بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين
La Lumière est Vie, l’obscurité est mort
« Est-ce que celui qui était mort, que Nous avons ramené à la Vie et à qui Nous avons assigné une Lumière avec laquelle il marche parmi les gens, est pareil à celui qui est dans les ténèbres sans pouvoir en sortir ? C’est ainsi que les œuvres des mécréants leur furent enjolivées.
Nous avons placé dans chaque cité de grands criminels qui y ourdissent des complots. Mais ils ne complotent que contre eux-mêmes, et ils n’en sont pas conscients.
Lorsqu’une preuve leur vient, ils disent : « Jamais nous ne croirons tant que nous n’aurons pas reçu un don semblable à celui qui a été donné aux Messagers d’Allâh. » Allâh sait mieux où placer Son Message. Ceux qui ont commis le crime seront atteints d’un rapetissement auprès d’Allâh ainsi que d’un supplice sévère pour les ruses qu’ils tramaient.
Et puis, quiconque Allâh veut guider, Il lui ouvre la poitrine à l’Islâm. Et quiconque Il veut égarer, Il rend sa poitrine étroite et gênée, comme s’il s’efforçait de monter au ciel. Ainsi Allâh inflige Sa punition à ceux qui ne croient pas. » [1].
Cause de révélation du verset :
Ibn ‘Abbâs dit : (ce verset) se réfère à Hamza ibn ‘Abd el-Mouttalib et Abou Jahl. Ce dernier avait jeté des excréments sur le Messager d’Allâh ﷺ, alors que Hamza n’était pas encore du nombre des croyants. Alors qu’il rentrait de la chasse, son arc à la main, il fut informé de ce qu’avait commis Abou Jahl. Très en colère, il s’en alla le trouver et leva son arc sur Abou Jahl, qui le supplia : « Ô Abou Ya’la, ne vois-tu pas ce avec quoi il est venu ? Il a abêti nos esprits, insulté nos dieux et contredit nos ancêtres ! » Hamza répondit alors : « Lequel d’entre vous est le plus sot ? Vous adorez des pierres en dehors d’Allâh ! J’atteste qu’il n’y a de divinité que Allâh, Unique et sans associé, et que Muhammad est Son serviteur et Son Messager. »
Et c’est alors que le verset fut révélé. [2].
La mort dans le vocabulaire de la Tariqa Karkariya :
La mort contrainte et inévitable (idtirâriy) désigne la séparation entre le flux subtil Seigneurial et l’enveloppe corporelle humaine. Quant à la mort volontaire (ikhtiyâriy), elle renvoie à pont majestueux dont la toute première pierre est la repentance (tawba) de tout autre que Lui et l’émancipation des natures innées de l’être, afin que par l’intermédiaire du Bourâq des Lumières Muhammadiennes nous puissions accéder aux mondes spirituels.
La Vie dans le vocabulaire de la Tariqa Karkariya :
La Vie désigne l’appel (adhân) du degré de la persistance (baqâ) pour l’accomplissement de la prière prééternelle, laquelle est le Secret du Joyau singulier, par la Réalité englobante des formes apparentes de l’Unicité, au travers de la Théophanie.
La quintessence du verset :
Est-ce que celui que les passions, les désirs charnels, la vision de lui-même et de ses œuvres, rendaient mort… celui à qui Nous avons redonné la Vie par la Lumière de la Proximité divine, la Lumière qui permet l’émancipation de toute considération des mondes créés, ou l’émancipation des apparences contingentes vers les Attributs du Miséricordieux. Le Vrai l’a honoré du compagnonnage des gens d’Allâh ainsi que de leur engagement par la bay’a contractée auprès d’eux, aussi bien physiquement que dans les sens profonds. Allâh fit ainsi revivre son cœur par la Lumière prééternelle, Il le lava à l’Eau de Vie dans le récipient de la Foi, et Il ouvrit l’œil de son cœur aux Lumières de la persistance, de sorte que le serviteur fut en mesure de contempler le sens ésotérique au sein même du monde physique, ainsi que la persistance (baqâ) dans l’évanescence (fanâ). Son ouïe devint alors l’ouïe du Vrai, sa vue la vue du Vrai, sa main la main du Vrai et son pied le pied du Vrai : ainsi fut complétée sa forme Lumineuse, le rendant alors conforme à l’image du Miséricordieux, comme ce fut explicitement exprimé dans le Hadîth authentique. C’est alors que le serviteur est considéré comme une Lumière marchant parmi les créatures, une Etoile par laquelle les gens trouvent la guidée dans les ténèbres de la terre exotérique et de l’océan ésotérique.
Est-ce que cela vaut mieux, ou bien préférerez-vous l’état de celui qui est submergé par les ténèbres de ses perceptions physiques, voilé de lui-même par lui-même, mort dans une apparence de vivant, ou endormi dans une apparence d’être éveillé, confiné dans la terre de son enveloppe corporelle, dont l’argile ténébreuse constitue des couches empilées les unes sur les autres ?
Ibn ‘Ajiba (qaddas Allâhu sirrahu) dit :
« Concernant la connaissance et l’affirmation de la Seigneurie, l’Esprit est originellement conforme à la nature première (fitra) selon laquelle Allâh l’a créé. Puis, l’âge de raison une fois atteint, cet esprit peut subir une multitude de morts, suite auxquelles il reviendra à la vie selon la nature de chacune de ces morts. Ainsi, l’esprit peut mourir par la mécréance, puis il revit par la foi. Il peut mourir par les péchés et les actes criminels, puis il revit par la repentance. Il peut mourir par les plaisirs et les passions charnelles, puis revivre par l’ascèse, la dévotion et les bonnes actions. Il peut mourir par l’insouciance et l’oisiveté, puis revivre par l’éveil et l’attention. Il peut mourir par la vision du monde physique et l’enfermement dans la prison des mondes créés, puis revivre par la perception des sens profonds, par l’émancipation des pensées vers la vision contemplative… Et après cette dernière, plus aucune mort ne pourra affecter l’Esprit, pour l’éternité, et Allâh ﷻ est plus Savant. » [3].
Et al-Baqilliy (qaddas Allâhu sirrahu) dit :
« Certains ont dit : mort par la vision des actes, et Nous l’avons alors ramené à la Vie par la constatation de son impuissance.
al-Qâssim dit : Il ramène à la Vie Ses Awliya par la Lumière de la vigilance, de même qu’Il fit revivre les corps en leur assignant des esprits.
Sahl dit : Celui qui était mort, c’est-à-dire par l’ignorance, et que Nous avons ramené à la Vie par le Savoir.
Ibn ‘Ata dit : Celui qui était mort par sa rupture avec Nous, et que Nous avons ramené à la Vie en le liant à Nous et en lui assignant une Lumière, n’est en rien comparable à celui que Nous avons laissé dans l’obscurité de la rupture.
al-Ustâdh dit : Chez ces gens, la foi (imân) désigne la Vie du cœur par Allâh. Si les gens de l’insouciance s’adonnent à l’évocation d’Allâh, ils deviennent alors vivants, après avoir été morts. Et si les évocateurs sont affectés par l’oubli, ils deviennent des morts après avoir été vivants.
Quant à celui qui se trouve dans les Lumières de la Proximité, touché par les rayons de la Connaissance ésotérique, immergé dans l’Esprit des perceptions du cœur, (son état) ne peut en aucun cas être approché par celui qui demeure dans les profondeurs opaques des ténèbres, et celui qui demeure prisonnier des contingences ne lui est certainement pas égal.
Une réalité subtile me fut inspirée relativement à ce verset : ce qui est ici voulu par le mort, c’est celui qui est annihilé dans le monde du reniement de l’Unicité, de sorte que lorsque lui parvinrent les foudres suprêmes de l’Orgueil et de la Majesté divines, elles le ramenèrent à la Vie par l’Esprit de Sa Persistance et par la contemplation de Sa Pérennité. Par les Lumières de la Connaissance ésotérique (ma’rifa), le désert de son être reprit Vie, et il se mit à marcher par les Secrets et les Esprits au milieu des Lumières de la Persistance divine. Plus jamais il ne sera voilé des Lumières de la Beauté de Sa Face. C’est par cette Lumière qu’Il fait revivre tout cœur mort, et à la vision de celle-ci que s’apaise toute nafs se refusant à obéir à son Seigneur, éprouvée et submergée par les ténèbres de ses passions charnelles. » [4].
Dans le Sahîh de ibn Hibbân il est rapporté que le Messager d’Allâh ﷺ dit :
« Allâh –‘azza wa jall- créa les gens dans les ténèbres, puis Il prit de Sa Lumière une Lumière qu’Il projeta en eux. Cette Lumière atteignit celui qu’Il voulut, et elle évita celui qu’Il voulut. Et Il est parfaitement informé de qui elle atteint et de qui elle évite. Celui donc qui sera atteint par quelque chose de Sa Lumière sera bien guidé, tandis que celui qu’elle évitera il sera perdu. Et c’est en ce sens que je dis : Certes, le Qalam a séché. » [5].
Ainsi, conformément à ce qui fut établi avant que la création ne fut, celui pour qui le Vrai souhaitera la guidée, Il ouvrira sa poitrine aux Lumières de la Proximité et lui fera goûter la saveur de Son ardent désir. C’est alors que le serviteur s’éprendra dans l’espoir de Sa rencontre et qu’il se détournera de la demeure éphémère et illusoire.
Le Prophète ﷺ fut questionné au sujet du verset : « Quiconque Allâh veut guider, Il lui ouvre la poitrine à l’Islâm ». Ils dirent : comment sa poitrine est-elle ouverte, ô Messager d’Allâh ?
Il répondit : « C’est une Lumière qui est projeté en lui, la poitrine s’ouvre et s’élargit pour l’accueillir. » Ils demandèrent alors : Y a-t-il à cela un signe indicateur ?
Il répondit ﷺ : « La dédication à la demeure éternelle, le détournement de la demeure illusoire et la préparation à la mort avant de la rencontrer. » [6].
Celui dans le cœur de qui la Lumière de la Guidée fut projetée s’éprend de désir pour les jardins de la Proximité divine et s’abstient de tout autre qu’Allâh. L’entièreté de son être est progressivement ravie par la Beauté des Attributs qui se manifestent à lui, en vision à l’état d’éveil (mouchâhada). Il les voit, perpétuellement, et il erre dans les campagnes, par-delà les monts et les plaines, interpelant les arbres, s’adressant aux pierres, veillant ses nuits en compagnie des étoiles… il tourne incessamment son visage dans le ciel, les mains de son cœur ouvertes, dans l’espoir que le Vrai lui indique une Qibla qui le satisfera.
[1] Sourate al-An’âm, versets 122 à 125.
[2] Asbâb nouzoûl al-Qor’ân, al-Wâhidiy, page 277.
[3] Al-bahr al-madîd fi tafsîr al-Qor’ân al-majîd – Ibn ‘Ajîba – Tome 2, page 304.
[4] ‘Ara’is al-bayan fi tafsir al-Qor’an – al-Baqilliy – tome 1 page 396.
[5] Sahîh ibn Hibbân, Hadîth n°6304.
[6] Tafsîr ibn Kathîr, tome 3 page 335.