بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

Dans la langue arabe, le wird désigne quelque chose qui se boit. Au sein de la tariqa Karkariya, il s’agit du flux de lumière (as-sarayân an-noûrâniy) dispensé depuis le cœur du Shaykh vers le cœur du mourid. C’est donc la corde du seau avec lequel le mourid puise l’eau de vie du puits de son Shaykh, eau par laquelle sa terre morte (son corps) est revivifiée. Le wird est la base et la référence du mourid, c’est la porte par laquelle débute son cheminement, et de ce fait son accomplissement est une obligation. Le wird se pratique en son temps (c’est-à-dire après le sobh et après le maghrib) et ne doit pas être retardé, excepté en cas de gros empêchement. Le dhikr doit être pratiqué avec concentration, dans un endroit calme et en fermant les yeux. « Man lâ wirda lahu, lâ wârida lah », c’est-à-dire que c’est par le wird que parviennent au mourid les lumières et les tajalliyât, le wird ne doit donc pas être pratiqué dans un endroit bruyant et chargé de causes de distractions. Dans notre tariqa, le wird est obligatoire pour tout mourid, il l’accompagne jusqu’à sa mort, sans être sujet au changement (augmentation ou diminution).

Le mourid sincère est celui qui oublie sa propre volonté et se fond dans celle de son Shaykh. Le wird constitue la première étape de cet accomplissement, dans le sens où le mourid patientera et accomplira ce que son Shaykh aura décidé pour lui, sans demander de supplément, car dans le supplément peut se trouver la cause de sa perte. Si donc il fallait absolument demander quelque chose de plus, nous demanderions sa satisfaction et la satisfaction d’Allâh. C’est de fait dans la demande de supplément que les juifs causèrent leur perte, lorsqu’ils ne patientèrent pas à un seul type de nourriture et demandèrent le changement de ce qui est meilleur par ce qui est moins bon. Ils retournèrent pour cette raison à l’insouciance et au suivi des passions de l’égo. Que chacun se satisfasse donc de ce que son Seigneur lui a donné, et médite sur la Parole d’Allâh ﷻ : « Ne convoitez pas ce qu’Allâh a attribué aux uns d’entre vous plus qu’aux autres » [sourate an-Nisâ’, verset 32].

Que chacun soit serviteur et esclave d’Allâh, non pas esclave des fruits du dhikr et de la mouchâhada. Le wird fait partie des convenances du serviteur, tandis que le wârid (les fruits du dhikr : mouchâhada, tajalliyât, lumières..) est le don de notre Seigneur. Le wird est ce qu’Il attend de nous, tandis que le wârid est ce que nous espérons de Lui.

Il est rapporté que l’Imâm al-Junayd (radiAllâhu anhu) ne délaissa pas son wird, même lors des affres de la mort. On lui demanda alors pour quelle raison il se chargeait ainsi, ce à quoi il répondit : « Et qui d’autre serait plus en devoir que moi de l’accomplir… ? ». On vint lui dire également qu’un groupe de gens prétendaient avoir prié jusqu’à être arrivés au point que les obligations religieuses de tout musulman ne leur incombent plus. Il répondit alors que de fait ils étaient arrivés… en enfer ! Il ajouta que le cas d’un fornicateur ou d’un voleur sont des cas moins graves que celui qui prétend ne plus devoir s’acquitter de ses obligations religieuses. De fait, les deux premiers sont des pêcheurs mais ne franchissent pas pour autant la limite du koufr, contrairement au troisième qui se sort de la religion de même qu’on retire un cheveu de la pâte. Mords donc dans ce fondement essentiel avec les molaires et n’écoute pas les paroles de ceux qui étudient la Haqîqa à partir des livres et en arrivent à proférer les paroles des pervers et des hérétiques. Le Prophète ﷺ a bien dit ce qui signifie : « Aucun de vous n’est croyant jusqu’à ce que ses envies suivent ce avec quoi je suis venu. »

Et Allâh ﷻ a dit : « Dis: Si vous aimez vraiment Allâh, suivez-moi, Allâh vous aimera et vous pardonnera vos péchés » [sourate Âlu ‘Imrân, verset 31].

Prends garde également de ne pas dénigrer le wird de par sa quantité réduite, car les fruits du dhikr n’ont aucun rapport avec sa longueur, mais plutôt avec la pureté du cœur. Ainsi, dire une seule fois subhânAllâh avec concentration et haute estime de cette parole vaut mieux que des milliers de fois prononcées avec insouciance.

Citons également la parole du Shaykh de nos Shouyoûkh, Mawlay al-‘Arbiy ad-Darqawiy (radiAllâhu anhu) dans l’une de ses risâla, où il répondait à la question de savoir quand et comment devenir comme « les montagnes que tu crois figées alors qu’elles passent comme des nuages. » [sourate an-Naml, ayat 88]. Si vous renoncez à dounia dans sa totalité, coupant définitivement tout chemin qui permettrait un retour à elle, puis que vous croyez et ne doutez pas du fait que vos Shouyoûkh sont sur la trace des Prophètes (alayhim us-salâm) et sont les héritiers du Messager d’Allâh ﷺ, alors, par Allâh, vous recevrez le madad à chaque instant du jour et de la nuit, jusqu’à ce que vos cœurs se remplissent de la connaissance d’Allâh, se tranquillisent par Son évocation, et que vous soyez alors tels les montagnes décrites.

[‘îqâdh ul-himam fi sharhi l-hikam, ibn ‘Ajîba, page 222].

LE WIRD DE LA KARKARIYA


Source : Les fondements de la Tariqa Karkariya, Shaykh Mohamed Faouzi Al Karkari, éditions Les 7 Lectures.