’est-ce pas là une preuve en plus de l’authenticité de cette Lumière ? Ou bien vous préférez continuer à accorder de l’importance aux prétentions des uns et des autres basées sur leurs passions, sans aucune base issue des textes sacrés ? Plus étonnant encore, le fait de voir les négateurs affirmer que toutes ces visions ne sont parvenues aux disciples qu’en raison de leur sincérité, et non pas par la baraka de l’enseignement du Shaykh… Il s’agit là de la plus grande marque de mauvaise foi qui soit, car ces disciples ne voyaient rien de tout ceci avant d’entrer dans la tariqa, mais plutôt cela ne débuta que lorsqu’ils commencèrent à fréquenter le Shaykh (radiAllâhu ‘anhu). Si donc ces visions étaient le fruit de leur sincérité, pourquoi n’en avaient-ils pas avant la prise du pacte ? Ils étaient pour certains les plus assoiffés et les plus en recherche de cette vision, qui ne fut pourtant accessible pour eux qu’après la prise de la bay’a. Tout ceci est donc dû au compagnonnage du Shaykh, à la baraka et à l’authenticité du idhn dans la guidée et l’éducation des disciples, car le Shaykh de Tarbiya détient l’héritage Prophétique qu’il répartit en vertu du Hadîth « Allâh est Celui qui donne, et je suis celui qui répartit ». [Rapporté par al-Boukhâriy], le Don divin descendant depuis la Présence Sanctifiée vers le cœur du Shaykh, puis du cœur du Shaykh vers le cœur du disciple.

Quatrièmement : Si tout ceci était véritablement occulte et démoniaque, alors pourquoi certains disciples reçoivent des dévoilements au sujet de choses inconnues, par exemple concernant des événements à venir en rapport avec eux ou avec autrui ? Le Shaytân n’est-il pas incapable de connaître l’avenir ? En vérité, il n’a connaissance que du passé, raison pour laquelle les sorciers et autres charlatans ne peuvent informer que d’événements passés et jamais à venir… Quant au dévoilement (kachf) qui a lieu dans la tariqa Karkariya par intermédiaire de la Lumière, il fait apparaitre des choses incroyables qui ne sauraient parvenir qu’aux Awliya d’Allâh, et nous avons en ce sens bon nombre d’histoires et de témoignages.

Cinquièmement : La lumière des adeptes du troisième œil est une lumière métaphorique uniquement, raison pour laquelle on les voit en parler systématiquement en disant qu’il s’agit de « s’imaginer une lumière »… quant à la Lumière Muhammadienne, c’est une Lumière qui se voit par le cœur, de la même manière qu’on voit les choses créées.

Sixièmement : Dans le cheminement soufi, lorsque la Lumière est vue, elle laisse dans le cœur une saveur particulière, le disciple ressent un apaisement et une revivification, et toute paresse s’envole. Mais cela n’a rien à voir avec ce qu’expérimentent les gens qui pratiquent l’ouverture du troisième œil, affirmant qu’ils ressentent un relâchement dans tout le corps et une sorte de paresse à rouvrir les yeux… D’autre part, par la Lumière divine le serviteur voit sa compréhension et son intellect s’élargir, jusqu’à ce qu’il parvienne à la compréhension par Allâh –ta’ala- dans Sa Parole, ainsi qu’à la compréhension par le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dans sa Sunna… des compréhensions qu’il était bien évidemment incapable d’atteindre auparavant.

Septièmement : La Vérité n’est pas systématiquement rendue invalide à partir du moment où elle ressemble en apparences à ce qui est faux. Penser une chose pareille est une preuve de parfaite ignorance. Ce qui permet de déterminer le Vrai du faux, c’est la Chari’a : ce qui est conforme à la Loi divine, nous le prenons, quand bien-même nous trouverions la même chose dans d’autres communautés religieuses. Et à l’inverse, ce qui n’est pas conforme à la Loi divine, nous le délaissons, et nous n’en avons absolument pas besoin. Or il se trouve que ce avec quoi est venue la noble Sunna, c’est justement qu’entre les yeux de chaque fils d’Adam se trouve une lueur (wabîs) de Noûr, et non pas d’un troisième œil…
Dans un Hadîth authentique, selon Abou Hourayra, le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) a dit : « Lorsque Allâh créa Adam, Il essuya son dos et de celui-ci tombèrent tous les êtres qu’Il créera de sa descendance jusqu’au Jour du Jugement, et Il plaça entre les yeux de chaque être humain un wabîs (lueur) de Lumière » [Rapporté par at-Tirmidhiy]. Il s’agit là de la Lumière de la nature première (fitra) sur laquelle Allâh crée chaque homme : et il s’agit de l’Islâm. Mais les parents voilent leurs enfants de ceci par l’éducation qu’ils leur inculquent. Dès lors donc que le serviteur rencontre un Shaykh éducateur et détenteur du idhn de la part du Bien-Aimé (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), et dès lors qu’il prend de lui le pacte et commence à cheminer : la Lumière apparaît dans son cœur, en vertu du Hadîth : « Allâhumma place dans mon cœur de la Lumière ». Puis le disciple s’élèvera jusqu’au degré de la vision, en vertu de la suite de ce même Hadîth : « Allâhumma place dans ma vue de la Lumière ». Tel est le cheminement spirituel, et il n’est pas de cheminement autre que celui-ci, car le Hadîth ne dit pas « place entre mes deux yeux de la Lumière »… la différence est claire, excepté pour celui qui s’y refuse et s’obstine.

Huitièmement, celui qui ouvre le troisième œil vit un véritable Enfer sur terre et se noie dans les problèmes de toutes sortes… ce qui n’est absolument pas le cas avec la Lumière Muhammadienne. Au contraire, celui qui la voit vit dans la félicité et se réjouit de la présence du Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam)… et si cette Lumière venait à disparaitre de la vision du disciple, il serait profondément attristé et le désir de la revoir serait irrésistible. Quant aux épreuves par lesquelles Allâh éprouve ceux qu’Il veut d’entre Ses serviteurs cheminant dans la Voie, à l’instar de la pauvreté, la maladie et autres : il s’agit là du prix de l’Amour et de la Proximité. En ce sens le Hadîth est parfaitement clair : « Les gens les plus éprouvés sont les Prophètes, puis les pieux… ». Mais même si les âmes humaines désirent Allâh, elles désirent également ce bas-monde… or il s’agit là de deux amours qui ne sauraient être réunis dans un même cœur. Ainsi, lorsque le serviteur voit diminuer une part des bienfaits dont il jouit ici-bas, il se détourne d’Allâh… Quant à celui qui désire véritablement Allâh, il se doit de toujours penser qu’il vend son âme à Allâh, et qu’il ne doit donc pas rester avec ce que désire et ce à quoi s’accroche sa nafs, mais plutôt avec son Seigneur uniquement. Il s’agit là du secret de la servitude exclusive, au-delà de toutes les prétentions mensongères qui s’effacent au premier test. Et n’oublie pas que un jour Abou Dharr vint au Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) et lui dit : « Je vous aime, ô Ahl al-Bayt ! ». Le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) lui répondit : « Allâh ? ». Il dit : « Allâh ». Il ajouta alors : « Alors prépare toi à une grande pauvreté, car la pauvreté touche celui qui nous aime plus rapidement encore que le cours d’eau dévalant la montagne ! ». [Rapporté par al-Hâkim].

Neuvièmement : Celui qui contredit les Aimés d’Allâh –ta’ala- se doit d’être comme eux et de partager leurs degrés et expériences spirituelles… et non pas se rabaisser au niveau des gens du Koufr s’opposant aux monothéistes. Il s’agit là d’un manque de adab vis-à-vis d’Allâh et de Ses Bien-Aimés. Que celui dont l’état est celui-ci prenne donc garde à la Ruse divine, car il se pourrait qu’il soit en train de s’en prendre à une personne qui, si on la prend en ennemi, Allâh –ta’ala- nous déclare la guerre. En ce sens, le Hadîth du Waliy est connu. Et le Shaykh ‘Abd al-Qâdir al-Jîlâniy (radiAllâhu ‘anhu) dit dans al-Fath al-Rabbâniy :
« Prenez garde de ne pas porter préjudice au croyant, il s’agit là d’un poison qui se répand dans le corps de l’injuste, c’est une cause de sa pauvreté et de son châtiment dans l’au-delà. Ô ignorant d’Allâh –ta’ala- et de Ses privilégiés ! Ne goûte pas à la saveur de la médisance à leur sujet : c’est un poison mortel ! Prends garde ! Prends garde ! Prends garde à ne surtout pas te retourner contre eux, car ils ont de leur côté quelqu’un qui ne tolère pas qu’on leur fasse du tort. »

Dixièmement, dans la Tariqa karkariya, le disciple voit la Lumière où qu’il se tourne… il est des disciples qui la voient ainsi dans la chose, d’autres la voient avant la chose, et d’autres encore la voient auprès de la chose. En ce sens, sidi ‘AbdelQader dit Mawl al-Bâchâ, le Shaykh de sidi Mohamed ben Qaddoûr al-Wakîliy al-Karkariy (radiAllâhu ‘anhuma) dit :
« Certains voient la Lumière dans le cristal (zujâja) de l’univers, et il s’agit là du degré de l’ancrage ferme (roussoûkh) venant après la maîtrise (tamkîn). D’autres la voient auprès du cristal, ce qui correspond au degré de maîtrise précédant l’ancrage ferme. D’autres la voient avant le cristal, ce qui indique un état d’évolution spirituelle descendant (considération du Créateur pour établir la créature). Et d’autres enfin voient la Lumière après le cristal, ce qui correspond à l’état d’évolution spirituelle ascendant (considération de la créature pour établir l’existence du Créateur) ».
[ الإشارة الكافية لسيدي عبد القادر مول الباشا ص 118-119 ]
Ils s’agit là de choses et d’étapes mystiques qu’en aucun cas le troisième œil ni quoi que ce soit d’autre ne permettent de réaliser. Seul peut t’y mener le Shaykh détenteur d’une autorisation (idhn) divine. Quant à celui qui n’a pas ce idhn, il est totalement incapable de faire parvenir le disciple à ce degré spirituel, en vertu du fait que celui qui ne possède pas lui-même une chose ne peut évidemment pas la transmettre.

Onzièmement, si cette Lumière que l’on voit était un effet produit par les djinn, et sachant qu’avant d’entrer dans la tariqa certains disciples souffraient de possession ou autres problèmes avec ces derniers : pourquoi à partir du moment où ils ont pris la bay’a et ont commencé à pratiquer le dhikr tous leurs problèmes à ce niveau ont disparu ? N’est-ce pas là une preuve suffisante quant au fait que le dhikr que nous pratiquons est porteur de la Lumière du idhn Muhammadien, qui revient exclusivement aux Shouyoûkh de tarbiya ?

Douzièmement, il y a dans la tariqa Karkariya des disciples qui ont expérimenté personnellement l’ouverture du troisième œil, et ce bien-sûr avant de s’intéresser à la tariqa. Et celui qui a pratiqué et vécu la chose est évidemment plus à même d’être entendu et écouté, contrairement à celui qui ne fait que parler de choses qu’il n’a fait que lire ou entendre. Les gens ayant goûté véritablement au troisième œil sont ceux qui sont en mesure de faire la différence entre celui-ci et la Lumière Muhammadienne, qu’ils ont pu voir immédiatement après la bay’a prise du Shaykh sidi Mohamed Faouzi al-Karkari (radiAllâhu ‘anhu). Pour en savoir plus nous vous renvoyons vers la vidéo du frère sidi AbdelAziz.