بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

Assise du Shaykh Educateur Sidi Mohamed Faouzi al-Karkari –radiAllâhu ‘anhu-
Cours du Samedi 15 Février 2014

Ism, Existant/inexistant, lâ prohibitif, sens cachés de « Alif lâm mîm »

Cet article est une tentative de retranscription de ce que le faqir faible et incapable a pu entendre de la bouche du Sheykh, sayidunâ Muhammad Fawziy al-Karkariy (quddissa sirruhu), selon les limites de la compréhension du mourid ainsi que son incapacité à retranscrire en français la réalité spirituelle profonde de cette intervention réalisée en arabe.

Ne Connaît réellement Allâh qu’Allâh Lui-même, car celui à qui rien ne ressemble ne peut être Connu que de celui à qui rien ne ressemble. De même, si Celui à qui rien ne ressemble a un Nom, alors il n’est nécessairement rien qui puisse ressembler à ce Nom… et ce Nom auquel rien ne ressemble ne peut être réellement évoqué que par celui à qui rien ne ressemble. En d’autres termes, ne peut évoquer l’Ism al-Moufrad « Allâh » sinon Allâh Lui-même… et lorsque Allâh aime l’un de Ses serviteurs, Il fait évoquer Son Nom Suprême par la langue de ce serviteur. C’est en ce sens qu’un homme versé dans la Connaissance profonde de son Seigneur dit un jour qu’il avait passé sa vie entière à attendre que la Porte (de la Connaissance) ne s’ouvre à lui… et lorsqu’enfin elle s’ouvrit, il se rendit compte qu’il se trouvait à l’intérieur depuis bien longtemps déjà. Lorsqu’on prête attention aux vers qu’écrivent les poètes, on se rend alors compte qu’ils traitent de sentiments prenant source dans leur nafs… et quand on prête attention aux vers qu’écrivent les Connaissants (‘ârifîn), on voit qu’ils ne parlent qu’en fonction du degré qu’ils ont atteint dans la lecture du Nom Suprême… en revanche personne ne peut parler d’Allâh Lui-même, subhânahu wa ta’âlâ.

Pour accéder à la Connaissance Suprême (ma’rifa), il faut obligatoirement passer par la Porte, et la Porte par Excellence n’est autre que sayidunâ Muhammad (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), qui dit dans un Hadîth: « Méditez sur la création de Dieu, ne méditez point sur Son Essence, car vous ne L’estimerez pas comme Il doit l’être ». Si donc on ne peut pas penser et réfléchir sur l’Essence divine… comment pourrait-on en parler? Nul ne peut parler sans penser à ce qu’il dit, sans recourir à l’intellect… excepté le fou. Et dans un autre Hadîth, le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit: « Faîtes abondamment le Dhikr d’Allah jusqu’à ce qu’on vous traite de fou »… et, contrairement à ce qu’on pourrait penser, le fou n’est pas ici celui qu’on croit! Le serviteur fait du dhikr en abondance, jusqu’à ce que Allâh lui dévoile Sa réalité… et alors, le serviteur voit son insouciance passée, dans laquelle baigne la majorité des gens, comme étant la plus grande des folies.

Quand le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) nous demande de réfléchir sur la création, cela veut dire réfléchir et réaliser sa propre inexistance ainsi que l’inexistence de tout ce qui nous entoure afin d’accéder à Celui qui, Lui, est Existant. Allâh (subhânahu wa ta’âlâ) dit: « Tout doit périr (hâlik), sauf Son Visage. » [sourate al-Qasas, verset 88].
Et Il dit aussi (subhânahu wa ta’âlâ): « Tout ce qui est sur elle [la terre] doit disparaître (fân), [Seule] subsistera La Face [Wajh] de ton Seigneur, plein de majesté et de noblesse. » [sourate al-Rahmân, versets 26/27]. Et en arabe, les deux formules employées dans ces deux versets (hâlik et fân) renvoient à l’inexistence absolue des choses, et pas seulement à une existence passée et à venir… Ces deux mots sont à considérer aussi bien au passé qu’au présent ou au futur. On questionna l’Imâm al-Juneyd (quddissa sirruhu) à propos du verset « Tout ce qui est sur elle [la terre] doit disparaître (fân) », et plus particulièrement à propos du sens du mot « fân« , il répondit : « Ce qui se trouve entre deux inexistences (c’est à dire ce dont le début est néant et la fin est néant) est lui même inexistant ». Comme nous l’enseigne la Sunna, le meilleur des dhikr qui soit est l’évocation de la Parole « lâ ilâha illa Allâh »… et cette Parole Bénie commence par ce qu’on appelle le « lâ » prohibitif. C’est à dire qu’au commencement tout, absolument tout, doit disparaître dans le Centre de l’Existence, Celui autour de qui tout gravite. L’Existence est à Allâh Seul… mais avant de pouvoir prétendre n’accorder l’Existence qu’à Allâh Seul, encore faut-il avoir réalisé sa propre inexistence… et aujourd’hui tout le monde parle du Nom Suprême “Allâh” sans pour autant avoir réellement goûté au fanâ’.

La langue ne saurait dire tout ce qu’il y a à dire à propos du dit « lâ prohibitif (lâ an-Nafiy) », dont l’étendue et la portée sont illimitées… Le lâ prohibitif englobe l’ensemble de la création, et bien qu’il ne soit pas possible de donner une limite absolue à cette création, il est en revanche possible de l’encadrer et de la considérer au travers de la science des lettres. Le lâ prohibitif de la Parole Bénie est constitué de deux lam… et la lettre lam telle que prononcée s’écrit avec un lam et un mîm. Les gens d’Allâh versés dans cette science savent par ailleurs que le lam est associé au nombre 30 tandis que le mîm est associé au nombre 40. Ce qui nous donne donc un lâ prohibitif constitué de deux lam, soit: 2 * (30 + 40) = 2 * 70 = 140.
Or le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) nous dit bien dans un Hadîth connu qu’entre le Créateur et la création se trouvent 70 voiles de Lumière ET de ténèbres. C’est à dire, en d’autres termes, qu’entre le Créateur et la création se trouvent 140 voiles: 70 de Lumière et 70 de ténèbres. Le lâ prohibitif englobe donc l’ensemble de la création, et nous savons que pour accéder à la Connaissance du Créateur, il nous faut traverser les 70 voiles de Lumière et les 70 voiles de ténèbres. Dit autrement, pour accéder à la Connaissance du Créateur il nous faut réaliser le fait que toutes les choses créés sont inexistantes, qu’elles n’ont jamais existé et qu’elles n’existeront jamais… et ceci n’est possible qu’en accomplissant la lecture de l’Ism al-Moufrad (Allâh) entre les mains d’un Sheykh accompli et disposant d’un idhn et d’un sanad remontant jusqu’à la Porte de cette Connaissance Suprême, sayidinâ Muhammad (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam). Le mourid entame cette lecture et s’anéanti, lui ainsi que l’ensemble de la création, dans la lettre hâ’ du Nom Allâh. En réalisant son inexistence, il a anéanti les six directions dans la Lumière et, ne voyant plus que Allâh en toute chose, ou avant la chose, ou après la chose, la qibla lui est alors révélée, afin qu’il puisse s’y rattacher et s’y référer. La Ka’ba, le Centre Suprême de la création autour duquel toute chose gravite, l’origine et la source de toute chose, la poignée de Lumière divine, la Réalité Muhammadienne (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam)… le centre du cercle dans lequel tout est anéanti.

lam

Le lâ prohibitif est donc composé de deux lam, le premier correspondant aux 70 voiles de ténèbres et le second aux 70 voiles de Lumière séparant le serviteur de son Seigneur. On pourrait dire aussi que ces deux lam correspondent au jour et à la nuit, ou bien au dhikr et à l’insouciance, ou bien encore à l’autre monde et à la dounia. Ainsi notre vie toute entière est limitée au lâ prohibitif, nous ne faisons en réalité que passer d’un état à un autre, d’un endroit à un autre… et le premier comme le second ne sont que néant. Ce lâ prohibitif a bien un centre, représenté par le point d’intersection des deux lam. Ce point n’est autre que la qabda noûrâniya, la poignée de Lumière divine, source de la création… quant au lâ lui même, il représente la dimension illimitée de la création. Il est donc impossible de considérer l’ensemble de la création à partir du lâ, bien qu’il la réunisse toute entière… en revanche ceci est possible dans le hâ’ de l’Ism al-Moufrad, dont le centre est également la poignée de Lumière divine. Allâh (subhânahu wa ta’âlâ) dit: « Et au moyen de l’Etoile [les gens] se guident. » [sourate al-Nahl, verset 16]. Ainsi donc, lorsque le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) nous demande de penser et réfléchir sur la création, il nous demande en fait de trouver dans l’inexistant les signes menant à l’Existant. Quant à ceux qui ont trouvé la source de la création, le point d’intersection des deux lam représentant les 70 voiles de Lumière et de ténèbres… ceux pour qui s’est réalisé le verset « Par l’Etoile lorsqu’elle descend. » [sourate al-Najm, verset 1]… c’est à dire lorsqu’elle descend du maqâm suprême et élevé dans le cœur bas et vil du mourid afin de le faire remonter vers son origine… ceux donc qui connaissent et ont expérimenté ces signes comprennent alors que l’Existence toute entière est contenue dans la poignée de Lumière originelle. Cette étoile, poussée par un désir ardent du divin, bougea et s’agita de haut en bas, dessinant ainsi le Alif de l’Unicité. Ce Alif est donc la trace laissée par le mouvement de la qabda originelle.

Le Alif n’est pas à considérer comme une lettre, il est l’origine de toutes les lettres. On ne dit pas qu’il est créé, et on a honte de le désigner par une chose créée. Le Alif est la première lettre révélée au Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), dans le verset: « `iqra` bismi Rabbik – Lis, au Nom de ton Seigneur. » [sourate al-‘Alaq, verset 1]. Le Alif est également la toute première chose par laquelle Allâh (subhânahu wa ta’âlâ) a juré dans le Coran, dans la sourate al-Baqara: « Alif lâm mîm. ». Quand on considère la Parole Bénie “lâ ilâha illa Allâh”, on constate qu’elle n’est composée que de Alif, de lam et de hâ’… or le lam est lui même un Alif ayant penché et s’étant courbé vers le hâ’ de l’anéantissement éternel de la création… le lam est le résultat de l’Amour divin pour Sa création, il est la manifestation de cet Amour au travers du penchement du Alif de l’Unicité vers la création, il est la relation entre le serviteur et son Seigneur. Par conséquent, la Parole Bénie n’est composée, dans la Haqîqa, que de Alif et de hâ’. Lorsque Allâh (subhânahu wa ta’âlâ) jure en disant « Alif lâm mîm. », Il jure par le Alif al-Fardaniy, par l’Unique, par al-Haqq Lui-même… puis par le lâm symbolisant l’expression de l’Amour du divin pour sa créature, manifesté en la personne de sayidinâ Jibrîl (‘alayhi s-salâm), ange céleste transmetteur du Message, lien entre le Créateur et Sa création… puis par le mîm de sayidina Muhammad (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), le Bien-Aimé par excellence, récepteur du Message Ultime. Certains chiites qui prétendent faussement que le Message aurait été transmis par erreur à sayidina Muhammad (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) au lieu de revenir au noble Compagnon ‘Aliy ibn Abi Tâlib (karram Allâhu wajhah)… ce mensonge éhonté est donc clairement réfuté par ce verset, car Allâh n’a pas juré en disant “Alif lâm ‘aïn”, mais Il a bien dit (subhânahu wa ta’âlâ): « Alif lâm mîm. ».

Dans la langue arabe, la hamza n’est pas considérée comme une lettre… et c’est la raison pour laquelle elle n’apparaît pas dans l’écriture de l’Ism al-Moufrad “Allâh”, mais qu’au contraire on la représente par un point, placé au dessus du Alif. Ce point jouit d’une liberté de mouvement totale puisqu’il peut se situer au dessus de la ligne, sur la ligne ou même en dessous… et lorsque le point se trouve en dessous, il est alors dans un état caché (bâtin)… Le fait que la première lettre du Coran soit la lettre bâ’, et donc que son point se situe sous la ligne, est une indication nous montrant que le Coran tout entier est bâtin, qu’il est donc intemporel et qu’on y retrouve tout ce qui fut, tout ce qui est et tout ce qui sera… et la science moderne vient nous le prouver en découvrant tout juste des chose que le Coran mentionne et que les langues récitent depuis bien longtemps déjà… C’est la raison pour laquelle il revient à chaque mourid aspirant à la Connaissance Suprême de rechercher en eux même, c’est à dire dans leur bâtin, cette étoile qui bouge, tantôt vers le haut, tantôt vers le bas, à gauche ou bien à droite… cette étoile qui les guidera à Lui.