Dans un contexte de tensions entre certaines tendances de l’Islam et le monde occidental, le soufisme apparaît de plus en plus comme un rempart naturel aux radicalisme religieux, mais aussi comme un pont qui permettra de consolider les relations entre la civilisation musulmane et occidentale.

En effet, depuis 2015, le fondateur de la confrérie soufie marocaine « Karkariya », Sidi Mohamed Faouzi al-Karkari, intervenait régulièrement en Europe dans le cadre de conférences sur des thématiques diverses telles que la spiritualité à la lumière de l’Islam ou l’importance du vivre-ensemble et du respect des institutions. Ses visites multiples ont permis de mettre en avant les valeurs universelles du soufisme et de faire connaitre un Islam inclusif et spirituel à un public large et diversifié.

Depuis 2015, la France accueillait généreusement le guide marocain qui contribuait à faire connaitre une autre approche de l’Islam dans un contexte difficile quant à la place de cette religion dans la société française. Après l’Europe, ce sont les Etats-Unis qui lui ont ouvert les portes pour une tournée américaine à travers laquelle il donnera plusieurs conférences sur plusieurs thèmes dans l’ère du temps.

Première étape : conférence sur l’IA à l’Université de Chicago

conférence sur l’IA à l’Université de Chicago

La première étape n’est autre que la prestigieuse Université de Chicago qui est l’une des plus célèbres universités au monde, puisqu’elle occupe la 10e place selon QS World University Rankings 2023 et a remporté 29 prix Nobel ainsi qu’un prix Pulitzer en 2016.

Sidi Mohamed Faouzi al-Karkari se retrouve chez lui dans ce haut lieu de connaissances puisque ses livres – traduits en cinq langues – sont tous étudiés et enseignés à la Faculté de théologie sous la direction du professeur Yusef Casewit. Il a donc été invité à expliquer comment le Soufisme pourrait aider à répondre aux inquiétudes et aux questions suscitées par l’IA, notamment concernant la remise en question de l’hégémonie de l’homme. L’autre invité, Saad Ansari, ancien de l’Université de Yale et directeur chez Jasper AI, a partagé ses connaissances techniques dans le domaine de l’intelligence artificielle.

Conférence sur l’IA à l’Université de Chicago

Durant cette conférence retransmise en direct, le Leader de la confrérie Karkariya était notamment appelé à s’exprimer sur la question suivante : « quelles différences y a-t-il entre l’intellect humain et l’intelligence artificielle ? » Il n’hésita pas à replacer l’homme au centre de l’échiquier en affirmant qu’en sa qualité de vicaire de Dieu, du point de vue islamique, l’homme resterait, quoi qu’il arrive et quel que soit le progrès technologique, l’épicentre terrestre. Il continua en disant que le propre de la connaissance dans le soufisme se fait en premier lieu par la connaissance de son ego (self) et que cette connaissance intrinsèque de l’ego se fait par l’expérience spirituelle et sensorielle. Il cita dès le début de la conférence le verset coranique dans lequel Moïse fut apostrophé par son Seigneur ainsi : « Je t’ai façonné pour moi-même. » En effet, selon le soufisme, l’homme a été façonné par le divin dans la plus parfaite des formes. Il poursuiva en disant que : « l’intelligence artificielle se nourrit de ce que l’intellect humain a produit et donc, quel que soit son évolution, elle reste dépendante de l’humanité. »

Il a également été soutenu que l’IA, comme tout autre vecteur d’information, livresque ou technologique, reste une expression limitée des expériences vécues par son auteur ou créateur. Dans le soufisme, l’homme étant le microcosme du macrocosme, une création issue de l’intellect humain constitue une partie limitée de ce microcosme et, de ce fait, ne peut inquiéter l’homme. De même, toujours du point de vue du soufisme, la conscience est définie comme la connaissance de soi. Cette connaissance est subordonnée aux expériences spirituelles de la personne. Une intelligence artificielle, dont le propre est l’émission d’informations sur la base d’un amas d’informations, ne peut éprouver des émotions et avoir conscience de celles-ci.

C’est ainsi que le soufisme offre une perspective intéressante sur ces questions en mettant l’accent sur l’importance de l’éthique et de la conscience dans la primordialité de l’homme. Au-delà de la qualité des échanges qui a passionné le public américain, cet événement marque le début d’une relation intellectuelle et spirituelle renforcée entre les Etats Unis et l’Islam traditionnel nord-africain dont le Maroc est le fer de lance.

Rencontre avec les représentants de la Fédération Juive de Chicago

Rencontre avec les représentants de la Fédération Juive de Chicago

Dès le lendemain, Mohamed Faouzi al-Karkari fut invité par la Fédération Juive de Chicago pour répondre à une série d’interviews d’une part et d’autre part, pour participer à une rencontre interreligieuse à laquelle participaient également le Dr Yusef Casewit, Professeur d’études islamiques à l’Université de Chicago, le Professeur et Rabbin Yechiel Popko ainsi que les professeurs Jeremy Brown et Zvi Novick de l’Université catholique de Notre-Dame, en Indiana.

Plusieurs sujets ont été abordés comme l’importance de la science et des écritures sacrées, l’approche de la connaissance de Dieu par le prisme des différentes religions et les ponts représentant des liens indéfectibles qui unissent les traditions islamiques et judaiques.

Et maintenant ?

Sidi Mohamed Faouzi al-Karkari va maintenant poursuivre sa tournée notamment à San Francisco où il est attendu à l’Université de Stanford avant de s’envoler pour l’ultime étape de sa tournée à Washington.

À travers ce voyage, le leader de la Karkariya fait la démonstration que les acteurs religieux issus du Soufisme – courant spirituel de l’Islam – ont une place prépondérante à jouer dans les grands défis qui nous font face. Ils représentent des courants très importants qui peuvent permettre à la fois d’établir des ponts solides entre la culture occidentale et la culture musulmane, mais aussi et surtout d’être un véritable rempart possible contre le radicalisme religieux qui gangrène notre société. C’est donc à nos institutions de les considérer comme des intermédiaires crédibles et de travailler avec eux au rétablissement de la concorde nationale.