بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

Le mourid et le barzakh

Notre Sheykh, source des Connaissances profondes ainsi que des Lumières qui mènent à elles, sidi Muhammad Fawziy al-Karkariy (quddissa sirruhu) enseigne à ses disciples que le mourid se doit d’être un être « barzakhiy » … c’est à dire qu’il doit évoluer en ligne droite sur ce que l’on appelle le « barzakh », qui n’est autre que le segment de jonction, ou la base commune des deux triangles représentant les deux mondes: le monde noble et élevé, et son opposé le monde vil et bas… ou bien autrement dit le monde des anges et celui des démons… ou bien encore le monde de l’esprit et celui de l’égo… Ce barzakh se situe, dans la lecture de l’Ism al-Moufrad “Allâh”, entre lam ul-ma’rifa, qui correspond à l’accès à la Réalité de “liLlâh”, et le Alif al-Fardâniy… mais nous traiterons de cela dans un autre article si Allâh le permet. Dans ces deux mondes donc on retrouve l’ensemble des contraires, c’est à dire l’ensemble des 99 Noms divins connus et opposés les uns aux autres. Ces Noms se manifestent au mourid de diverses manières tout au long de son cheminement et lui enseignent comment atteindre ce but et devenir « barzakhiy », sachant qu’un Nom se manifeste toujours avec un ou plusieurs Noms contraires, de façon à toujours préserver un certain équilibre, même si au cours de la manifestation d’un Nom particulier on penche plus d’un côté que de l’autre… c’est ce qu’on appelle, dans le cheminement du mourid, le qabd et le bast (l’alternance de moments où l’on se sent très à l’étroit et où rien ne va (qabd), et d’autres où au contraire on est plein d’entrain et où l’on se sent capables de tout (bast)…

C’est en ce sens que le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit : « Les coeurs se trouvent entre deux des doigts de al-Rahmân, qui les fait passer d’un état à un autre (yuqallibuha) comme Il le veut » … et comme on le sait, le Nom al-Rahmân est Ism ul-Ism (le Nom du Nom)… Le Nom « Allâh » étant le Nom Absolu par Excellence, réunissant tous les autres Noms, regroupant tous les contraires, Indicateur de l’Essence divine (dâl ‘ala l-dhât). Le Nom al-Rahmân est quant à lui un Nom-Attribut (Ism Sifat), mais il a lui aussi la particularité de regrouper tous les contraires (c’est à dire tous les Noms) et d’être Indicateur de l’Essence divine… Considérant le Hadîth précité, nous comprenons donc que les cœurs des serviteurs se trouvent entre deux doigts, c’est à dire entre deux Noms divins, deux contraires… par exemple il peut s’agir de l’Ism al-Dârr (le Préjudiciable) et de l’Ism al-Nâfi’ (le Bénéfique) … le cœur du serviteur se trouve donc entre deux doigts de al-Rahmân, qui regroupe à lui seul l’ensemble des Asma’ Allâh ul-Husna… Et si ce n’est pas le Nom « Allâh » qui fut cité dans ce Hadîth, c’est tout simplement parce que au sujet de Allâh (subhânahu wa ta’âlâ): « Il n’y a rien qui Lui ressemble, et c’est Lui l’Audient, le Clairvoyant. » [s42,v11].

Quant à la raison de l’emploi du mot  » doigts/ osboû’ayn « , c’est tout simplement parce que chacun d’entre nous, lorsqu’il regarde dans la paume de sa main, voit écrit ( ١٨ ) à droite, et ( ٨١ ) à gauche… soit en chiffres « français » 18 et 81. Or 18+81=99… l’être humain a donc dans ses mains les 99 Noms divins… et c’est d’ailleurs pour cela que lorsqu’on invoque notre Seigneur Tout-Puissant, on ouvre et on lève nos mains vers le ciel… (Non pas que Allâh se trouve dans le ciel, ou bien qu’Il ne s’y trouve pas, à la guise des uns et des autres… Exalté soit-Il au delà de ce qu’ils prétendent!). Selon ibn ‘Omar (radiAllâhu ‘anhu), le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) a dit: “Ne frappez pas (n’enlaidissez pas) au visage car Allâh a créé Âdam à l’image de al-Rahmân” [les rapporteurs du Hadîth remplissent les conditions du Sahîh]. Sachant donc, comme précédemment dit, que dans le Nom al-Rahmân se trouvent les 99 Noms divins… les choses s’éclairent, et que comprenne donc qui voudra comprendre… Le mourid chemine ainsi en alternant entre un état et un autre, c’est à dire entre la manifestation d’un Nom divin et celle de son contraire, ce qui lui permet d’apprendre tantôt les particularités de l’égo et des démons qui le régissent, tantôt celles de l’esprit et des anges qui l’entourent… les deux (l’égo et l’esprit) ne faisant en réalité qu’un seul, le premier étant la partie basse et vile tandis que le second en représente la partie noble et élevée. Allâh ta’âlâ dit dans le Coran : « Et ils t’interrogent au sujet de l’âme (al-roûh), – Dis :  » l’âme relève de l’Ordre de mon Seigneur ». Et on ne vous a donné que peu de connaissance. » [s17,v85].

… le but de tout cela, c’est bien sûr d’arriver à l’Unicité d’Allâh (‘azza wa jall) et de réaliser qu’Il est l’Unique, l’Existant… tandis que nous autres les créatures nous ne sommes que néant, que nous n’avons jamais existé et que nous n’existerons jamais… Et c’est bien en ce sens que la réalité du Tawhid ne peut être atteinte que par l’intermédiaire d’un Sheykh faisant cheminer son mourid au travers de la Lumière Muhammadienne, Lumière qui éclaire pour lui le chemin de la rectitude et en dévoile petit à petit les aspects, les particularités, les pièges aussi… Par cette Lumière, le mourid peut se réaliser dans les Noms divins, et concevoir que Allâh (‘azza wa jalla) soit le Seul et Unique, sans associé, l’Être Suprême réunissant tous les contraires… Ceci est aisé à formuler par la langue… mais que dit le coeur lorsque la bouche prononce que Allâh est al-Awwal et al-Akhir (le Premier et le Dernier)… et que dit-il lorsque la langue dit qu’Il est aussi al-Dhâhir et al-Bâtin (l’Apparent et le Caché)…?
Comment Allâh (subhanahu wa ta’âla) peut-il être à la fois Premier et Dernier… et plus complexe encore: comment peut-Il être à la fois l’Apparent et le Caché !? … on voit là les limites de la science que transportent les livres ainsi que du tawhid qu’elle entend enseigner… et c’est bien pour cela que le Sheykh de nos Shouyoukh, sidi Muhammad ibn al-Habîb al-Bouzîdiy (quddissa sirruhu) la qualifia de ‘ilm ut-tawhil (la science de l’enlisement), et non pas de ‘ilm ut-tawhid (la Science du tawhid, de l’Unicité divine)…

La première s’acquiert au travers de la lecture de livres… quant à la seconde elle n’est accessible que par le dhikr, dans une khalwa (retraite spirituelle, en coupure totale avec le monde), entre les mains d’un Sheykh authentique, représentant vivant de l’Arbre Béni, l’Olivier ni oriental ni occidental dont l’huile reluit sans même que le feu ne la touche… Lumière sur Lumière, Allâh guide vers Sa Lumière qui Il veut.