بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين
Qu’est-ce qu’un Waliy et
qu’est-ce que la Wilâya ?
« Allah est le Waliy de ceux qui ont la foi : Il les fait sortir des ténèbres à la Lumière. Quant aux mécréants, ils ont pour awliya [1] les Tâghoût, qui les font sortir de la Lumière vers les ténèbres. Voilà les gens du feu, où ils demeurent éternellement. » [2].
Le Waliy dans le vocabulaire de la Tariqa Karkariya
Il s’agit du cédrat [3] du Vrai parmi les adorateurs, son odeur exclusive exhale et parvient au cœur de tout amoureux. Le Waliy est le serviteur et le maître, la manifestation des Noms et Attributs divins, établissant à la perfection l’équité dans la balance de considération de l’Unicité. Il est la prière médiane [4], le maître de son temps et le temps qui passe lui-même. Il est tel que, n’eût été par la convenance (adab) liée à son degré de servitude, tu aurais été incapable de le reconnaitre et tu n’aurais jamais pu profiter de lui.
La Wilâya dans le vocabulaire de la Tariqa Karkariya
Il s’agit du Point de l’isthme (barzakh) et du parfait juste milieu. La Wilâya (Sainteté) est l’ombre du degré de la Noubouwa (Prophétie), le point initiatique de l’élévation de l’esprit et du dévoilement spirituel, nageant au plus profond de ce que comprend l’océan réunissant toute chose en son sein.
Ceci signifie que lorsque le Vrai fait de l’un de Ses serviteurs un Waliy, Il le fait sortir des ténèbres de l’inexistant vers les Lumières incréées, des ténèbres de l’illusion vers les Lumières de la compréhension, de la prison de la servitude vers la liberté de la Seigneurie. Il lui ôte les habits ténébreux de sa nature humaine, puis le revêtit des Lumières des Attributs prééternels au travers de la vision (mouchâhada) des yeux, le façonnant ainsi par Lui-même, pour Lui-même. Il le débarrasse de la considération des ténèbres du monde physique et de la vision de la création par la Lumière de la contemplation oculaire, de sorte qu’il ne voie plus le monde que comme découlant des océans du Jabaroûte vers les jardins du Malakoûte, puis des jardins du Malakoûte vers la matrice du Moulk.
Sayidi ibn ‘Ata’ Allâh al-Iskandariy dit dans ses Hikam :
« L’univers tout entier est ténèbres, mais l’apparition d’Allâh en lui l’a illuminé. Celui donc qui verra l’univers mais ne verra pas en lui la Lumière, ou avant lui, ou après lui, est en réalité dépourvu de toute Lumière : les soleils de la gnose (ma’rifa) sont voilés à ses yeux par les nuages que représentent les traces (de l’acte créateur). »
Et sayidi ibn ‘Ajîba commente ceci en disant :
« En termes de contemplation du Vrai, les gens se répartissent en trois catégories : les gens du commun, l’élite et l’élite de l’élite. Ainsi, celui qui considèrera le monde créé sans Le voir en lui, ou auprès de lui, ou avant lui, ou après lui : celui-là a est dépourvu de toute Lumière et les soleils de la gnose sont voilés à ses yeux par les nuages que représentent les traces de l’acte créateur. Les gens du degré de la persistance (baqâ’) contemplent quant à eux le Vrai à chaque fois que leur vue se pose sur le monde, établissant ainsi la créature par Allâh Lui-même, sans aucune considération d’autre que Lui… mais de par la perfection de leur état spirituel, ils établissent l’intermédiaire (la créature) et l’intermédié (le Créateur), et ainsi ils atteignent la vision du Vrai en celle de l’intermédiaire, ou bien auprès de ce dernier, sans aucune considération de devant, derrière, ni d’aucune limite spatio-temporelle. Le Shaykh Mawlay ‘Abdessalâm ibn Machîch (radiAllâhu ‘anhu) dit en ce sens à Aboul-Hassan (radiAllâhu ‘anhu) :
« Ô Abou al-Hassan, affute la vision de la foi et tu verras Allâh en toute chose, auprès de toute chose, avec toute chose, avant toute chose, après toute chose, au-dessus de toute chose, en dessous de toute chose, proche de toute chose et englobant toute chose, d’une proximité qu’Il a Lui-même décrite. Quant à Son Omniprésence englobante, c’est là une qualification qui Lui sied et qui Lui est propre, exempt d’extrémités et de limites, exempt de lieu et de direction ; Sa compagnie et Sa proximité ne sont pas question de mesure (distance) et Son Omniprésence n’encercle pas les créatures. Efface toute chose par Sa propre description de Lui-même : Il est Al-Awwal (le Premier) et Al-Akhir (le Dernier), Il est Al-Dhâhir (l’Apparent) et Al-Bâtin (le Dernier), huwa huwa huwa. Allâh était et rien n’était avec Lui, et Il est aujourd’hui tel qu’Il a toujours été. »
Certains ont dit : « Je ne vois aucune chose sans voir Allâh en elle ». Les gens cheminant sur la Voie voient le monde créé, et c’est ensuite qu’ils voient le Créateur auprès de ce dernier. Par cette trace (cette Lumière) divine, le monde créé s’anéantit à leurs yeux dès qu’ils posent le regarde sur lui. Tel est l’état des débutants dans la Voie.
Quant aux gens du fana, ils voient le Vrai avant de voir la création, dans le sens où ils n’ont absolument aucune considération pour la création qui n’est même pas établie pour eux. Ceci est dû à leur état d’ivresse qui les fit s’évanouir et perdre de vue l’intermédiaire. Ils sont noyés dans l’océan des Lumières, et les traces de l’Acte créateur sont complètement dissoutes. C’est depuis ce degré spirituel que certains ont déclaré : « Je ne vois aucune chose sans voir Allâh avant elle ».
Finalement, concernant les gens voilés d’entre ceux qui se basent sur les preuves et l’argumentation logique pour établir le divin, ceux-là voient le monde créé sans en voir le Créateur, ni avant ni après la chose. Plutôt, ils établissent le fait de Son Existence par l’existence du monde créé. Tel est l’état du commun des musulmans d’entre les gens de la droite à qui l’Existence des Lumières échappa. Ils furent privés d’elles, voilés des soleils de la gnose par les nuages que représentent les traces de l’Acte créateur, et ce pourtant après que ces soleils se soient levés et aient inondé de leur Lumière… mais les soleils ont obligatoirement des nuages qui les couvrent, de même que la jolie femme est obligatoirement couverte par un niqab. En ce sens le poète dit :
Et elle ne fut voilée que par la levée de son propre voile
c’est extraordinaire, comme l’apparition évidente est en réalité une dissimulation » [5].
Le Messager d’Allâh ﷺ dit : « Allâh a créé la création dans les ténèbres puis il projeta sur eux de Sa Lumière. Ainsi, celui à qui parviendra de cette Lumière sera guidé, tandis que celui qui en sera privé sera égaré. » [6].
La Lumière d’Allâh sur terre, ce sont Ses Awliya : ils sont Ses Bien-Aimés et leurs cœurs sont la Niche des Lumières de la guidée. Si tu les connais et si tu les fréquentes, alors tu seras guidé… mais dans le cas contraire, tu perdras le Chemin sans même t’en rendre compte.
La première chose que le serviteur apprend à aimer dans la Voie menant à la Wilâya, c’est la solitude. Il s’agit là de la Sunna de notre Maître, le Messager d’Allâh ﷺ : au tout début, il éprouva le besoin de s’isoler, et c’est ainsi qu’il prit l’habitude de veiller ses nuits dans la grotte de Hirâ. Si donc toi aussi tu désires lire le Nom de ton Seigneur, tu devras de même t’isoler dans le Hirâ de ton cœur, retourner au néant tous les caractères qui font de toi ce que tu es et te dépouiller de ton « moi », te détourner de tout ce que ton cœur aime… et la première chose de laquelle tu devras te séparer, c’est de ta propre nafs : il s’agit là de ton plus grand ennemi.
Allâh ﷻ dit : « Et quand vous vous serez séparés d’eux et de ce qu’ils adorent en dehors d’Allâh, réfugiez-vous donc dans la caverne : votre Seigneur répandra de Sa miséricorde sur vous et disposera pour vous un adoucissement à votre sort. » [7].
Isole-toi, afin que Allâh te fasse parvenir la miséricorde de Ses Lumières, et afin qu’Il te fasse parvenir au Shaykh qui te fera découvrir Ses Secrets et te fera boire à la coupe du confinement le vin de l’absolu, jusqu’à ce que tu deviennes ivre et que tu perdes toute considération de l’existence. Il plantera dans la terre de ton cœur la graine de l’existence. Il l’arrosera ensuite à l’eau de l’Amour, et de là les fruits que sont les Lumières te parviendront, à tout instant. Il te transmettra l’art de se servir de l’élixir des Lumières, ce dernier étant l’antidote contre le poison des ténèbres de l’illusion. Allâh ﷻ dit : « Quant aux mécréants, ils ont pour awliya les Tâghoût, qui les font sortir de la Lumière vers les ténèbres. Voilà les gens du feu, où ils demeurent éternellement. » [8]. Les Awliya sont choisis par Allâh, quant à ceux-là ils sont ceux que les Tâghoût ont pris en alliés : « Et par l’âme et Celui qui l’a harmonieusement façonnée. Il lui a alors inspiré son immoralité, de même que sa piété. » [9]. Le Tâghoût c’est ton âme qui enjoint au mal (nafs ammâra), c’est-à-dire l’ensemble de tes passions et la manifestation de la Scission (fasl) en toi-même. Les awliya du Tâghoûte sont ceux qui ont couvert les Lumières de la nature première (fitra) par les ténèbres de l’insouciance et des passions charnelles. Ils sont les gens qui imitent aveuglément les autres, suiveurs des désirs illusoires. Ils sont les gens de « c’est comme cela que nous avons vu faire ceux d’avant nous », et ils sont ceux qui appellent au suivi des sentiers auxquels se réfère le Hadîth : « Le Messager d’Allah ﷺ traça un trait (sur le sol), puis il traça à la gauche et à la droite du trait principal d’autres traits, et dit : « Voici le Chemin droit d’Allâh, et ceux-ci sont les sentiers. Sur chaque sentier se trouve un Shaytân qui appelle à lui ». Puis il récita le verset : « Et voici mon Chemin droit ». » [10].
Les awliya du Tâghoût sont les gens qui barrent la route menant à la Lumière du Vrai, ils font sortir les gens de la Lumière de la fitra divine vers les ténèbres de la conjecture… Mais depuis quand le Vrai peut-Il être Connu par la conjecture ? Depuis quand accède-t-on à Sa Connaissance par les ténèbres ?
Les awliya du Tâghoût sont les idoles de notre temps, ennemis du Vrai ils embellissent le faux et le font passer pour Vrai. Leurs langues sont plus douces que le miel, mais leurs cœurs sont plus amers que la coloquinte. Leurs peaux sont celles du mouton à la laine soyeuse, mais leurs cœurs sont ceux des loups. Ils font espérer à leurs disciples une ouverture spirituelle (fath) proche et l’arrivée d’un flux spirituel (madad) énorme, alors qu’ils n’ont à donner ni fath, ni madad, ni rien hormis de vains espoirs.
[1] Pluriel de Waliy
[2] Sourate al-Baqarah, verset 257
[3] Référence au Hadîth : « L’exemple du croyant qui lit le coran est celui du cédrat (fruit) : son odeur est bonne et son goût est bon ». [Rapporté par al-Boukhâriy]
[4] Référence au verset : « Soyez assidus aux prières (salât) et surtout la prière médiane ; et tenez-vous debout devant Allâh avec humilité. » [s2.v238]
[5] Iqâdh al-himam fi charh al-Hikam – ibn ‘Ajîba – page 63/64
[6] Sahîh ibn Hibbân, Hadîth n°6303
[7] Sourate la Caverne, verset 16
[8] Sourate la Vache, verset 257
[9] Sourate le Soleil, versets 7 et 8
[10] As-Sunan al-Kubrâ de al-Nasâ’i, Hadîth n°10662