بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

Allah ﷻ dit : « N’as-tu pas vu que, du ciel, Allah fait descendre l’eau ? Puis nous en faisons sortir des fruits de couleurs différentes. Et dans les montagnes, il y a des sillons blancs et rouges, de couleurs différentes, et des roches excessivement noires. » [1]

Ô toi qui aspire à la rencontre et à la connaissance de ton Seigneur, n’as-tu pas vu qu’à partir d’une substance insaisissable, incolore et qui n’a ni goût, ni odeur, Allah ﷻ fit apparaître la grande diversité des formes et des couleurs qui habille la création. Voilà l’analogie que nous donne notre Seigneur pour décrire l’Homme Universel qu’est le Wali. Il est l’insaisissable et incomparable eau de vie qui descend des hauteurs spirituelles afin de revivifier les cœurs dans lesquels il dépose ses innombrables fruits. Ainsi, il permet à chaque point de vue confiné de la nafs de se voir dévoiler la couleur renvoyant à sa haqiqa profonde. C’est cette connaissance qui conduira le disciple à réaliser la connaissance de son Seigneur en vertu de la parole prophétique : « Celui qui connaît sa nafs, connaît son Seigneur. » [2]

Mais pour recevoir ces fruits et cette connaissance, l’aspirant ne doit surtout pas rester immobile. Il doit constamment chercher à se rapprocher de son Seigneur en étant sans cesse en mouvement dans la présence du Wali à l’image des planètes qui tournent autour du Soleil. Dans un premier temps, il doit honorer l’engagement qu’il a pris avec lui en restant fidèle à son wird, ses sourates quotidiennes, la lecture quotidienne de ses deux hizb [3] coranique et la pratique durant le dernier tiers de la nuit du dhikr qu’il a reçu. Ce n’est pas tout puisqu’il devra aussi veiller à mettre en pratique chaque ordre et même chaque conseil de son Shaykh. S’il y parvient, son cheminement sera accéléré et il découvrira que dans cette injonction se cachait en réalité un grand Secret.

Le disciple intelligent va également essayer de mettre en pratique ce qui est aimé du Wali. Il s’éloignera de tout ce qu’il n’agrée pas et restera attentif aux éloges qu’il fera de ses disciples afin de se les approprier. Par cela, il avancera dans son cheminement en réunissant les différentes couleurs de la muraqa’a – renvoyant aux différents points de vue confinés – jusqu’à revenir au blanc de l’absolu, devenant ainsi une ombre parfaite du Vicaire.

En ce sens, notre Shaykh Sidi Mohamed Faouzi al-Karkari dit dans l’un de ses poèmes :

Déchire l’habit du moi par le rapiècement
Tu t’habilleras de l’habit de la piété et du vicariat

Voilà le mouvement qui est attendu du cheminant, et c’est de ce mouvement que le rouge de l’amour exclusif du Vrai ﷻ et de la mort de la nafs brûlera le cœur du disciple qui, tel une braise incandescente, reviendra au blanc. C’est ce qui est visé dans la suite du verset dans lequel Allah ﷻ mentionne les montagnes dans lesquelles se trouvent des sillons blancs et rouges – renvoyant à la pureté et à l’amour divin et symbolisant le constant mouvement du cheminant qui aspire à revenir à la source de la création – et des roches totalement noires à cause de leur immobilité dans la quête du divin.

Par ce mouvement vers ce qui est agréé du Wali, la nafs colorée du cheminant sera brûlée jusqu’à devenir blanche, c’est-à-dire sans couleur. Elle sera la réunion parfaite des sept couleurs de l’arc-en-ciel qu’on appelle les couleurs mères et qui renvoient à la réalisation des sept degrés de lectures du Nom indicateur de l’Essence, Allah.

La muraqa’a est donc l’habit de al-Insan al-Kamil. C’est le vêtement des connaissants (‘arifin) qui marquent la jonction entre la nafs et l’Esprit par la prise de la bay’a. C’est l’habit de la Wilaya qui réunit le cœur et le corps de l’Homme dans le point central du Ha (ه) du Nom Allah. Il les réunit, car le cheminant se vêtit extérieurement de la réalité lumineuse qui scintille dans son cœur, répondant ainsi à l’injonction prophétique.

En effet, le Prophète ﷺ dit : « Tenez en votre for intérieur ce que vous voulez, car par Allah ni un serviteur ni une communauté de gens ne gardent une chose dans leur for intérieur sans se vêtir d’un habit en conséquence. Si c’est du bien, ce sera du bien, et si c’est du mal, ce sera du mal. » [4]

On comprend donc que la manière dont chacun se vêtit n’est pas anodine. Elle est une indication claire de ce que chacun essaye de cacher dans son for intérieur et il s’agit-là d’une règle universelle, puisque c’est ainsi que le Bien-aimé ﷺ l’exprime. Ainsi, celui ou celle qui n’a pas de pudeur et qui dévoile sa ‘awra en public sans ressentir une once de honte ne fait que dévoiler la réalité d’un cœur dénué de crainte, de foi et de bienséance dans la présence de son Seigneur en vertu de la parole prophétique : « La pudeur est une des branches de la foi. » [5] Quant à celui qui revêt la muraqa’a, il manifeste au contraire un cœur illuminé de la Lumière mohammadienne dont le cristal laisse apparaître ses différentes teintes.

Cette Lumière est la réalité essentielle de l’Homme Universel (al-Insan al-Kamil) et elle est donc aussi dénuée de formes et de couleurs, puisqu’elle est la réunion et la source à partir de laquelle est apparue la création dans toute sa diversité. En cela, elle est à l’image du Nom Suprême qui, par la création, fit apparaître la diversité des noms divins apparents et cachés. Lorsque cette Lumière descend dans le for intérieur du croyant, elle traverse le cristal de son cœur et, c’est là qu’elle va se teinter de toutes les couleurs renvoyant aux noms divins par lesquels le Seigneur se manifeste à la vision intérieure de Son serviteur.

Dans l’une de ses assises, le Shaykh Mohamed Faouzi al-Karkari dit :

« Lorsque tu vois le bleu, ou que la Lumière se présente à toi dans une couleur bleue sache que c’est le Nom divin AlMuhit (Celui qui englobe toute chose) qui se manifeste à toi, et ceci nous le disons au débutant dans la Voie, car le Nom prenant la plus grande part dans la couleur bleue n’est autre que le Nom ArRahman. Mais pour simplifier la compréhension des couleurs, on a donné les sept couleurs principales, que l’on appelle « umahat » (les couleurs mères).

De même, au débutant, nous disons que la couleur rouge manifeste le Nom divin Al-Mumit (Celui qui donne la mort) bien qu’en réalité, le Nom ayant la plus grande part dans la couleur rouge, c’est le Nom Al-Muhib (Celui qui aime). Quant au jaune, on dit qu’il s’agit du Nom Adh-Dhahir, bien que le Nom ayant la plus grande part est le Nom Al-Badi’, mais tant que le disciple n’a pas cheminé et atteint des compréhensions concernant les secrets divins, il ne peut comprendre cela.

Alors, on a résumé les couleurs en sept couleurs :

  • Le jaune : Adh-Dhahir.
  • Le vert : correspond au quatre-vingt-dix-neuf noms d’Allah par ijma’ (synthèse).
  • Le bleu : le Nom Al-Muhit (Celui qui englobe toute chose).
  • Le rouge : le Nom Al-Mumit (Celui qui donne la mort).
  • Le blanc : le Nom An-Nur (la Lumière).
  • Le Mauve : le Nom Al-Wali (le Wali).
  • Le Noir lorsqu’il est vu au cœur de la Lumière correspond au Nom Al-Batin (l’Occulté), car jamais on pourrait associer un Nom divin aux ténèbres.

Si je devais expliquer au disciple les couleurs et leurs significations, cela prendrait une éternité, c’est une science sans fin. Dans chaque couleur se trouvent réunies sept autres couleurs et dans chacune de ces couleurs sont réunies d’autres couleurs et ainsi de suite, ce qui nous donne une infinité de couleurs. Il apparaît même des couleurs qui dans ce monde sont encore inconnues aux hommes et ceci se trouve dans le hadith du Prophète ﷺ lorsqu’il vit dans Sidrat al-Muntaha des couleurs jusqu’alors jamais vues. » [6]

Sur la base du hadith cité précédemment, celui qui contemple la Lumière du Vrai ﷻ et qui la voit se teinter de multiples couleurs, doit se vêtir extérieurement des couleurs composant la muraqa’a. Et de la même manière que les couleurs du cœur se reflètent sur le corps du cheminant, leurs réalités lumineuses flueront dans son corps et le façonneront jusqu’à en faire une trace du Prophète ﷺ, c’est-à-dire la réunion manifestée de sa propre niche (mishkat) dont il contemplera les multiples facettes se manifestant à lui dans le Mulk. Il sera un miroir parfait par lequel chacun pourra contempler sa propre réalité intérieure manifestée par l’une des couleurs de la muraqa’a.


[1] Coran : Sourate 35 ; verset 27.
[2] Abu Na’im, Hulyat alAwliya. Al-‘Ajluni.
[3] Environ 20 pages.
[4] Abu Na’im, Huliyat al-Awliya, 6355.
[5] Al-Bukhari et Muslim dans les Sahih.
[6] Assise du jeudi 26 avril 2018 traduite par le disciple Jamil Zaghdoudi.