بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين
Les 7 Secrets de la Lecture du Nom « Allâh »
Dans un Hadîth que rapportent les Imâm as-Souyoûtiy, al-Qastallâniy, ibn ‘Arabiy as-Soûfiy et d’autres… Sayidunâ Jâber (radiAllâhu ‘anhu) demanda un jour au Prophète Bien-Aimé ﷺ : « Ô Messager d’Allâh, quelle est la première chose qu’Allâh a créé ? » Il répondit : « Ô Jâber, il s’agit de la Lumière de ton Prophète, Allâh l’a créé et Il créa ensuite en elle tout ce qu’il y a de bien, puis Il créa toute chose ». Et lorsqu’Il créa cette Lumière, Il la plaça face à Lui dans le degré du rapprochement (maqâm ul-qurb) durant 12 000 ans, puis Il la divisa en quatre parties : d’une de ces parties Il créa le Trône (al-‘Arch), d’une autre partie Il créa le Piédestal (al-Kursiy), d’une autre encore Il créa les anges porteurs du Trône et ceux du Piédestal. Quant à la quatrième partie, Il la plaça dans le degré de l’Amour (maqâm ul-Hubb) durant 12 000 ans, puis Il la divisa en quatre parties : d’une de ces parties Il créa la Plume (al-Qalam), d’une autre partie Il créa la Tablette (al-Lawh), d’une autre encore Il créa le Paradis. Quant à la quatrième partie, Il la plaça dans le degré de la peur (maqâm ul-khawf) durant 12 000 ans, puis Il la divisa en quatre parties : d’une de ces parties Il créa les anges, d’une autre partie Il créa le soleil, d’une autre encore Il créa la lune et les planètes. Quant à la quatrième partie, Il la plaça dans le degré de l’espoir (maqâm ul-rajâ’) durant 12 000 ans, puis Il la divisa en quatre parties : d’une de ces parties Il créa l’intellect (al-‘aql), d’une autre partie Il créa la science et la sagesse, et d’une autre encore Il créa les anges qui empêchent de commettre le mal (‘isma) et la facilité du chemin vers le bien (at-tawfîq).Quant à la quatrième partie, Il la plaça dans le degré de la pudeur (maqâm ul-Hayâ) durant 12 000 ans, puis Allâh ﷻ la regarda, la Lumière se mit alors à perler de sueur, et en coulèrent 124 000 gouttes de Lumière. Allâh créa alors de chaque goutte l’esprit d’un prophète ou d’un messager. Puis les esprits des prophètes respirèrent, et Allâh créa de leurs souffles les saints (awliyâ), les martyrs (chuhadâ), les bienheureux (su’adâ) et les obéissants (mutî’oûn) jusqu’au jour du Jugement. Le Trône et le Piédestal sont donc créés de ma Lumière, les anges des sept cieux sont créés de ma Lumière, le soleil, la lune et les planètes sont créés de ma Lumière, l’intellect et la facilité du chemin vers le bien sont créés de ma Lumière, les esprits des messagers et des prophètes sont créés de ma Lumière, et les martyrs, les bienheureux et les pieux sont issus de ma Lumière. Allâh créa ensuite 12 000 voiles et établit ma Lumière, qui est la quatrième partie de chaque voile, et dans chaque voile il y a 1000 années, qui sont les degrés de la servitude (‘ouboûdiya), de la quiétude (sakîna), de la patience (sabr), de la sincérité (sidq) et de la certitude (yaqîn). Allâh plongea alors cette Lumière dans chaque voile durant 1000 ans, et lorsqu’Il l’en ressortit, Il la plaça dans la Terre. Cette Lumière éclaira alors tout ce qu’il y a entre l’orient et l’occident tel un flambeau au cœur de la nuit noire. Allâh créa ensuite Âdam de terre et plaça en lui cette Lumière sur son front, et après Âdam la Lumière fut transmise à son fils Shîth, et ainsi elle n’a cessé d’être transmise d’homme pur en homme bon, et d’homme bon en homme pur, jusqu’à ce qu’Allâh la fasse parvenir à ‘AbdAllâh ibn ‘abd al-Muttalib, et de lui elle fut transmise à l’utérus de ma mère Âmina bint Wahb, ma Lumière fut ensuite mise au monde et je fus fait seigneur des Messager, Sceau des Prophètes, Miséricorde pour les mondes et chef de file de ceux qui, au Jour du Jugement, portent les traces blanches laissées par les ablutions. Voilà, c’est ainsi qu’a commencé la création ô Jâber. »
[relaté par l’Imâm as-Souyoûtiy dans al-Khasâ’is al-Kubrâ]
Dans ce Hadîth, nous voyons que la Lumière muhammadienne, lors de la création de l’univers, fut placée dans cinq stations successives :
- la station de la Proximité (maqâm al-qurb), qui correspond au Point Trésoriel.
- la station de l’Amour (maqâm al-Hubb), qui correspond au Alif.
- la station de la Peur (maqâm al-khawf), qui correspond au lâm al-marifa.
- la station de l’Espoir (maqâm al-Rajâ’), qui correspond au lâm al-qabd.
- la station de la Pudeur (maqâm al-Hayâ’), qui correspond au hâ’ al-hawiya.
Puis, le Prophète ﷺ nous informe que : « Allâh créa ensuite 12 000 voiles et établit ma Lumière, qui est la quatrième partie de chaque voile, et dans chaque voile il y a 1000 années, qui sont les degrés de la servitude (‘ouboûdiya), de la quiétude (sakîna), de la patience (sabr), de la sincérité (sidq) et de la certitude (yaqîn). Allâh plongea alors cette Lumière dans chaque voile durant 1000 ans, et lorsqu’Il l’en ressortit, Il la plaça dans la Terre. Cette Lumière éclaira alors tout ce qu’il y a entre l’orient et l’occident tel un flambeau au cœur de la nuit noire. ».
Il est fait référence ici aux 12 lettres de la Parole lâ ilâha illa Allâh : dans chaque lettre se trouve 1000 voiles. Or, cette Parole est composée de trois lettres différentes : Alif, lâm et hâ’… de même que le Nom Allâh est composé d’un Alif, de deux lâm et d’un hâ’. Toute la Science de « lâ ilâha illâ Allâh » est donc comprise dans « Allâh » : « Dis : « Allâh » puis laisse-les s’amuser dans leur égarement » [s6.v91]. La Science du Tassawwuf, qui est la mère de toutes les sciences (religieuses comme profanes) est donc entièrement réunie dans la Lecture du Nom Allâh, selon les cinq stations susmentionnées de la Connaissance divine et auxquelles viennent s’ajouter deux stations de Connaissance de la nafs. L’objectif du cheminant étant de remonter chacune de ces stations jusqu’à atteindre la Proximité divine, ce qui correspond au retour vers le lieu en dehors de l’espace et au moment en dehors du temps où chaque âme attesta du Tawhîd : « Et quand ton Seigneur tira une descendance des reins des fils d’Adam et les fit témoigner sur eux-mêmes: «Ne suis-Je pas votre Seigneur?» Ils répondirent : «Mais si, nous en témoignons…» – afin que vous ne disiez point, au Jour de la Résurrection : «Vraiment, nous n’y avons pas fait attention» » [s7.v172].
Le mourid devra donc remonter ces étapes, et débutera par l’entrée dans la station de la Pudeur, c’est-à-dire la Lecture de la Lettre hâ’ du Nom Allâh. Durant cette lecture, qui s’accomplit généralement au cours d’une khalwa de quelques jours, le Trône (al-‘Arch), le Piédestal (al-Kursiy), les cieux la terre et tout ce qu’ils contiennent sont pliés dans le cœur du disciple, et ce dernier goûte alors au fana’, l’extinction de son essence en Allâh. Il ne reste alors plus de lui que Lui, et les sens profonds apparaissent de ce verset : « Où que vous vous tourniez, la Face (direction) d’Allah est donc là » [s2.v115]. Après avoir ainsi réalisé une première étape du fanâ’, et donc du retour à Allâh, il entrera dans la station de l’Espoir en effectuant la Lecture du lâm al-qabd. Ce maqâm est celui de l’Espoir de par le fait qu’après que tout eut été annihilé dans la lettre hâ’ et qu’il ne resta plus de l’Unique que Lui-même, le serviteur (‘abd) retrouve son Seigneur (Rabb) et peut de nouveau espérer Sa Miséricorde. Dans l’écriture du Nom Allâh, selon les ‘arifin, le lâm al-qabd est représenté fendu, justement pour exprimer la dualité Seigneur / serviteur, naissant de ce Secret. Puis le mourid est appelé, dans le maqâm de la Peur, à retourner à son Seigneur par l’intermédiaire de son annihilation dans la réalité spirituelle de son Shaykh, qui est son intermédiaire entre lui et Allâh. Ce maqâm est le maqâm de la Peur du fait que, malgré sa beauté et la réunion des deux précédents degrés de fanâ’ en un seul, il est tel que si le mourid venait à prêter une quelconque considération à sa propre personne, il descendrait immédiatement dans les plus bas degrés du châtiment… sans pour autant pouvoir échapper à la réalité de son annihilation dans son Seigneur, ni la fuir, ni l’oublier. Ce maqâm est le maqâm de la Lecture du lâm al-ma’rifa, et si la Peur est ici associée à la ma’rifa (la Connaissance), c’est tout simplement en raison du verset : « Parmi Ses serviteurs, seuls les savants craignent Allah. » [s35.v28].
Le mourid doit ensuite apprendre à lier les deux maqâm de l’Espoir et de la Peur. Se référant à l’annihilation par la lecture de ces deux lâm, l’Imâm al-Ghazâliy (radiAllâhu ‘anhu) dit :
لرجاء والخوف جناحان، بهما يطير المقربون إلى كل مقام محمود
L’Espoir et la Peur sont deux ailes avec lesquelles les rapprochés volent vers les degrés spirituels les plus nobles
Ce que l’Imâm désigne ici en parlant de deux ailes sont bien sûr les deux lâm du Nom Allâh. Quant aux rapprochés, ce sont ceux qui ont réalisé le Tawhîd en s’éteignant totalement dans le hâ’ du Nom divin. Devenant néant, cessant de s’attribuer à eux-mêmes l’existence, ils réalisèrent à quel point l’Existant est Proche d’eux : « Nous avons effectivement créé l’homme et Nous savons ce que son âme lui suggère et Nous sommes plus près de lui que sa veine jugulaire » [s50.v16]. Les deux ailes de la Peur et de l’Espoir sont ce qui permet au cheminant annihilé de traverser l’espace se trouvant entre le Alif et le lâm. Mais contrairement à ce qu’il en parait, cet espace n’est pas vide puisqu’on y trouve les deux Secrets de la Jonction (Wasl) et de la Scission (Fasl), représentés de la manière suivante :
Les Secrets du Fasl et du Wasl, couramment appelés le 4em et 5em Sirr, sont en rapport avec la nafs même du mourid, contrairement aux trois premiers qui traitent du Tawhîd, de l’Essence, des Attributs et des Noms divins. Ces deux Secrets sont donc en rapport avec le mourid lui-même qui, une fois arrivé au lâm al-ma’rifa, doit se débarrasser entièrement de sa propre personne pour pouvoir accéder à l’état d’esprit. Dans son tafsîr du Coran, notre maître ibn ‘Arabi explique ceci en ces termes : « « Puis quand le ciel se fendra » [s55.v33] il s’agit là du ciel de ce bas-monde, c’est-à-dire de l’âme bestiale (nafs hayawâniya), et son fractionnement désigne ici le fractionnement de l’esprit, se séparant de la nafs après l’anéantissement de celle-ci. » [tafsîr al-Qur’ân, ibn ‘Arabi].
Selon Abou Hâzim, selon Sahl ibn Sa’d, le Messager d’Allâh ﷺ a dit : « Allâh -‘azza wa jall- est de derrière soixante dix mille voiles de Lumière et de ténèbres, et il n’est pas de nafs qui perçoive du son de ces voiles sans être anéantie. » [al-Mou’jam al-Kabîr].
Le Hadîth nous parle ici de soixante dix mille voiles de Lumière ET de ténèbres, soit au total cent quarante mille voiles… La lettre lâm s’écrit, en arabe et selon la noble science des Lettres : lâm + mîm, soit : م + ل. Or, la valeur numérologique du lâm est 30, tandis que celle du mîm est 40. Soit : م + ل = 30 + 40 = 70.
Et dans le long Hadîth mentionné au début de cet article, nous avions pu lire que « dans chaque voile il y a 1000 années ». Par conséquent, dans les deux lâm du Nom Allâh se trouvent 70 x 1000 voiles de Lumières et de ténèbres, soit en tout 140 000 voiles.
On comprend donc que les deux lâm du Nom Allâh sont en réalité les soixante-dix mille voiles de Lumière et de ténèbres séparant le Seigneur et Son serviteur. Et si le Prophète ﷺ nous parle de l’anéantissement de la nafs par l’intermédiaire du sens de l’ouïe (et pas un autre sens tel que la vue ou le toucher) : « et il n’est pas de nafs qui perçoive du son de ces voiles sans être anéantie », c’est parce qu’il s’agit là du premier degré d’annihilation de la nafs en tant qu’être humain. L’accès à l’Amour divin se fait par l’évanescence, l’anéantissement progressif, des caractéristiques de l’Homme dans le divin, selon des étapes bien précises et déterminées par le Hadîth qudsi, dans lequel Allâh nous dit : « Et Mon serviteur ne cessera de se rapprocher de Moi par les actes surérogatoires jusqu’à ce que Je l’aime; et, lorsque Je l’aime, Je serais son ouïe avec laquelle il entend, sa vue avec laquelle il voit, sa main avec laquelle il saisit et son pied avec lequel il marche. » [Sahîh al-Boukhâriy].
Par conséquent, lorsque le cheminant parvient au Secret du lâm al-ma’rifa, c’est en tant qu’être anéanti dans le hâ’ qu’il s’élance, muni des deux ailes de l’Espoir et de la Peur, dans le vide qui le sépare du Alif al-Mouqaddar… c’est-à-dire dans le ciel de sa propre nafs. Il reçoit alors les deux Secrets de la Jonction (wasl) et de la Scission (fasl). Le premier concerne ce qui relie le serviteur à son Seigneur, quant au second il traite de ce qui au contraire l’en sépare… les deux Secrets n’en formant en réalité qu’un seul, comme le dit Mawlana Mohamed Faouzi al-Karkari (quddisa sirruh) dans l’un de ses poèmes :
Un Secret en deux
dont l’un constitue une grande épreuve
Ce Secret qui constitue une grande épreuve ne consiste pas, comme certains l’ont dit, en l’apprentissage de la sorcellerie auprès de Iblis en personne… quelle vile compréhension que de rabaisser un Secret de la Connaissance Divine et Suprême à de vulgaires tours de passe-passe ! Plutôt, il s’agit de l’étude de différents degrés et types de nafs afin de comprendre le sort qui fut réservé à Iblis, Pharaon et bien d’autres… à l’inverse, le Secret de la Jonction (wasl) permet de comprendre par quel moyen d’autres ont pu franchir les limites de leur propres nafs. Et notre Shaykh (radiAllâhu ‘anhu) a certes réuni tous les secrets de la réussite en une seule et même parole :
Rabaisse, avili ta propre personne et grandis, élève tout autre que toi-même
(voir l’article développant cette Hikma)
Après avoir réuni les Secrets du Fasl et du Wasl, le mourid parvient à ce que l’on appelle mamâs al-Alif. Il accède alors à deux autres Secrets, l’un en rapport avec le maqâm des Prophètes, et l’autre en rapport avec celui des Messagers. C’est ainsi que s’achève la première Lecture du Nom Allâh, qui n’est en réalité que la Lecture du hâ’ al-hawiya, dans le sens où chacun des Secrets de cette première Lecture ne sont atteints qu’au travers de la Lettre hâ’ : Le lâm al-qabd, le lâm al-ma’rifa, le wasl, le fasl et les deux Secrets du Alif sont lus par le hâ’. Dans la seconde Lecture, ces mêmes Lettres sont lues, mais cette fois par le lâm al-qabd. Puis dans la troisième, par le lâm al-ma’rifa… et ainsi de suite.
On obtient ainsi 7 Lectures du Nom Allâh, auxquelles viennent s’ajouter 3 Lectures dites : qira’âte châdhdha, complétant ainsi 10 Lectures…
De même, on retrouve 7 Lectures différentes du Coran, auxquelles viennent s’ajouter 3 autres, comme si le Coran en entier n’était donc rien d’autre que l’expression des sens profonds des différentes Lectures du Nom Allâh… « Voilà vraiment des preuves, pour ceux qui savent observer ! Elle [cette ville] se trouvait sur un chemin connu de tous. Voilà vraiment une exhortation pour les croyants! »
[sourate al-Hijr, versets 75 à 77]