بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

Allâh ﷻ dit : « Dis: « Allah ». Puis, laisse-les s’amuser dans leur égarement. » [sourate al-An’âm, verset 91].

Sayidunâ Ahmad ibn ‘Ajîba dit dans son tafsîr au sujet de ce verset:
« Et les soufis se sont basé sur « Dis Allâh », en terme de signes et d’indications comprises (par les gens du tassawwuf), pour appuyer la mise à l’écart et le détachement de tout pour Allâh, ainsi que l’absence de considération pour toutes les choses vaines et futiles qui préoccupent les gens du commun… il s’agit donc de délaisser ces choses afin de pouvoir accéder au maqâm de la pureté, c’est à dire au degré spirituel de la perception de l’Unicité divine et du retirement au coeur de Ses Secrets.

Ibn ‘atâ Allâh al-Iskandariy a dit, parlant des gens de la contemplation (ahl al-chouhoûd) : « Parce qu’ils sont « lillâh / à Allâh » et à rien ni personne en dehors de Lui, « Dis Allâh… Puis, laisse-les s’amuser dans leur égarement ». Il se peut que les contredisent ceux qui ne comprennent pas leur langage, n’ayant pas la sensibilité du coeur permettant de comprendre ceci et s’arrêtant aux sens apparents de la religion… n’en déplaise donc à ces gens, le Coran a un sens apparent mais aussi un sens caché que ne Connaissent que les gens d’Allâh (al-rabbaniyoûn), qu’Allâh nous fasse bénéficier d’eux. Amine. » [tafsîr al-Bahr ul-Madîd fi tafsîr il-Qur’ân il-Majîd].

Par considération de ce qui n’est qu’Un, il n’existe pas de chose seconde… car selon la Haqîqa, rien n’existe en dehors de Celui qui est à l’origine de l’existence. Allâh est donc à présent tel qu’Il a toujours été, et rien n’existe en dehors de Lui. Les choses créées ne sont que des ombres éphémères, qui ne perdurent et donc n’Existent pas, excepté dans notre mauvaise compréhension. Dans le cas contraire, ces choses Existantes en dehors d’Allâh auraient contredit le verset : « Tout doit périr, sauf Son Visage » [sourate al-Qasas, verset 88], c’est à dire toute chose est éphémère et sans existence, excepté Sa Face, ou en d’autres termes excepté Son Essence. Toutes les essences ne sont que néant et n’ont aucune part dans l’Existence, pas plus au présent qu’au passé ou qu’au futur, elles sont tels des grains de poussière dans le vent.

Selon Aboû Houreyra (radiAllâhu ‘anhu), le Messager d’Allâh ﷺ a dit : « La plus véridique des paroles qu’ait prononcé un poète est celle de Labîd : « N’est-il pas que toute chose en dehors d’Allâh est futile (bâtil). » » [Sahîh Muslim, Hadîth 4194].

Un poète a dit aussi :

Quatre lettres par lesquelles mon coeur s’est épris de passion
et par lesquelles mes préoccupations et mes pensées se sont dissipées,

Un Alif qui concilia la création avec elle-même
et un Lâm évoluant sur le blâme

Ensuite un Lâm rajoutant des sens profonds
et puis un Hâ’ dans lequel je m’éprends et je Connais.

Et on peut lire dans les Hikam :

Comment peut-on concevoir qu’une chose Le cache alors que c’est Lui qui fit apparaître toute chose ?

Comment peut-on concevoir qu’une chose Le cache alors que c’est Lui qui apparaît par toute chose ?

Comment peut-on concevoir qu’une chose Le cache alors que c’est Lui qui apparaît dans toute chose ?

Comment peut-on concevoir qu’une chose Le cache alors que c’est Lui qui apparaît pour toute chose ?

Comment peut-on concevoir qu’une chose Le cache alors qu’Il est L’Apparent avant l’existence de toute chose ?

Comment peut-on concevoir qu’une chose Le cache alors qu’Il est plus apparent que toute chose ?

Comment peut-on concevoir qu’une chose Le cache alors qu’Il est l’Unique, Celui en dehors de qui rien n’Existe ?

Comment peut-on concevoir qu’une chose Le cache alors qu’Il est plus proche de toi que toute chose ?

Comment peut-on concevoir qu’une chose Le cache alors que sans Lui rien n’Existerait

Comme c’est étrange… Comment l’Existence peut-elle apparaître du néant ? …ou autrement dit, comment peut être établi ce qui entre en existence avec ce qui est par définition incréé et éternel ?

Et à cela nous ajoutons :

Comment peut-on concevoir qu’une chose Le cache alors qu’Il est Celui à qui rien ne ressemble ?

Sayidunâ Aboû Madyan al-Ghawth (radiAllâhu ‘anhu) a dit :

Dis « Allâh » et délaisse l’existence ainsi que ce qu’elle comporte
si toutefois tu en as atteint la maturité

Toute chose en dehors d’Allâh, si tu réalises cette Vérité
n’est que néant, qu’on la considère dans ses moindres détails aussi bien qu’en sa globalité

Et sache que toi même ainsi que les mondes dans leur totalité seraient,
si ce n’était par Lui, effacés et anéantis

Celui dont l’essence est inexistante est issu de Son Essence
car sa propre existence, si ce n’était par Lui, est totalement impossible

Les Connaissants (‘ârifoûn) se sont éteint (en Lui) lorsqu’ils n’ont plus rien vu
en dehors de L’Orgueilleux (al-Mutakabbir), Le Transcendant (al-Muta’âl)

Ils ont constaté qu’en réalité tout en dehors de Lui est anéanti
aussi bien dans le présent qu’au passé ou au futur

Considère donc à l’aide de ta raison et regarde autour de toi, remarques-tu
une seule chose qui n’émane pas de Lui?

Regarde au plus haut et noble de la création, puis au plus bas et vil
d’une vision qui te permette d’y trouver les preuves (de cette Réalité)

Tu te rendras alors compte que toute chose et toute personne ne font qu’indiquer Sa Magnificence
que ce soit par leurs états et attitude, ou bien par leurs paroles

Dans le tafsîr du Coran de l’imâm al-Baqaliy (rahimahuLlâh), on peut lire :
Allâh ﷻ dit : « Tout ce qui est sur elle [la terre] doit disparaître, [Seule] subsistera La Face (Wajh) de ton Seigneur, plein de majesté et de noblesse. » [sourate al-Rahmân, verset 26/27].

Si l’on considère donc l’univers et ses habitants selon la Haqiqa (Vérité), on se rend compte de sa nature inexistante, bien qu’en s’en référant aux apparences on puisse à premier abord s’imaginer le contraire. Ceci est pourtant vérifié par le fait qu’une chose ayant besoin d’autre chose pour exister est, dans la Haqiqa, inexistante. On ne parle d’existence réelle que pour un être existant par lui-même, et c’est pourquoi on ne peut attribuer l’Existence qu’à Allâh Seul. Comment ce qui entre en existence à un moment déterminé peut-il prétendre Exister par lui-même alors que ce « lui » n’est que néant? La véritable existence est l’existence pré-éternelle, et c’est la raison pour laquelle Allâh ﷻ dit : « [Seule] subsistera La Face (Wajh) de ton Seigneur, plein de majesté et de noblesse. » [sourate al-Rahmân, verset 27], et la réalité de ce qu’on appelle en arabe « al-baqâ’  » n’est attribuable qu’à ce qui est de toute éternité: pré-éternellement et post-éternellement. Quant à celui dont le commencement est néant et la fin est néant, son existence est bien différente de l’existence de celui dont le commencement est pré-éternel et la fin post-éternelle (autrement dit, qui n’a ni commencement, ni fin). Lorsqu’on perçoit une manifestation divine, on constate que le divin est Existant par Lui-même, tandis que la création n’existe que par Lui… et c’est à ce moment là qu’on accède à la Réalité de ce qui est néant (fanâ’) et de ce qui est éternel (baqâ’), de ce qui Existe (Woujoûd) et de ce qui est inexistant (‘adam).

Allâh ﷻ a fait connaître Sa pré-éternité et Sa post-éternité à Sa création au travers de la nature éphémère (et donc inexistante) de ce bas-monde et de ce qu’il contient… ceci parce que celui qui rentre dans la post-éternité (baqâ’) sans s’être anéanti en l’Existant (sans avoir réalisé le fanâ’) ne peut être parvenu au véritable baqâ’.

On questiona l’Imâm al-Juneyd (radiAllâhu ‘anhu) à propos du verset « Tout ce qui est sur elle [la terre] doit disparaître », et il répondit : « Celui qui se trouve entre deux inexistances (c’est à dire celui dont le début est néant et la fin est néant) est lui même inexistant. » [tafsîr ‘arâ`is ul-bayân fî Haqâ`iq il-Qur`ân].

Et sayidunâ ibn ‘atâ`illâh al-Iskandariy (radiAllâhu ‘anhu) dit : « Par Sa Grâce, Allâh voulut qu’apparaisse de Sa Science Suprême et de Sa Puissance au travers de Son Nom, à la mesure de ce que peuvent en supporter les esprits de Sa création, et ce afin que soit rendu possible le fait de se lier à Lui. Par Sa grâce, Il accorda à Sa création une certaine prédisposition à Le connaître et permit ainsi aux créatures de voir ce qu’ils voient en termes de manifestation de flux spirituels divins (mouchâhadate). Les esprits ont ainsi tous rendu témoignage lorsque leur Seigneur s’adressa à eux et dit : « Ne suis-je pas votre Seigneur? », répondant : « Mais si, bien sûr. » [sourate al-A’râf, verset 172].

Puis, après les avoir façonnés et fait entrés en existence, Allâh leur fit témoigner de cela une nouvelle fois, dans ce bas monde, en faisant apparaitre d’entre tous Ses Noms le Nom Suprême (« Allâh »), en le leur faisant Connaître, en leur en facilitant l’évocation par la langue, en leur en facilitant l’abord et en le faisant apparaître d’une apparition claire et éternelle dans la Parole : « bismiLlâhi r-Rahmâni r-Rahîm = Au Nom d’Allâh le Tout-Miséricordieux le Très Miséricordieux ». Alors Son Apparition fut tellement claire et évidente qu’Il en devint caché, au point de ne plus pouvoir être décrit. Et Son évocation devint tellement abondante qu’Il fut oublié, au point de ne plus être Connu. Or c’est par Lui que nait l’harmonie entre les choses, c’est par Son évocation que ce qui est difficile devient facile, que les besoins sont satisfaits ainsi que tout ce qui préoccupe les esprits, et c’est par Son évocation aussi que l’on débute chacune de nos œuvres. Il est Celui que les cieux et la terre n’ont pu contenir, pas plus que Son Trône ni que Son Piédestal. En revanche le purent ceux qu’Il voulut d’entre Ses serviteurs sincères et honorés, dont les cœurs furent prédestinés à Le recevoir, chacun selon la prédisposition qui lui fut attribuée, en plus des degrés d’adoration… Ainsi, Il leur dévoila Son Secret. »
[al-Qasd ul-Mujarrad fi Ma’rifat il-Ism il-Moufrad]


Source : Les fondements de la Tariqa Karkariya, Shaykh Mohamed Faouzi Al Karkari, éditions Les 7 Lectures.