بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين
Explication du Hadîth « De là (du Nejd) apparaitra la corne du Shaytan »
Toute lettre, et donc tout Alif, est un Alif mouqaddar.. c’est à dire un Alif qui est en quelque sorte une « partie » (sans toutefois être limitée) du Alif Primordial, qui est le Alif du Nom « Allâh ». Plus la lettre est rectiligne, plus elle est proche du Alif primordial… et inversement plus elle est courbée, plus elle en est éloignée. Les lettres comprenant des points sont plus éloignées encore, et plus ces points sont nombreux, plus leur éloignement de l’Origine est important. C’est notamment la raison pour laquelle les djinn du monde inférieur (soufliy) portent tous des noms comprenant les lettres chîn (ش) et/ou thâ ( ث ). Ainsi, la lettre la plus proche du Alif primordial est le lam… En effet, le lam ( ل ) est constitué d’un Alif (أ), symbole de l’Unicité exclusive (Ahadiya), et sa partie inférieure s’est courbé jusqu’à former un demi-cercle soufliy. Au tout début de la Lecture du Nom « Allâh », le mourid entre dans la Ma’rifa (Connaissance d’Allâh) en réalisant que la création toute entière, les sept cieux, les sept terres, le Piédestal (Kursi) et le Trône (‘Arch) se trouvent réunis dans le hâ’al-hawiya. Autrement dit, que l’univers créé et tout ce qu’il contient est réuni dans un cercle : le zéro du fana’.
A propos de ce cercle, Allâh –ta’ala- dit : « et il fut à portée de deux arcs, ou plus près encore. » [s53.v9]. Sayiduna ibn ‘Arabi (quddisa sirruh) explique dans son tafsir :
« C’est-à-dire lorsque le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) eut atteint le cercle de l’existence englobant toute chose, ce cercle étant divisé en deux arcs par un trait imaginaire, l’un renvoyant au Vrai –ta’ala– et l’autre à la création. ». Nous voyons donc que ce cercle, bien connu chez les gens du Tassawwuf, est en réalité l’assemblage de deux demi-cercle : l’un supérieur et l’autre inférieur. Toujours selon sayidina ibn ‘Arabi dans son tafsir, l’arc du bas peut-être associé à la création. Quant à la première partie du lâm, c’est-à-dire le Alif, il renvoie au divin à l’exclusion de tout autre que Lui. La lettre lâm ( ل ) est donc la représentation de cette liaison entre le caractère annihilé de la création et l’inaccessibilité du Créateur… Soit, dit autrement, le lâm renvoie à l’Esprit divin (représenté par le Alif) manifesté dans un être créé et ayant atteint le degré de fana le plus parfait (fana symbolisé par l’arc de cercle). Comme si donc, au travers du lâm, la créature avait un moyen d’accéder à la Connaissance de al-Ahad (l’Exclusif), Celui qui exclut toute forme d’existence (faniya ou baqiya) autre que la Sienne. Concrètement donc, le lâm n’est autre que la Wassita Muhammadienne, la manifestation de l’Esprit sublimement réalisé dans l’enveloppe charnelle de celui que l’on désigne comme étant la meilleure des créatures (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam).
Dans un Hadîth qudsi, Allâh –ta’ala– dit : « J’étais un trésor caché et J’ai Aimé Me faire connaître. Je créais donc la création et par Moi, ils Me connurent » [Hadîth que mentionnent régulièrement les grandes figures du tassawwuf tel que l’Imâm al-Ghazâliy et ibn ‘Arabi]. C’est-à-dire : « J’étais un trésor caché » : référence au Alif imperceptible, incomparable et totalement inaccessible par tout autre que Lui « et J’ai Aimé Me faire connaître. Je créais donc la création » : le hâ’, qui réunit la création toute entière dans un cercle, renvoyant à la Réalité inexistante de cette création « et par Moi, ils Me connurent » : et c’est par le lâm, c’est-à-dire le Souffle divin du Alif manifesté dans le lâm, (la Wassita Muhammadienne) que les choisis d’entre Mes créatures purent accéder à Ma Connaissance : « Et je n’ai créé les djinn et les hommes que pour qu’ils m’adorent » [s51.V56] et selon le tafsir de sayidina ibn ‘Abbâs, « que pour qu’ils M’adorent » veut dire : « que pour qu’ils Me Connaissent ».
De là, il nous est dévoilé une partie du sens caché des lettres « Alif lam mim – ألم » se trouvant au début de la sourate al-Baqara : Le Vrai –ta’ala- jure par le Alif divin, imperceptible par la création, exempt de toute ressemblance. Puis par le lâm de la Wassita, manifestée en sayidina Jibrîl (‘alayhis salam)… et enfin par le mîm ( م ) de sayidina Muhammad (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) : « C’est le Livre au sujet duquel il n’y a aucun doute, c’est un guide pour les pieux » [s2.v2]. On remarquera au passage que le mîm de « Muhammad – محمد » s’écrit lui aussi sous la forme d’un cercle, à l’image du hâ’ ( ه ) de la création… mais il n’est bien évidemment pas comme le hâ’. Un poète dit ainsi :
« Muhammad est un homme, mais pas comme les autres hommes, de même que le diamant est une pierre, mais pas comme les autres pierres. ». Notre Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) est l’être ayant pleinement réalisé le maqâm de la louange (hamd – حمد ), et il fut connu dans les cieux et sur la Terre sous deux noms construits sur la racine du verbe « hamida – حمد » (louer). Dans les cieux, cette racine fut précédée par un Alif ( أ ), donnant le nom de « Ahmad – أحمد » et nous rappelant qu’il est l’être parfaitement réalisé dans la Connaissance du Alif… Tandis que sur Terre, cette racine fut précédée d’un mîm ( م ), dont la valeur numérologique est 40, en référence aux 40 degrés de la Nafs Sublime et parfaitement réalisée de la meilleure des créatures… et c’est donc ainsi qu’il fut appelé sur Terre « Muhammad – محمد ».
Pour nous, musulmans, la Wassita (intermédiaire) permettant d’accéder à la Ma’rifa (Science par Allâh) est bien évidemment notre Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), qui dit dans un Hadîth : « Les Savants sont les héritiers des Prophètes » [Rapporté par at-Tirmidhiy et Abou Dawoud].
Par conséquent, il s’agira pour le musulman de se mettre en recherche d’un authentique héritier Prophétique, c’est-à-dire d’une réplique Muhammadienne vivante et en mesure d’établir un lien entre le hâ’ (zéro) de son inexistence et le Alif (Unique) de l’Exclusif, Celui qui persiste par Lui-même. Une fois cette personne trouvée, il devra contracter avec lui un Pacte (bay’a), conformément au Hadîth : « Toute personne mourant sans avoir contracté de Pacte (bay’a) meurt d’une mort de la période pré-islamique (jâhiliya) » [Rapporté par Muslim (1851)]. Par ailleurs, une parole très connue, notamment chez les gens du Tassawwuf, dit que « Celui qui n’a pas de Shaykh, Shaytan est son shaykh ». Comme nous l’avons expliqué, le Shaykh est la personne qui remplit le rôle de Wassita, d’intermédiaire entre le serviteur et son Seigneur. Soit en d’autre termes, le Shaykh est le lâm permettant l’établissement du lien entre le serviteur (symbolisé par le hâ’, soit le zéro de son inexistence) et le Seigneur (dont l’incomparabilité est symbolisée par le Alif, totalement isolé du lâm et inaccessible). Ce lien est un lien qui se manifeste sous la forme d’une Lumière visible de manière concrète et non métaphorique. En arabe, le mot lien se dit « silat – صلة », et c’est justement sur la racine de ce mot qu’est construit le mot prière : « salât – صلاة ». Or il se trouve que dans un Hadîth, le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) définit la prière, c’est-à-dire le lien entre le serviteur et son Seigneur en disant : « La salât est une Lumière » [Sahîh Muslim (223)].
Le musulman devra donc rechercher activement un Shaykh, un Shaykh parfaitement réalisé dans le degré spirituel de « Lumière sur Lumière, Allâh guide vers Sa Lumière qui Il veut » [s24.v35]… Un Shaykh qui le mènera, pas à pas, à l’établissement de ce lien, cette Lumière Muhammadienne, jusqu’à ce que par le lâm se réalise la Jonction (wasl) entre la créature et le Créateur. Quant à ceux qui ne se soucient pas de trouver un Shaykh, ils s’exposent à ce en quoi met en garde la parole susmentionnée, et donc au fait qu’en réalité Shaytan soit leur Shaykh…
Dans un Hadîth, le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit : « Ô Allâh, accorde Tes bénédictions sur notre Châm, Ô Allâh accorde Tes bénédictions sur notre Yémen ». Les gens dirent : « Ô Messager d’Allâh, et sur notre Nejd ! ». Le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit : « Il s’y (dans le Nejd) produira un tremblement de terre, des épreuves et des tourments, et de là apparaîtra la corne de Shaytan. » [Rapporté par al-Boukhariy]. Lorsqu’on considère un Hadîth, il faut donner à chaque mot une attention particulière… et à la lumière de ce que nous avons expliqué plus haut, nous comprenons ici que, si le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) a mentionné la « corne de Shaytan », c’était en référence au fait que ce serait dans le Nejd qu’apparaîtrait un groupe de sa communauté qui s’affèrerait, en connaissance de cause ou non, à établir un autre intermédiaire que la Wassita Muhammadienne. En d’autre terme, il s’agit de supprimer le lâm de la Wassita Muhammadienne afin qu’il soit remplacé par quelque chose d’autre. Bien sûr, le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) n’allait pas assimiler le lâm du Nom Suprême « Allâh » au rôle que Shaytan tient auprès des hommes en les égarant du chemin droit (c’est-à-dire du Alif)… c’est pourquoi il a mentionné la corne, pour sa forme qui rappelle clairement celle du lâm ( ل ). Ces gens du Nejd se firent remarquer très tôt pour leur rejet catégorique de tout ce qui s’apparente au soufisme authentique, soit dit autrement au suivi de la Wassita Muhammadienne, l’intermédiaire entre la créature et son Créateur symbolisé par le lâm, permettant l’établissement d’un lien de Lumière et menant à la Réalité de la prière. Allâh dit : « Oui, l’homme a été créé instable [très inquiet] : quand le malheur le touche, il est abattu ; et quand le bonheur le touche, il est grand refuseur. Excepté les prieurs (al-moussalloûn) : ceux qui sont perpétuellement en prière*» [s70.v19/23].
*C’est-à-dire ceux dont la prière (dans le sens le lien = la Lumière) est ininterrompue. Il ne s’agit donc pas de gens qui font des génuflexions 24h sur 24, mais plutôt de gens dont le lien (la vision de la Lumière) avec leur Seigneur n’est jamais rompu.
Voir en ce sens les extraits de tafsir en bas de l’article. [1]
Aujourd’hui, on retrouve un peu partout des livrets et des affiches enjoignant au dhikr après la prière et dans tous les moments de la journée… mais parmi ces adhkâr proposés, jamais nous ne sommes conviés à adresser nos prières à la meilleure des créatures (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam). Pire, les musulmans sont petit à petit poussés à rejeter tout intermédiaire (toute Wassita) entre eux et leur Seigneur, sous prétexte que cela constituerait de l’associationnisme (shirk)… alors qu’en réalité, le véritable shirk serait plutôt de se considérer être capable d’atteindre la Connaissance d’Allâh par un autre moyen que celui qu’Il a Lui-même instauré pour Ses créatures… Allâh a pourtant créé l’homme de sorte que dans chacune des étapes de son apprentissage, tout au long de sa vie, il ait besoin d’un intermédiaire : lorsqu’il est enfant, sa mère lui apprend à parler… puis lorsqu’il grandit, son père lui apprend à prier… puis il va à l’école, où son instituteur lui apprend à lire… puis il va étudier auprès de professeurs qui lui enseignent des matières différentes selon son orientation… et ainsi de suite. L’être humain ne nait pas savant de toute chose, et son apprentissage ne se fait pas comme ça, tout seul… Comment peut-on donc penser sérieusement qu’il puisse ne pas en être ainsi avec la religion, avec la purification de nos intérieurs et avec l’établissement d’un lien concret avec notre Créateur : la raison même de notre existence !
Le Prophète bien-aimé (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) n’a-t-il pas lui-même reçu l’enseignement divin par l’intermédiaire de sayidina Jibril (‘alayhi s-salam) … ?
Ceux qui prétendent pouvoir arriver à leur Seigneur sans intermédiaire (sans Shaykh), ne prétendent-ils pas par là même être meilleurs que le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) ?
[1] Allâh dit : « Oui, l’homme a été créé instable [très inquiet] : quand le malheur le touche, il est abattu ; et quand le bonheur le touche, il est grand refuseur. Excepté les prieurs (al-moussalloûn) : ceux qui sont perpétuellement en prière*» [s70.v19/23].
Sayiduna Ahmad ibn ‘Ajiba (quddisa sirruh) dit dans son tafsir de ce verset :
« La nature humaine est ainsi faite qu’il a tendance à se laisser abattre et à s’affliger, ce qui est dû à un dépouillement intérieur de toute Lumière… excepté les gens qui s’en remettent entièrement à Lui, qui sont ceux à qui Allâh a fait grâce du compagnonnage des gens qu’Il a rendu riches par Lui et qu’Il mentionne en ces termes : « ceux qui sont perpétuellement en prière ». Il s’agit là de la prière des cœurs, qui consiste en le fait d’être continuellement en Présence du Vrai. Cela se réalise lorsque toutes les pensées se noient dans les Secrets du Tawhîd, et il s’agit là du degré spirituel de l’annihilation dans l’Essence. Ces gens-là sont donc ceux dont les intérieurs furent purifiés de cette instabilité de la nature humaine grâce à ce que leurs cœurs purent atteindre en degré de pureté de la certitude (yaqîn). Quant à celui qui n’a pas atteint cet état-là, sache que son for intérieur n’est pas entièrement débarrassé de toute forme d’instabilité et qu’il continue d’espérer quelque chose de ce bas-monde, quel que soit le degré de science ou l’élévation qu’il ait atteint. On demanda un jour si les cœurs prient… oui, ils prient ! Et lorsque le cœur se prosterne, il le fait d’une prosternation dont il ne relève jamais plus. Comment cela se produit-il ? Lorsque les Lumières viennent se confronter au cœur (c’est-à-dire aux illusions qui l’habitent, et les anéantissent), il succombe à elles pour l’éternité. » [tafsîr al-bahr al-madîd fi tafsîr al-Qor’ân al-Majîd – ibn ‘Ajiba].
A propos du même verset, sayiduna ibn ‘Arabi (quddisa sirruh) dit : « « excepté les prieurs » ce verset traite de l’homme en général, dans sa nature première, méprisable et abjecte… à l’exception de ceux qui ont combattu en Allâh (contre leurs égos), qui se sont dépouillés de toute parure et de toute caractéristique propre à la nafs. Ils sont les personnes aux degrés spirituels réalisés, les gens de la contemplation de l’Essence divine : « ceux qui sont perpétuellement en prière » : la mouchâhada (contemplation à l’état d’éveil) est la prière de l’esprit. Ils sont donc les gens qui, par une contemplation perpétuelle, ont totalement et définitivement abandonné leur nafs et ses caractéristiques, ainsi que tout autre que le Contemplé. » [tafsîr al-Qor’ân – ibn ‘Arabi].