بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين
Introduction au Secret de la Basmala
Il convient de préciser que le présent article est le fruit d’un cours dispensé par le Shaykh sidi Mohamed Faouzi al-Karkari (qaddas Allâhu sirrahu) à son mourid de cœur à cœur, sans l’intermédiaire de la parole, sans passer par le monde physique (moulk)… En d’autres termes, il s’agit là d’un cours dispensé dans le malakoûte ; par conséquent les enseignements et représentations symboliques qu’il contient sont le fruit d’un dhikr, pratiqué dans le dernier tiers de la nuit, et non pas les élaborations imaginatives d’un cerveau insouciant. Cet enseignement survient chez le mourid par la mention du Nom d’Allâh, après avoir reçu le idhn d’un Shaykh mourabbi authentiquement relié au Prophète bien-aimé (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam).
Le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) a dit : « Toute affaire d’importance qui ne débute pas par « bismillâhi r-rahmani-r-rahim » est coupé (selon d’autres versions : mutilé, ou amputé, sans postérité) ». Chez les gens d’Allâh, la basmala tient une importance toute particulière, étant donné qu’en elle se trouve le Secret et la clef de toutes les sciences, conformément à la parole de sayidinâ ‘Aliy (karram Allâhu wajhah) : « Tout ce qui se trouve dans le Coran se trouve dans la sourate al-Fatiha, tout ce qui se trouve dans la sourate al-Fatiha se trouve dans la basmala, tout ce qui se trouve dans la basmala se trouve dans la lettre ba’, le secret de la lettre ba’ est le point et je suis le point. ».
Sachons par ailleurs qu’il est plusieurs manières d’aborder le Saint Coran, et donc par là même la basmala :
- La première façon est de le considérer en tant que « kitâb mastoûr », c’est-à-dire un Livre écrit avec des lettres, sur des feuilles reliées entre elles dans un ordre précis… C’est là la forme que nous connaissons tous, que nous soyons musulmans ou non.
- La deuxième façon est de le considérer en tant que « kitâb marqoûm », et Allâh –subhânahu wa ta’ala- le mentionne ainsi : « un livre cacheté (kitâbun marqoûm) que peuvent voir les rapprochés. » [s83.v21].
- La troisième façon est de le considérer en tant que « kitâb maknoûn », qu’Allâh –ta’ala- mentionne dans le verset : « Et c’est certainement un Coran noble, dans un Livre bien gardé (kitâbun maknoûn) que seuls les purifiés touchent » [s56.v77,78,79].
Et dans ce verset, Allâh nous dit que seul les purifiés « al-moutahharoûn » peuvent toucher ce kitâb maknoûn, et en ceci nous comprenons bien que ce dernier est très différent du Livre écrit à l’encre sur des feuilles de papier, que l’on pose sur une étagère, et que n’importe qui peut prendre dans ses mains et feuilleter, soit-il en état de pureté rituelle ou non, soit-il musulman ou bouddhiste ou chrétien ou quoi que ce soit… Il apparait donc clairement que la pureté dont il est question ici n’est pas celle décrite dans les manuels de jurisprudence islamique relative à la pureté rituelle pour la prière par exemple… et de même le Livre auquel n’ont accès que les « purifiés » n’est pas ce livre que nous appelons Coran et que nous prenons et déposons à notre guise sur l’étagère de la mosquée… Par ailleurs, Allâh –subhânahu wa ta’ala- mentionne ceux que l’on appelle en français « les purifiés » à plusieurs reprises dans le Coran, mais Il fait une différence notable entre eux, qu’on ne retrouve pas dans la traduction, en mentionnant d’une part « al-moutahharoûn » et d’autre part « al-moutatahhiroûn » :
Allâh –ta’ala- dit : « Allah aime ceux qui se repentent, et Il aime ceux qui se purifient (al-moutatahhiroûn) » [s2.v222] Et Il dit aussi : « Une Mosquée fondée dès le premier jour sur la piété est plus digne que tu t’y tiennes debout. [pour y prier] On y trouve des gens qui aiment se purifier, et Allah aime ceux qui se purifient (al-mouttahhiroûn). » [s9.v108]. La différence entre al-moutahharoûn et al-moutatahhiroûn réside dans le fait que les premiers sont ceux qui ont accédé à la pureté totale du cœur, c’est-à-dire que leur cœur est entièrement empli de la Lumière divine et il ne demeure plus en lui le moindre atome de ténèbres. Il s’agit là d’un degré spirituel extrêmement élevé dont ne jouissent que quelques uns d’entre les élus d’Allâh, ceux qui ont reçu la grâce de pouvoir entrer dans le Jabaroûte et d’y demeurer. Quant à al-moutatahhiroûn, ils sont ceux qui aspirent à ce maqâm, c’est-à-dire ceux qui perçoivent la Lumière divine, qui cheminent vers elle et y entrent, mais ne parvenant pas à demeurer dans une Lumière totale et exempte de toute forme de ténèbres, ils redescendent de ce maqâm pratiquement aussitôt, puis s’efforcent de plus belle afin d’y entrer une nouvelle fois : ceux là sont al-moutatahhiroûn, c’est-à-dire « ceux qui recherchent la purification (de toute forme de ténèbres) »
Dit différemment, le « kitâb mastoûr » est le livre auquel on a accès dans le Moulk, le « kitâb marqoûm » est le livre auquel on a accès dans le Malakoûte, et le « kitâb maknoûn » est le Livre auquel on a accès dans le Jabaroûte. On présentera donc les choses de la manière suivante :
Jabaroute = Kitâb maknoûn
Malakoute = Kitâb marqoûm
Moulk = Kitâb mastoûr
Pour en revenir maintenant à la basmala, qui se veut être le sujet du présent article, on connaît tous son écriture dans le Moulk, c’est-à-dire par considération du « kitâb al-mastour » :
Ici certains points ont été volontairement grossis puisqu’ils sont en rapport direct avec l’écriture de la même basmala, mais cette fois-ci selon le « kitâb marqoûm » :
On obtient ainsi que la basmala dans le malakoûte est un triangle constitué de trois points: celui du bâ’ situé sous la ligne d’écriture, renvoyant à son caractère caché : il s’agit là le point du Shaykh. Puis le point du noûn, qui est celui du mourid, élevé au dessus de la ligne, apparent et dispensant ses enseignements à l’aspirant. Puis enfin les deux points du yâ’, dissimulés sous la ligne d’écriture et représentant la Science des premiers et la Science des derniers (‘ilm ul-awwalin wa ‘ilmu l-akhirin). L’un de ces deux points doit obligatoirement revenir à son origine (c’est-à-dire le point du Shaykh), car la baraka de cette Science réside dans le fait qu’elle est tenue d’une lignée spirituelle de Shouyoûkh héritiers Muhammadiens. Si le mourid venait à omettre ou négliger le fait que sans eux il n’aurait jamais pu accéder à quoi que ce soit, voyant en lui-même un quelconque mérite, alors Ses Connaissances lui seraient retirées de la même manière qu’elles lui avaient été octroyées… c’est là ce qu’on appelle as-salb, qu’Allâh nous en préserve.
En rapportant tout son mérite à son Shaykh, le mourid pousse ce deuxième point du yâ’ ar-Rahîm à retourner à son origine, et tant qu’il n’y est pas totalement parvenu, son cas pourra être considéré de la manière suivante :
… ceci pour que nous comprenions que lorsque le mourid prend la bay’a d’un Shaykh éducateur authentiquement lié au Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), il voit apparaître en son cœur une Lumière… en d’autres termes, le Shaykh place dans le cœur de son mourid une énergie d’origine divine, une Lumière grâce à laquelle il progresse sur le sirât al-moustaqîm, le chemin de rectitude. Le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) nous dit : « Je vous ai laissé sur la Voie blanche dont la nuit ne diffère pas du jour : ne s’en écarte qu’une personne vouée à la perdition »… et la Voie Blanche désigne bien ici la Voie de la Lumière, car les Lumières divines dont l’œil du cœur croyant est témoin ne sont concernées ni par le jour ni par la nuit. Sayiduna Ahmad ar-Rifa’i (radiAllâhu ‘anhu) disait en ce sens :« Le soleil de celui qui T’aime se leva la nuit… il s’éclaira et ne se couchera jamais. Le soleil du jour se couche le soir… mais les soleils des cœurs n’ont guère de coucher. »
Une fois ce cachet Muhammadien placé sur le coeur, le mourid reçoit les flux spirituels et les théophanies qu’il intercepte par ce même cœur, puis il les appréhende à l’aide de sa raison. Celle-ci est tout d’abord étroite et bornée, mais par le dhikr et l’intensification de sa Lumière, l’aspirant renforce la capacité de son cœur à influer sur l’ensemble de ses sens, et de cette façon sa raison se voit de plus en plus apte à concevoir la profondeur des Réalités divines. Lorsque le Shaykh estime que son disciple a suffisemment évolué et que sa Lumière a brûlé suffisemment de voiles couvrant son cœur, il lui transmet le Secret du Tawhid, par lequel le mourid se voit introduire dans la Présence divine. Inutile de préciser que sans Lumière, il n’y a bien évidemment pas de Secret, étant donné que si le Secret est secret, c’est justement parce que le cœur du commun de la création n’a pas la capacité de supporter sa Réalité. Allâh –subhânahu wa ta’ala- dit : « Nous avions proposé aux cieux, à la terre et aux montagnes la Responsabilité. Ils ont refusé de la porter et en ont eu peur, alors que l’homme s’en est chargé; car il est très injuste [envers lui-même] et très ignorant. » [s33.v72].
En poursuivant l’étude du dernier schéma, nous en arrivons à ce qui suit :
Le cheminement du mourid est une quête vers la rectitude (istiqâma). Et cette rectitude consiste en le fait que le cheminant devienne un Alif… et un Alif est obligatoirement constitué d’au moins trois points, qui peuvent être associés à différentes considération selon le domaine étudié. Dans cet exemple, nous considererons que le point suppérieur du Alif du mourid est son cœur, après avoir été cacheté du sceau Muhammadien, c’est-à-dire après que son œil interne ait goûté à la vision des Lumières théophaniques. Alors un chemin de Lumière se trace et relie le point du cœur (le point du noûn ar-Rahmân) au point de la raison (le premier point du yâ’ ar-Rahîm). Le deuxième point de l’Ism ar-Rahîm est quant à lui associé à la nafs du mourid, qui gravite et forme un disque de ténèbres autour du centre du Alif de Lumière, dans un plan perpendiculaire à celui-ci. Le point de la nafs a ainsi tendance à attirer vers lui la trajectoire rectiligne cœur/raison, empêchant l’istiqama du Alif du cheminant… Plus la nafs est imposante, plus son attraction est forte, et moins la trajectoire du mourid est rectiligne. Le travail de l’aspirant consistera donc en le fait d’oppresser sa nafs et de la pousser à se refermer sur elle-même, jusqu’à ce qu’elle n’occupe plus que le centre de ce qui deviendra alors pour lui un Alif.
Ce retour de la nafs au centre du Alif correspond, comme nous l’avions expliqué précédemment, au retour recherché de l’un des deux points du yâ’ ar-Rahîm à son origine (le point du bâ’ de la basmala)… en d’autres termes, la nafs du mourid (le point du yâ’) retourne à son origine, matérialisée en la personne du Shaykh, c’est-à-dire que lorsque le disciple atteint ce stade là et devient un Alif, il est totalement anéanti en son Shaykh : il ne pense, ne voit et ne ressent plus qu’en lui, par lui et pour lui. L’aspirant voit alors se réaliser en lui le verset : « Ô toi, âme apaisée, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée » [s89.v27].