بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

Est-ce que toutes les spiritualités se valent ? Gare aux ruses du diable !

Les spiritualités ne se valent pas toutes. Elles ne sont ni égales ni similaires. Leurs divergences ne se trouvent pas que dans les formes les plus extérieures. Leur fond aussi n’est pas identique, et les expériences de ceux qui les pratiquent ne sont pas rigoureusement comparables. Ces assertions, fortement impopulaires à notre époque, sont pourtant vérifiables tant dans les textes sacrés que dans l’expérience spirituelle de ceux qui ont excellé. Effectivement, les spiritualités ne se valent pas ! Leurs parts d’égarement et de vérité ne sont pas toutes identiques, bien que les concepts qui en ressortent puissent être mis en analogie.

Différences et similitudes

Le vocabulaire spirituel change d’une tradition à une autre, d’une religion à une autre, voire même d’une confrérie à une autre. Un maître spirituel se donne en effet tout le luxe de pouvoir utiliser un terme comme il l’entend, lui donnant pour l’occasion une vie nouvelle, avec des explications qui lui seront propres. Pourtant, il est fort probable que ce terme qu’utilise un maître qui nous est contemporain ait été utilisé par de nombreux maîtres du passé. Les spécificités de chaque pôle accompagnent le terme en question, mais le fond de ce qui est indiqué ne change pas. Ainsi, ce qui est désigné comme vérité (haqq) au début de l’Islam est toujours défini comme vérité de nombreux siècles après. Si les maîtres parlaient entre eux, dans une réunion qui transcenderait les contraintes du temps et de l’espace, on témoignerait de leur accord sur ce qu’indiquent les termes, et chacun serait en mesure d’amener la spécificité de ce qu’Allah – exalté soit-Il – lui a fait connaître à travers eux. C’est ainsi que se vit la spiritualité et qu’elle se transmet à l’échelle communautaire, si l’on reste dans la religion musulmane. Mais si on élargit notre observation au-delà même des limites de notre communauté et qu’on observe les discours d’autres spirituels, des religions abrahamiques ou non, on verrait des « concepts » spirituels qui semblent similaires.

Le domaine de l’âme humaine est un domaine qui appartient à l’Homme, et il est normal que chaque religion, chaque tradition en ait observé ce qu’elle en a observé. Il est normal que des vérités apparaissent aux Hommes lorsque ceux-ci les recherchent. Néanmoins, ce n’est pas parce qu’on retrouvera par exemple une approche théorique similaire – ou presque – d’une notion telle que le fana (extinction de l’âme individuelle) dans différentes traditions, qu’elles seront de fait égales, ou qu’elles mèneraient de la même manière à cette réalisation du fana. Et c’est là que se cache une grande ruse du diable ! La similitude du discours ou des sens du discours peut amener à négliger ce qui est vivant au profit de ce qui est mort. A titre d’exemple, on pourrait négliger un Prophète qui s’appelle Mohamed – prière et salut d’Allah sur lui – et qui se trouverait juste à côté de nous pour lui préférer Jésus – paix sur lui… alors que le premier serait vivant tandis que le second ne le serait plus. C’est un travers dans lequel de nombreux Hommes sont tombés dans toutes les époques, y compris dans cette ultime communauté qu’est la communauté du Dernier des prophètes.

Si on retrouve effectivement dans le Coran la saveur de l’Evangile, ce n’est pas pour dire que le Coran et l’Evangile sont la même chose ! Leur source est effectivement unique, c’est Allah – exalté soit-Il – qui révéla tous les Livres. Il n’est néanmoins pas égal de suivre l’Evangile que de suivre le Coran. Sans même parler des falsifications des anciens textes, même si l’Evangile ou un autre Livre révélé serait intact et préservé, il n’est plus licite de le suivre, quand bien même il ne contiendrait que la Vérité émanant du Vrai. Il y a deux raisons à cela : l’autorisation spirituelle (idhn) et l’époque. Les temps du Coran sont venus, il n’est donc plus permis de cheminer par un autre Livre révélé par Dieu et de faire fi du Coran. Quant à l’autorisation spirituelle, elle se trouve dans le Coran. C’est par sa lecture que 10 « bonnes actions » sont inscrites pour chaque lettre lue par le lecteur. La lecture du Coran est donc synonyme d’élévation spirituelle, de récompense et est forcément aimée de Dieu. Quant à la lecture des autres Livres, elle fut réprouvée par le dernier des messagers – prière et salut d’Allah sur lui. Un récit nous informe en effet qu’Omar Ibn al-Khattab vint voir le Prophète avec des écrits religieux qu’il prit des Juifs. Ceci mit en colère l’Envoyé de Dieu qui expliqua alors très clairement les raisons de cette interdiction : « Je jure par Celui qui détient mon âme dans Sa Main que je vous ai ramené le message pur et clair. Ne demandez rien [concernant votre religion] aux gens du Livre de crainte qu’ils vous informent d’une vérité que vous nierez ou qu’ils vous informent d’une chose fausse que vous croirez. Je jure par Celui qui détient mon âme dans Sa Main, que si Moussa – paix sur lui – était vivant, il n’aurait d’autre choix que de me suivre. » [1] Certains grands maîtres ont néanmoins montré l’exemple en appuyant les textes de notre religion par ceux des religions révélées précédentes. Ils ont ainsi montré la portée de cela tout en respectant la limite instaurée par le Prophète – prière et salut d’Allah sur lui. Car si un verset biblique confirme un verset coranique, un hadith authentique ou une parole de vérité venant d’un maître, alors l’information que véhicule ce verset biblique est juste. De même, le Coran et de nombreux hadiths nous renseignent également des propos et actes des prophètes des communautés précédentes. Et il y a cela une plus-value dans l’exégèse de notre religion, surtout au niveau spirituel, et non pas un égarement.

Il doit demeurer cependant une constante : s’attacher à la vérité la plus actuelle et non pas la plus ancienne, car s’attacher à ce qui est actuel nous réconciliera avec toute la vérité existant au-delà du temps et du lieu. Quant à l’attachement à la vérité ancienne seulement, il coupe de l’essence même de ce qu’est la réalité. D’ailleurs, au sein de la communauté musulmane, qui a maintenant plus de 14 siècles, on observe beaucoup de pratiquants attachés aux pieux anciens (salaf salih), qui sont effectivement des hommes et des femmes issus de la meilleure génération. Mais on observe souvent chez ces mêmes gens une forte négligence envers les pieux qui suivirent et encore plus de dédain pour leurs contemporains. C’est là aussi une ruse du diable ! Si on ne retrouve pas une véritable chaîne de gens fiables nous reliant aux anciens (salaf), dont le meilleur d’entre eux est le Prophète – prière et salut d’Allah sur lui –, alors notre connaissance de leurs vies, de leurs paroles et de leurs actes ne nous épargnera pas l’égarement. Tout comme le fait de connaître l’Evangile sur le bout des doigts n’a pas empêché certains chrétiens de négliger le Prophète Mohamed – prière et salut d’Allah sur lui – à son époque. Croire que l’égarement appartient au passé et est devenu impossible par le rattachement lointain au Prophète est une erreur. D’ailleurs, les différentes factions de l’islam n’ont jamais cessé de se désigner comme plus ou moins égarées entre elles selon leurs compréhensions et applications des textes. Il semble donc qu’en l’absence d’une source vivante, le rattachement à un type de discours ne suffise pas pour l’incarner suffisamment afin d’être dans la vérité. L’égarement est multiple au sein même de la guidée comme la guidée fait ses appels lumineux au sein même de la perdition.

Un grand piège du diable

Sous prétexte que tel « concept » spirituel chez les maîtres soufis renverraient à un autre concept soi-disant du même type chez les Yogis, chez les Taoïstes ou encore chez les Bouddhistes…alors ce serait la même chose plus ou moins. Cela est absolument faux. Le Paradis lui-même, qui est pourtant une récompense matérielle, peut devenir interdit à ceux à qui il avait plus tôt été promis !  Pourtant, ils en parlent toujours et pensent toujours s’y diriger. Que dire donc de la réalisation spirituelle ? Que tel grand maître ait théorisé de son vivant le cheminement spirituel qui fut le sien par des sagesses universelles est un fait. Que ces sagesses soient reprises et utilisées pour cheminer soi-même est une autre chose. On voit donc clairement que deux discours identiques en apparence peuvent être en réalité contradictoires, non pas dans la forme, mais dans leur finalité. Ce qui pour l’un égare et arrose son aspiration spirituelle seulement en surface est pour l’autre une véritable nourriture qui élèvera son âme et purifiera son cœur. Sans même parler des formes des rites qui vont changer d’une religion à une autre voire même d’une confrérie à une autre, ce qui compte, c’est la capacité à faire le lien entre le fond et la forme. Si une prière n’est plus qu’un moyen de parler à Dieu sans pour autant s’élever, être guidé et voir la vérité chaque jour de plus en plus, alors ce n’est plus une prière ! C’est une litanie que l’on récite par habitude et tradition. Et c’est là le destin de toute voie vivante, dériver petit à petit de l’initiation à la tradition. A la fin, on fait un ensemble de rites sans savoir à quoi ils doivent renvoyer ni ce qu’ils devraient délivrer. Ou si on le sait, on ne peut plus l’atteindre comme l’atteignaient ceux qui nous ont précédé. Pour prendre un exemple parlant chez les soufis, prenons deux séances de danse soufie (hadra) différentes. La première est réalisée autour d’un maître vivant, et c’est lui qui mène la danse ! Soyez sûrs alors que cette assise est vivante, le lieu de rencontre des anges, un lieu de théophanie gigantesque pour la Lumière de Dieu et de son Prophète et une assemblée où apparaissent les différents noms divins venant inspirer les adeptes. C’est un véritable lieu de vie, entre bas monde et au-delà, entre ciel et terre, avec des gens réunis autour du vicaire de Dieu. Prenons maintenant une autre séance de danse soufie, réalisée sans maître vivant, ou avec un maître « secondaire » n’ayant pas le rôle de vicaire, mais simplement de transmetteur de rites autrefois initiatiques… Nous verrons alors des gens danser, bouger pour Dieu en l’évoquant. Ce qu’ils font est-il permis ? La Loi religieuse le permet. Est-ce louable ? C’est compté comme du dhikr et la recherche d’un état spirituel : c’est donc louable selon la Loi. Mais y a-t-il un véritable état spirituel, un secret ou une présence spécifique qui va faire cheminer l’âme ? Non ! Le but initial est alors manqué. Pour un observateur non averti, ces deux assises seront similaires, et il pourrait même préférer la moins bonne des deux par manque de perspicacité dans son observation. Mais dans la réalité, les deux sont aux antipodes, bien que les deux entrent dans le cadre licite. Mais un acte licite coupé de Dieu devient un égarement terrible du point de vue du cheminement spirituel, surtout si cet aspect « coupé de Dieu » échappe à ses auteurs. Et cela est valable pour toutes les religions et toutes les voies. Tout le monde prétend s’adresser à Dieu et dans toutes les traditions il y a des gens qui prétendent percevoir Ses réponses. Mais toutes ne se valent pas, toutes ne sont pas à un même degré de cheminement. Certains sont appelés à se déplacer horizontalement vers ce qui les mènera à la vérité, c’est ce qu’on appelle al-isra (voyage terrestre), et d’autres sont dans un lien vertical avec Dieu ce qui est appelé al-mi’raj (ascension céleste). Pour les gens du mi’raj, retourner au isra est un égarement. Pour les gens du isra, refuser al-mi’raj est un acte de mécréance. La condition du isra, c’est d’avancer vers le Vrai, vers le « point bas » qui nous permettra de nous élever vers le « point haut ». Quant au fait d’errer horizontalement dans les méandres du spiritualisme comme le font la plupart des « aspirants », cela n’est point du isra mais du tourisme spirituel. Et si le tourisme mondain est autorisé, le tourisme spirituel est une perte pour l’Homme, la vie que Dieu lui a donné et le devenir de l’âme dans l’au-delà.

Fausse horizontalité et vraie verticalité

L’horizontalité en tant que doctrine coupe de la verticalité véritable. Cette tendance à vouloir mettre sur un pied d’égalité, par idéologie, toutes les différentes doctrines ou spiritualités, sans chercher celle qui fonctionne véritablement pour soi à son endroit et à son époque, est un piège du diable. C’est pour lui une arme redoutable. Elle permet d’égarer les âmes bien-pensantes cherchant à être guidées ! Alors que la plupart des Hommes n’en ont plus rien à faire, avec cette ruse diabolique, même ceux qui veulent réussir se retrouvent coupés du but à cause d’idéologies faussement positives et bienveillantes. La vérité efface l’horizontalité et ne reconnaît qu’un « point bas » pour un « point haut ». Autrement dit, elle ne reconnait qu’un vicaire, un seul lieutenant pour un Dieu unique. Et ceux qui ne le sont pas, ne sont point sur une ligne horizontale par rapport au vicaire, même s’ils tiennent un discours semblant proche par la forme. Ils sont au contraire la face ténébreuse, l’ombre de la vérité. Ils sont pires que l’égarement manifeste ! L’égarement manifeste, celui qui fait l’apologie du profit fou, de la démesure, de la liberté sexuelle, de l’autodétermination de chacun, de l’effacement de Dieu dans la vie et le choix des Hommes… Tout cela est facilement identifiable et ne prétend pas être sur le même plan que celui du vicaire sur terre. Ce sont les faux prétendants à Dieu qui eux sont les vrais taghut, ceux qui sortent les gens de la Lumière aux ténèbres… tout en leur parlant de Lumière. Coup de maître du diable : te faire miroiter une réalité tout en t’en éloignant le plus possible. Sa technique ? On change les définitions, on change les étapes menant à cette réalité. Au lieu de donner le chemin le plus court, on t’amène à des contre-indications qui t’éloignent. On horizontalise ta relation à Dieu en te faisant chercher des similitudes dans toutes les « fausses sciences » humaines et dans les spiritualités mortes. Tu détiens alors un vocabulaire technique incroyable. Ton intellect fait des analogies d’expériences spirituelles dans les différentes traditions, et tu crois avoir compris la vérité, alors que tu n’as fait que t’en éloigner, car on ne saisit jamais la vérité, c’est elle qui nous saisit et nous laisse pantois.

Le rôle du vicaire

Par rapport à ceux qui prétendent détenir des spiritualités menant à Dieu, le vicaire remet les pendules à l’heure à son époque. C’est ce que fit ‘Issa le fils de Marie – paix sur lui. Il se positionna fermement face aux marchands du temple, qui n’étaient alors que les gardiens de leurs propres intérêts, car le véritable temple à cette époque-là, c’était ‘Issa lui-même, et son gardien n’était nul autre que Dieu. Il fit son rôle auprès des siens et surveillait leurs véritables intérêts en les appelant à la vérité. Il dit alors : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. » [2]Bienheureux ceux qui l’ont alors suivi. Et il était très clair sur qui il était, quel était son rôle et ce qu’il attendait de ceux à qui il se présentait. On retrouve dans les évangiles des paroles telles que : « le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche. Convertissez-vous et croyez à l’Evangile. » ou encore : « Je suis la Lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la Lumière de la vie. » [3]  ainsi que : « celui qui croit en moi croit, non pas en moi, mais en celui qui m’a envoyé – celui qui me voit, voit Celui qui m’a envoyé. » [4]

Le Prophète Mohamed – prière et salut d’Allah sur lui – fit de même non seulement simplement avec son peuple ou avec les chrétiens, mais avec l’ensemble des mondes. Toutes les religions connues aujourd’hui étaient déjà là de son vivant. Et il s’est démarqué de cet ensemble devenu petit à petit plus ou moins faux, pour faire apparaître la vérité. Un hadith authentique démontre ce que nous avançons. Dans ce hadith, le Prophète – prière et salut d’Allah sur lui – dit : « Celui qui croyait en ‘Issa et qui croit en moi par la suite recevra une double récompense. » [5] Autrement dit, celui qui a trouvé ce qui était le plus proche de la vérité en mon absence et qui trouva la vérité avec moi sera doublement récompensé, car il aura visé juste deux fois. Par cette simple parole, le Prophète – prière et salut d’Allah sur lui – rappelle la vérité qui était là avant lui, et celle qui devra persister avec lui. Quant aux gens du Livre qui auront gardé leur religion, il ne fut point dit qu’ils auront une récompense ! Au contraire, leur refus de la vérité sous sa nouvelle forme, plus actuelle et plus proche d’eux est en réalité ce qui annulera leur récompense et leur possibilité d’élévation spirituelle. Le vicaire du temps est donc là pour rappeler l’importance de le suivre sans tergiverser. Son message se doit d’être clair et les moyens doivent être donnés pour qu’il se diffuse le plus possible. Pour tous ceux à qui il parviendra, il deviendra obligatoire d’annihiler les fausses verticalités prétendant mener à Dieu pour se placer sous la direction spirituelle du vicaire de Dieu sur terre, autrement dit le Saint de la communauté mohamedienne revendiquant un tel rôle auprès des Hommes. Et comme ce fut le cas de tous ses prédécesseurs, il ne peut s’agir que d’un contemporain au discours clair et à la preuve évidente.


[1] Rapporté par l’Imam Ahmad.
[2] Mathieu 15, 24.
[3] Jean 8, 12.
[4] Jean 12, 44-45.
[5] Al-Bukhari, Sahih.