بسم الله الرحمن الرحيم
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Tafsir de l’Imâm al-Quchayriy & Ibn ‘Arabi

Sourate Ar-Rahman, verset 31-39

Allâh –subhânahu wa ta’ala- dit : « Nous allons bientôt nous libérer pleinement (pour votre jugement), ô vous les deux charges. Lequel donc des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? Ô peuple de djinns et d’hommes ! Si vous pouvez sortir du domaine des cieux et de la terre, alors faites-le. Mais vous ne pourrez en sortir excepté à l’aide d’un pouvoir (Sultân). Lequel donc des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? Il sera lancé contre vous un jet de feu et de fumée [ou de cuivre fondu], et vous ne serez pas secourus. Lequel donc des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? Puis quand le ciel se fendra et deviendra tel une rose écarlate. Lequel donc des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? Alors, ni aux hommes ni aux djinns, on ne posera des questions à propos de leurs péchés. » [s55.v31-39].

L’Imâm al-Quchayriy (qaddas Allâhu sirrahu) dit à propos de ces versets :
« « Nous allons bientôt nous libérer pleinement (pour votre jugement), ô vous les deux charges ». Les deux charges désignent ici l’esprit et ses caractéristiques louables d’une part, et d’autre part la nafs et ses côtés blâmables. Soit : « Nous allons bientôt nous libérer pleinement » pour vous honorer, et révéler vos destins, ô esprits purifiés, en Me montrant à vous. Vous Me contemplerez alors à chaque instant… Et « Nous allons bientôt nous libérer pleinement » ô nafs rendues ténébreuses par les différentes épreuves (qui vous ont affecté), et vous n’entrerez pas dans Mon Paradis jusqu’à ce que vous soyez purifiées des impuretés que sont les illusions (du monde physique). Et Je ne Me montrerai pas à vous, excepté dans le moment où cela sera nécessaire et forcé. Par conséquent, tout se réalise dans ce monde (avant l’autre) : Celui qui atteindra la pureté ici-bas, demeurera pur là-bas… et celui qui quittera ce bas-monde souillé demeurera souillé dans l’au-delà. Il est dit aux nafs ténébreuses : « Ô peuple de djinns et d’hommes ! Si vous pouvez sortir du domaine des cieux et de la terre », par la portée de votre vision intérieure « alors faites-le ! » Mais vous n’en avez pas la capacité : vos esprits sont emprisonnés dans l’entité de vos essences (vos corps), et dans la limite de ce que vous connaissez de l’univers. « Mais vous ne pourrez en sortir excepté à l’aide d’un pouvoir (Sultân) » c’est-à-dire par la force du pouvoir (Sultân) que vos esprits ont sur vos nafs… et alors, vos esprits tireront vos nafs vers l’univers spirituel, et ceci sera rendu possible par le compagnonnage d’un excellent médecin. Alors, votre vision intérieure (Basîra) sortira des limites du monde, et vous accéderez à l’espace illimité de la vision (‘ayân).

« Il sera lancé contre vous un jet de feu et de cuivre fondu, et vous ne serez pas secourus » On s’adresse ici au groupe des djinn, c’est-à-dire les nafs, en les avisant du fait qu’il leur sera lancé du feu de l’éloignement divin, du fait qu’ils sont affairés et totalement absorbés par la perception de leur propre entité corporelle, par leurs passions animales, de manière perpétuelle… Et (d’autre part) on s’adresse au groupe des esprits, c’est-à-dire des hommes, en les avisant du fait qu’il sera versé sur leurs têtes du cuivre fondu de couleur dorée, en conséquence de leur décadence depuis le maqâm spirituel élevé vers le maqâm de la nafs basse et vile. Et aucun de ces deux groupes ne pourra venir en aide à l’autre. « Lequel donc des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? » Celui qui sera châtié, ne le sera qu’en conséquence d’actions qui méritent le châtiment, et celui qui bénéficiera des plaisirs n’y goûtera qu’en conséquence d’actions qui méritent ces bienfaits. Quant à la différence faite ici entre le djinn de nafs désobéissante et l’Homme à l’Esprit, elle renferme (le secret) d’un immense bienfait. « Puis quand le ciel se fendra » c’est-à-dire fondra et s’effacera par le dhikr du Nom Allâh, dhikr fait par le Connaissant (‘arif) « et deviendra tel une rose » dont les pétales exhalent le parfum des sens profonds « comme de l’huile » c’est-à-dire comme l’huile fondue, lorsque par la pensée purifiée elle fond et se liquéfie. Et en réalité, toute chose fond et se liquéfie lorsque les sens profonds qui les maintiennent en place se manifestent et les recouvrent. « Lequel donc des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? » malgré la manifestation apparente de tous ces immenses bienfaits, dont la perception échappe à la plupart des gens « Ce jour-là, ni aux hommes ni aux djinns, on ne posera des questions à propos de leurs péchés. » c’est-à-dire, d’entre ceux qui auront atteint cet immense degré, car pour les gens de la Vision (‘ayân), il ne demeure plus dans leur cas ni acte d’obéissance, ni péché. Aucune question ne leur est faite, ni aucun reproche. En ce sens, lors des échanges entre le Vrai –ta’ala- et sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm) : « Non, ô Moussa, ceux qui M’obéissent ou Me désobéissent sont les gens voilés… Quant à ceux qu’aucun voile ne sépare de Moi, pour ceux-là, il n’y a plus ni acte d’obéissance, ni péché. » Et le Shaykh Abou l-Hassan (radiAllâhu ‘anhu) dit : « Le Waliy atteint un degré où on lui dit : Fais ce que tu veux, Nous t’accordons la Paix, et nous te préservons de tout blâme. » Mais ceci n’est accessible qu’après l’extermination de tous les caractères de la nafs, et après la réalisation des degrés de l’annihilation (fanâ’) et de la persistance (baqâ’). Et Allâh –ta’ala- est plus Savant. »

[Latâ’if al-Ichârâte, al-Quchayriy]

Dans son tafsîr des mêmes versets, sayidi ibn ‘Arabi (radiAllâhu ‘anhu) dit :
« « Ô peuple de djinns et d’hommes » : c’est-à-dire, ô vous les occultés et les apparents « Si vous pouvez sortir du domaine des cieux et de la terre » par le dépouillement de ce qui concerne vos enveloppes corporelles et vos liens charnels « alors faites-le ! » afin d’entrer dans le groupe de personnes dont les nafs sont dans le Moulk mais dont les esprits sont dans le Jabaroute, et qu’ainsi vous entriez en Présence divine. « Mais vous ne pourrez en sortir excepté à l’aide d’un pouvoir (Sultân) » C’est-à-dire une preuve évidente (hujjatun bayyinah), qui n’est autre que le Tawhîd, le dépouillement (tajrîd) et l’individuation (tafrîd) par la Science, les œuvres et l’annihilation en Allâh. (Pour en savoir plus : Comment transcender les limites de ton âme?). « Il sera lancé contre vous un jet de feu » : ce qui vous empêche de sortir du domaine des cieux et de la terre et de réaliser l’élévation spirituelle par leurs différents degrés, ce sont des flammes purifiées de toute trace de fumée ; c’est-à-dire le pouvoir de l’imagination et de la perception des illusions qu’elle envoie à la raison et au cœur, entravant ainsi l’évolution et le développement spirituel. « et de fumée » c’est-à-dire un corps de ténèbres qu’envoie l’âme bestiale sous forme de penchants vers les passions charnelles. Les flammes constituent donc un obstacle en matière de Science, tandis que la fumée entrave l’accomplissement de bonnes actions. « et vous ne serez pas secourus » vous ne serez à l’abri du mal de ces deux obstacles, et vous ne les surpasserez que par une aide d’Allâh et par le Pouvoir (Sultân) du Tawhîd.

« Puis quand le ciel se fendra » il s’agit là du ciel de ce bas-monde, c’est-à-dire de l’âme bestiale (nafs hayawâniya), et son fractionnement désigne ici le fractionnement de l’esprit, se séparant de la nafs après l’anéantissement de celle-ci. Ceci parce que l’esprit de l’homme est lié à son âme bestiale de la même manière qu’elle est liée à son propre corps. Donc, de même que le corps vit grâce à la nafs, la nafs vit grâce à l’esprit. Et lorsque la nafs quitte le corps après la mort de celui-ci, l’esprit est à son tour libéré. « et deviendra tel une rose écarlate », c’est-à-dire rouge écarlate, car c’est là la couleur intermédiaire entre la couleur de l’esprit dépouillé et celle du corps : la couleur de l’esprit est le blanc, de par sa Lumière et sa Connaissance de l’Essence divine, tandis que la couleur du corps est le noir, en référence à sa nature ténébreuse et au fait de son insensibilité totale vis-à-vis de l’Essence divine. La couleur intermédiaire entre le blanc et le noir est le rouge, et c’est ainsi qu’on peut faire le lien avec la sourate de la vache, (qui parle d’une génisse) de couleur jaune. Le jaune intervenait dans un contexte de vie, de pureté, de domination de la Lumière sur elle et de fraîcheur de la prédisposition (spirituelle)… tandis que dans le cas considéré ici, la couleur rouge intervient dans un contexte de mort, de ternissement, de domination des ténèbres sur elle, et de disparition de toute prédisposition spirituelle. « comme de l’huile », c’est-à-dire comme la substance douce, grasse et liquide de l’huile, du fait du passage du ciel à l’état d’anéantissement.»

[Tafsîr al-Qur’ân, ibn ‘Arabi]