بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

Lorsque le Vrai voulut montrer à sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm) les Sciences émanant de Sa Toute-Puissance, Il lui ordonna d’accomplir la pérégrination vers la réunion des deux mers, l’isthme des opposés. Cette histoire est clairement relatée dans les exégèses, du moins pour ce qui est de sa partie exotérique qui est ce qui nous intéresse puisque nous traiterons ici de la Siyâha des nafs dans les différents degrés du cœur.

Le cœur, soit Moussa, sortit et prit soin de se faire accompagner dans son voyage par le garçon, soit la nafs. Ils se munirent tous deux, en guise de provision pour la route, du poisson de la passion, et fixèrent leur intention sur la rencontre de l’Esprit, manifesté en la personne du Khidr.

Le fait que le cœur accompagne la nafs n’a pour but que de permettre le cheminement, car les degrés des nafs ne correspondent à rien d’autre qu’aux degrés des cœurs cheminant. Il n’est pas de cheminement possible si ce n’est au travers de la nafs, comme il fut dit dans les Hikam : « N’eut été les degrés des nafs, l’avancement spirituel des cheminant n’aurait jamais abouti à la réalisation spirituelle, car il n’y a en réalité entre toi et Lui aucune distance pour que tu la comble, ni aucune séparation que pourrait effacer ton idéal d’Union ».

Ceci signifie qu’il n’y a aucune distance entre toi et Lui, subhânahu, afin que tu la combles : Il est plus Proche de toi que ta propre veine jugulaire. Plutôt, l’entièreté de ton cheminement se fait depuis toi-même vers toi-même, depuis la perception de tes sens physiques vers la perception des sens profonds de ton être, depuis ta terre vers ton ciel, depuis l’illusion de ton existence vers ton Créateur.

Ce que l’on désigne par le cheminement renvoie donc à la transcendance des obstacles de la nafs, qui s’opère par le dépassement des différents degrés du cœur et mènent à la connaissance de ses différents états et de toutes les facettes des théophanies qu’il reçoit. Ce cheminement permet de puiser dans les flux spirituels grâce à la force de l’Amour passionnel, aidée de celle de l’imagination, que tu en aies conscience ou non.

C’est pour cela que le Vrai ordonna au Kalîm (‘alayhi s-salâm) d’emmener pour provision un poisson, et Il fit de la perte de ce dernier, c’est-à-dire de la perte de l’Amour passionnel, le signe de son arrivée à l’emplacement de réunion des deux mers.

Ce poisson est un poisson de la même espèce que celui de dhou l-noûn, qui est l’un des piliers du triangle soufliy par lequel le Prophète d’Allâh Yoûnouss ibn Mata (‘alayhi s-salâm) fut éprouvé. Et le Vrai l’éprouva ainsi par les ténèbres de la nuit, les ténèbres de l’océan et les ténèbres du ventre de ce poisson.

Lorsque donc le cœur (Moussa), accompagné de la nafs (le garçon), atteignirent la pierre d’immolation, et que le Kalîm se reposa et s’assoupit… la nafs (le garçon) aspergea le poisson de l’eau de la Vie, faisant ainsi naitre en ce dernier le degré de Vie véritable, et c’est alors que le poisson plongea dans l’océan de l’ésotérisme, dessinant à son passage le Talsam de la rencontre de l’Esprit.

Ibn ‘Ajîba dit dans al-Bahr al-Madîd:
« Le poisson devint un guide et un indicateur pour sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm), après sa mort et après avoir été séparé de lui. Puis il revint à la Vie des Hommes privilégiés lorsqu’il fut touché par la Grâce de la Source de Vie. Il en va de même pour le gnostique : il ne devient un guide vers Allâh et un Imâm que l’on prend en exemple qu’après avoir réalisé l’état de mort vis-à-vis de la perception de ses sens physiques, après avoir transpercé tous les obstacles de sa nafs, après avoir annihilé toute trace d’humanité persistant en lui, et ne demeurant plus que par son Seigneur. C’est seulement alors que son esprit accède à la Vie, par la contemplation de la magnificence de son Seigneur, et qu’il devient un Imâm et un guide rattaché et menant directement à Lui. Et c’est alors également qu’apparaissent par sa main des choses extraordinaires, à l’image de ce qu’il se produisit avec le poisson. C’est à cela que nous renvoie en tout cas les états du Khidr, le poisson n’étant dans cette histoire qu’une manifestation apparente de son état. » [1].
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C’est donc ainsi que s’effectue la Siyâha des nafs, au travers des différents degrés des cœurs, jusqu’à parvenir à l’Esprit, raison pour laquelle il fut dit que celui qui atteindra la connaissance de sa nafs atteindra par là-même la Connaissance de son Seigneur. La Siyâha des nafs est une Siyâha pour Allâh, et celui dont le cheminement est pour Allâh, atteint Allâh… quant à celui dont le cheminement est par Allâh, son cheminement n’a pas de fin.

Ce cheminement est toutefois réservé à celui qui sera parvenu jusqu’au souffre rouge, c’est-à-dire le Shaykh de condition spirituelle réalisée et menant à cette même réalisation, l’Olivier Béni ni oriental ni occidental. Et étant donné que la subsistance de chacun est préétablie, il incombe à tous d’accomplir la Siyâha des mondes et des silhouettes apparentes, qui consiste avant tout en le fait de se conformer à la Sunna toute entière, de parfaire ce qu’il nous est ordonné de faire, et d’éviter ce qui est détestable afin de s’éloigner davantage de ce qui est interdit… ceci dans l’espoir de peut-être être accepté au sein de l’assemblée des pérégrinant, hommes et femmes.


[1] Al-Bahr al-Madîd fi Tafsîr al-Qor’ân al-Majîd.


Source : Les fondements de la Tariqa Karkariya, Shaykh Mohamed Faouzi Al Karkari, éditions Les 7 Lectures.