Pourquoi cheminer ?

L’objectif du cheminement spirituel est de purifier l’âme (nafs) de toutes ses idoles cachées afin de la faire revenir à son état originel, agréée et satisfaite de son Créateur. En effet, le Messager d’Allâh – paix et prière sur lui – nous mit en garde contre le polythéisme mineur : « Certes, ce dont j’ai le plus peur pour vous est le polythéisme mineur », les compagnons en demandèrent le sens, ce à quoi répondit l’Envoyé d’Allâh : « C’est l’ostentation […]. » (Hadîth). Et dans un autre hadîth, le Prophète nous interpelle à nouveau : « Je ne crains plus pour vous que vous associez à Allâh. Mais que vous vous disputiez à propos du bas monde. » [1]

Si les statues au sein de la Ka`bah furent détruites, des idoles d’une toute autre nature persistent. Il s’agit, entre autres, de l’orgueil, la vanité, l’ostentation, l’amour du bas monde et de ce qu’il contient. C’est par ces traits que, paradoxalement, le serviteur d’Allâh tombe dans l’association (mineure), alors même qu’il voue un culte à l’Unique. Le Très-Haut l’évoque explicitement dans Son Livre : « Quiconque, donc, espère rencontrer son Seigneur qu’il fasse de bonnes actions et qu’il n’associe dans son adoration aucun autre à son Seigneur. » [2]

Il incombe donc au musulman de dompter son âme incitatrice au mal pour vivre le Tawhîd pleinement, c’est-à-dire extérieurement et intérieurement.

« A réussi, certes, celui qui la purifie. Et est perdu, certes, celui qui la corrompt. » [3]

Comment et par quel moyen cheminer ?

Le malade ne peut discerner les maladies qui l’affectent, il lui faut un médecin savant et expérimenté qui lui prescrira un remède. Le Prophète ﷺ compara l’association pour cette communauté aux pas d’une fourmi sur un rocher. C’est dire à quel point elle est imperceptible.

Dans le grand jihâd (contre soi-même), face aux ténèbres de la nafs, seule la Lumière peut éclairer les sentiers du cheminant et faire émerger ce qui était immergé (le shirk caché). Le Messager d’Allâh ﷺ, le modèle infaillible et parfait, manifestait l’exemple à suivre lorsqu’il invoquait son Seigneur sur le trajet vers la mosquée : « Ô Allâh, mets dans mon cœur de la Lumière, sur ma langue de la Lumière, dans mon ouïe de la Lumière, dans ma vue de la Lumière, dans mon âme de la Lumière, devant moi de la Lumière, au-dessus de moi de la Lumière, en dessous de moi de la Lumière. Ô Allâh, grandis-moi cette Lumière ! » [4]

Une Lumière nous faisant cheminer sur la Voie d’al-Mustafâ, dont la nuit ne diffère point du jour. Il dit ﷺ : « Je vous ai laissés sur une Voie blanche. Sa nuit ne diffère pas de son jour et ne s’en écarte qu’un damné après moi. » [5]

Peut-on cheminer seul sans intermédiaire ?

La vie de l’Homme est entièrement régie par des causes et des intermédiaires. Il apprend à lire et écrire auprès d’un professeur, se fait soigner par un médecin, paye la zakât dans le but de purifier ses biens, de même qu’il espère l’intercession du Maître de la création le jour du jugement. Le Prophète ﷺ lui-même prit la Révélation auprès de l’ange Jibrîl – paix sur lui –, et éduqua ensuite les compagnons.

L’intermédiaire est donc une sunnah d’Allâh qu’Il nous demande de suivre. Il dit ﷻ : « Le Tout Miséricordieux S’est établi ensuite sur le Trône. Interroge donc qui est bien informé de Lui (khabîr/expert). » [6], cependant le récit le plus explicite demeure celui du Prophète et Messager Mûssâ – paix sur lui – qui s’efforça de chercher un serviteur d’Allâh n’étant ni Prophète ni Messager et ayant reçu une Miséricorde et une Science émanant du Lui. « Mûssâ lui dit : « Puis-je te suivre, à la condition que tu m’apprennes de ce qu’on t’a appris concernant une bonne direction ? » » [7]

Le Messager d’Allâh ﷺ ne laissa en héritage pour sa communauté ni dirham ou dinar, il nous légua la Voie blanche qui est la bonne direction et les cordes qui nous permettent de s’y attacher : « Je laisse parmi vous ce que, si vous vous y attachez, vous ne vous perdrez pas après moi. L’une de ces deux choses est plus importante que l’autre : le Livre d’Allâh, qui est une corde tendue depuis le ciel vers la terre, et l’élite (‘itrah) des gens de ma Maison (Ahl Baytî). » [8]

Les fruits du cheminement

Le cheminant, libéré des chaînes de son ego, est conduit à la station de la foi (al-Imân) par la vision de la Lumière divine et à la station de l’excellence et de la sincérité (al-Ihsân) par la connaissance intérieure de son Seigneur. Il s’agit du retour de la nafs à son état originel, satisfaite et agréée.

Affranchi du regard des Hommes, le serviteur réalise alors véritablement le sens du monothéisme pur. Habité et apaisé par la Présence divine, son cœur est à tout instant orienté exclusivement vers l’Unique, sans second.

Par l’Amour d’Allâh, il magnifie Sa création, lui consacre tous ses droits et devient un appel pour réconcilier la créature au Créateur.

« Il y a parmi les serviteurs d’Allâh des serviteurs qui ne sont pas des Prophètes, mais que les Prophètes envieront ainsi que les martyrs » On dit : « Qui sont-ils, pour qu’on puisse les aimer ? » Il dit : « Ils sont des gens (qawm) qui se sont aimés par la Lumière d’Allâh sans liens de parenté ni de lignage. Leurs visages sont Lumière. Ils se tiennent sur des chaires de Lumière. Ils n’ont pas peur quand les gens ont peur et ne sont pas tristes quand les gens s’attristent. » Ensuite, il récita : « Certes, les Awliyâ’ d’Allâh n’auront ni peur ni tristesse. » [9]


[1] Rapporté par Ahmad.
[2] Sourate al-Kahf (La Caverne), verset 110.
[3] Sourate ach-Chams (Le Soleil), versets 9 et 10.
[4] Rapporté par Muslim.
[5] Rapporté par at-Tirmidhi, Abu Dawud, Ibn Majah, Ahmed et d’autres.
[6] Sourate al-Furqan (Le Discernement), verset 59.
[7] Sourate al-Kahf (La Caverne), verset 66.
[8] Rapporté par Muslim.
[9] Rapporté par Nasaî et Ibn Hiban dans son Sahih.