بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

La chahâda selon les degrés
d’Islâm/Imân/Ihsân

En tant que musulmans, nous connaissons tous la chahâda, que nous récitons dans chacune de nos prières. Mais nous sommes-nous déjà arrêtés pour réfléchir à ses sens profonds… à commencer par le sens du mot « chahâda – شهادة « … ? Ceux qui en auront pris le temps auront pu se rendre compte que chahâda était construite à partir du verbe chahida, qui peut avoir plusieurs significations :

Chahida / Nataqa (prononcer)

Allâh –subhânahu wa ta’ala- dit : « Ils diront à leurs peaux : «Pourquoi avez-vous témoigné (chahidtum) contre nous?» Elles diront : «C’est Allah qui nous a fait parler (antaqanâ), Lui qui fait parler toute chose. » [s41.v21]. Sayiduna Anas ibn Mâlik (radiAllâhu ‘anhu) dit : « Au Jour du Jugement, le serviteur dira : « Ô Seigneur, n’as-tu pas promis que tu ne serais pas injuste envers moi ?  » Il répondra –ta’ala- : « Certes, et tu auras ceci ». L’homme dira : « Alors, je n’accepterai aucun témoin (châhid) contre moi, si ce n’est de moi-même !  » Il dira –ta’ala- : « Ne suffit-il donc pas que Je sois témoin (chahîd), ainsi que les nobles anges qui inscrivent ? « . La bouche du serviteur sera alors scellée, et ses membres se mettront à parler (tatakallam) de ce qu’il faisait. » [Rapporté par Muslim]. Nous voyons donc qu’une première compréhension du mot chahâda serait nataqa/s’exprimer en produisant un son ou takallama/parler… et ceci correspond au premier degré de réalisation de la chahâda, puisque le simple fait de la prononcer suffit à faire entrer une personne dans la communauté des musulmans.

Chahida / Ra’â (voir)

Allâh –subhânahu wa ta’ala- dit : « Que celui d’entre vous qui voit (chahida) le (signe du début du) mois observe le jeûne ». [s2.v185]. Et dans un Hadîth, confirmant que c’est bien du verbe chahida dans le sens de voir qu’il s’agit ici, le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit : « Jeûnez à la vue du croissant et rompez à sa vue, si il y a des nuages complétez Sha’bân à 30 jours » [al-Boukhâriy]. (pour plus de précisions : http://www.doctrine-malikite.fr).

Chahida / hadara (assister)

Allâh –subhânahu wa ta’ala- dit : «…Si le débiteur est gaspilleur ou faible, ou incapable de dicter lui-même, que son représentant dicte alors en toute justice. Et sollicitez la présence (istachhidou) de deux témoins (chahîdayn) d’entre vos hommes… » [s2.v282]. Voici donc la troisième compréhension du mot « chahida », qui comprend, en plus de la notion de vision, celle de la Présence. La chahâda est donc une Parole Bénie faisant accéder toute personne qui la prononce au premier des trois degrés de notre religion : al-Islâm… mais prononcer la chahâda ne veut pas forcément dire voir (ra’â / رأى ) ce que l’on prononce avec la langue, ce qui correspondrait au degré de l’Imân… et encore moins qu’on y assiste (hadara / حضر), ou en d’autres termes qu’on vit et réalise ce que l’on dit, ce qui correspondrait au degré de l’Ihsân.

Il y a donc trois degrés de réalisation de la chahâda :

  • Al-Islâm : par la langue (nataqa/prononcer)
  • Al-Imân : par la vision (ra’â/voir)
  • Al-Ihsân : par la Présence (hadara/assister)

Al-Islâm

Toute personne prononçant (nataqa) la Parole « ach-hadu allâ ilâha illa Allâh, wa ach-hadu anna Muhammadan Rassoûlullah », est par définition musulmane et entre dans la station de l’Islâm, qui s’accompagne par l’accomplissement de ses cinq piliers. Le chiffre cinq correspondant, dans la Science des Lettres, à la Lettre hâ’ (ه).

Al-Imân

Il est question des gens de l’Imân (mouminoûn) et de ce qui les caractérise, dans ce monde comme dans l’autre, dans la sourate du Fer où Allâh –subhânahu wa ta’ala- dit : « Le jour où tu verras les croyants et les croyantes, leur Lumière courant devant eux et à leur droite; (on leur dira) : « Voici une bonne nouvelle pour vous aujourd’hui : des Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux pour y demeurer éternellement » .Tel est l’énorme succès. » [s57.v12]« Le jour où les hypocrites, hommes et femmes, diront à ceux qui croient : « Attendez que nous empruntions [un peu]: de votre Lumière » . Il sera dit : « Revenez en arrière, et cherchez de la Lumière». » [s57.v13]. Sayiduna ibn ‘Abbâs (radiAllâhu ‘anhu) dit concernant ces versets : « Tandis que les gens seront plongés dans les ténèbres, Allâh fera apparaitre la Lumière, et lorsque les croyants verront cette Lumière ils se dirigeront vers elle, la Lumière étant l’indication menant au Paradis. Lorsque les hypocrites verront que les croyants sont en route, ils les suivront, et alors Allâh couvrira les hypocrites de ténèbres. Ces derniers diront alors aux croyants : « Attendez que nous empruntions [un peu] de votre Lumière, nous étions avec vous dans le bas-monde (dounia)… » Les croyants leur répondront alors : « Revenez d’où vous êtes venus (c’est-à-dire dans dounia) et prenez là-bas votre Lumière ! » » [Tafsîr at-Tabariy].

Ainsi, nous voyons bien que les croyants (al-mouminoûn) sont des gens qui auront recherché et trouvé la Lumière dans ce monde avant l’autre… et que par ailleurs, une fois arrivé au Jour du Jugement, il sera trop tard pour espérer recevoir de quiconque le moindre atome de Lumière. D’autre part nous remarquons que les gens dotés de cette Lumière sont les gens de l’Imân (al-mouminoûn), et que Allâh –ta’ala- ne dit pas dans ce verset : « Le jour où tu verras les musulmans et les musulmannes (al-mouslimîn wal-mouslimâte), leur Lumière courant devant eux et à leur droite… Mais : « Le jour où tu verras les croyants et les croyantes (al-mouminoûn wal-mouminâte), leur Lumière courant devant eux et à leur droite : «Voici une bonne nouvelle pour vous aujourd’hui… » [s57.v12]. Par conséquent, la réalisation de la chahâda par le degré de l’Imân se fait au travers la Vision de la Lumière divine, qui est effective dans ce monde avant l’autre. Cette Lumière divine, jusqu’à sa contemplation, est considérée comme appartenant au domaine de l’inconnu (ghayb)… de même que les six fondements de l’Imân que sont le fait de croire en Allâh, en Ses anges, en Ses Livres, en Ses Messagers, en le Jour Dernier et en le Destin qu’il soit bon ou mauvais… Et c’est par l’intermédiaire de cette Lumière du ghayb que l’on accède à la véritable réalisation de la croyance (Imân) en ces six fondements de la Foi. Six fondements, de même que la valeur numérologique de la Lettre wâw (و ) est le 6, d’où son appellation « wâw al-Imân ».

Al-Ihsân

Pour finir, dans le degré de l’Ihsân, il s’agit de réaliser le degré de la chahâda associant les deux premiers et menant à la réalisation de la Présence divine, d’une manière qui sied à Allâh –subhânahu wa ta’ala-. Dans le Hadîth connu et rapporté par sayidina ‘Omar ibn al-Khattâb (radiAllâhu ‘anhu), al-Ihsân nous est défini comme suit : « أن تعبد الله كأنك تراه فان لم تكن تراه فانه يراك  ( الاحسان هو) ». La traduction du sens apparent de ceci est : « (al-Ihsân c’est) adorer Allâh comme si tu Le voyais… et si tu ne Le vois pas, Lui te voit » … mais selon les maîtres réalisés de l’Ihsân, son sens profond serait plutôt : « (al-Ihsân c’est (Huwa)) d’adorer Allâh comme si (kâf at-tachbîh) tu Le voyais… et si tu cesses d’être (فان لم تكن / fa’in lam takun), à ce moment-là tu Le verras (تراه  / tarâh)… et Lui, Il te voit. ». Ceci ne veut pas dire que les gens de l’Ihsân voient et cernent Celui au sujet de qui « laysa KA-mithlihi chay’ / rien n’est COMME (kâf at-tachbîh) Lui »… mais plutôt que par la Connaissance du kâf at-tachbîh (que l’on retrouve dans « COMME si tu Le voyais »), ils accèdent à un certain niveau de la compréhension de Son incomparabilité absolue (tanzîh). Et pour finir, comme nous l’avions déjà précisé : al-Ihsân est la réunion des 5 degrés de l’Islâm et des 6 piliers de l’Imân, permettant l’entrée dans la station de la Présence divine, qui se réalise par l’extinction de son propre « moi » et l’établissement de Lui, par Lui et pour Lui, de l’Unique Être Existant… soit : Islâm + Imân => Ihsân 5 + 6 = hâ’ ( ه ) + wâw ( و ) ==> Huwa ( هو ).

C’est alors seulement que débute, dans la Tarîqa Karkariya, le cheminement du Sâlik… Après avoir ainsi effectué son entrée dans la Lettre hâ’ ( ه ) du Nom Singulier « Allâh », après avoir goûté à ce premier degré de fanâ’ (extinction en Allâh), il sera amené à réaliser la Lecture des autres Lettres constituant le Nom Divin, et à réaliser le fanâ’ du fanâ’… puis le fanâ’ du fanâ’ du fanâ’… Ou autrement dit, après s’être éteint dans le hâ’, il s’éteindra dans le lâm ul-qabd, puis dans le lâm ul-‘ichq… Ou autrement dit, après avoir atteint le Secret (Sirr), il atteindra le Secret du Secret, puis le Secret du Secret du Secret… et ainsi de suite sans qu’il n’y ait ni arrivée (woussoûl) ni fin, car les Secrets d’Allâh –subhânahu wa ta’ala- sont illimités, et tant que l’assoiffé demande, il recevra à boire.