بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

Question 1 : Pourquoi ces gens accusent-ils le Shaykh Educateur d’être un sorcier ? Est-ce qu’effectivement la Tariqa Karkariya a un lien quelconque avec la sorcellerie ?
Question 3 : Est-ce que les Talâsim, les Awfâq et les noms non-arabe entrent dans le domaine de la sorcellerie ? Est-ce que la Science des lettres est considérée comme faisant partie des sciences diaboliques ?

Qu’est-ce que la sorcellerie ? Quel est le statut du sorcier selon la Noble Chari’a, et quel est le statut de celui qui accuse faussement et sans preuve son frère de sorcellerie ?

Al-Azhariy dit : « La sorcellerie est un acte par lequel on se rapproche du Shaytân, en recourant à ses services. Voilà ce qui détermine véritablement la sorcellerie. Entre dans le domaine de la sorcellerie le détournement des yeux afin de faire croire à l’individu que les choses sont telles qu’il les voit, alors que la réalité est différente. Fondamentalement, la sorcellerie consiste en le fait de détourner la considération que l’on a de la réalité d’une chose. Le sorcier a pour rôle de faire voir le faux dans l’apparence du vrai, et de donner l’illusion aux gens que la chose est ce qu’elle n’est pas réellement. On dit ainsi qu’on a « sahara » la chose de sa véritable conception, c’est-à-dire qu’on a détourné cette conception de la chose vers une toute autre… » [لسان العرب ص 348 / 3]

Le sorcier ne parvient à maîtriser sa discipline que par l’établissement d’un pacte avec le Shaytân, un accord qui consiste en une obéissance totale à ce dernier, à prier dans la direction opposée de la Qibla et en état de janâba, et à faire toute sorte d’actes atteignant aux choses sacrées de la religion. Et si le sorcier venait à contredire le Shaytân par une prière dédiée à Allâh, ou par l’évocation de Son Nom, ou par la récitation du Coran… alors sa sorcellerie serait annulée et il perdrait le soutien et l’appui de tous ses Shayâtin.

La sorcellerie se divise en deux catégories :

  • L’associationnisme (chirk), qui consiste en le fait d’adorer les Shayâtin et commettre des actes en vue de se rapprocher d’eux, afin qu’à leur tour ils exercent leur influence sur la victime à ensorceler.
  • La perversion, qui résulte de l’usage de potions, de remèdes et autres.

A partir de cette division, nous aboutissons à un point important : le sorcier commet-il oui ou non un acte d’apostasie (koufr) ?

En cela les gens de science ont divergé. Certains ont affirmé que oui, tandis que d’autres ont défendu le contraire. Cela dit, par la répartition en deux catégories des différents types de sorcellerie, nous voyons s’éclairer le statut juridique de cette question. Effectivement, celui qui accomplit du sihr par l’intermédiaire de Shayâtin, celui-là commet du koufr, car cela ne peut généralement être mené à bien que par l’associationnisme (chirk), en vertu de la Parole divine : « Et ils suivirent ce que les diables racontent contre le règne de Sulayman. Or Sulayman n’a jamais apostasié (kafara), mais plutôt ce furent les diables : ils enseignent aux gens la sorcellerie ainsi que ce qui est descendu aux deux anges Hârout et Mârout, à Babylone. Ceux-ci n’enseignaient jamais rien à personne sans les mettre en garde : « Nous ne sommes rien qu’une tentation, ne sois pas mécréant ! ». Ils apprennent auprès d’eux ce qui sème la désunion entre l’homme et son épouse. Or ils ne sont capables de nuire à personne qu’avec la Permission d’Allâh. Les gens apprennent ce qui leur nuit et ne leur est pas profitable. Et ils savent, très certainement, que celui qui accomplit cela n’aura aucune part dans l’au-delà. » [s2.v102].
Quant au sorcier qui recourt aux remèdes, potions et autres, celui-là ne commet pas d’apostasie, mais plutôt il est à considérer comme un pécheur outrepassant les limites d’Allâh.

De là, il nous parait évident que celui qui accusera, de manière mensongère et sans aucune preuve, son frère musulman de s’adonner à la sorcellerie, il aura par là-même ouvert une grande porte à l’injustice… car accuser autrui de sorcellerie, c’est en réalité l’accuser d’avoir apostasié, or il est rapporté par un Hadîth authentique que le Prophète ﷺ a dit : « Lorsqu’un homme déclare mécréant son frère, cette accusation vaut obligatoirement pour l’un des deux ». Et dans une autre version : « Tout homme disant à son frère : « ô mécréant ! », ceci vaudra pour l’un des deux hommes. Il se peut que ce soit comme il ait dit, et dans le cas contraire l’accusation lui revient ». Et dans un autre Hadîth : « N’est pas des nôtres celui qui prétend avoir ce qu’il n’a pas, et qu’il attende son emplacement dans l’Enfer. Quant à celui qui accusera un homme d’apostat, ou qui dira « ennemi d’Allâh » alors qu’il n’en est rien, cette accusation lui reviendra ». Que chacun surveille donc sa langue et évite de se charger de regrets inutiles au Jour où les regrets ne sont plus d’aucun secours. Que le serviteur craigne son Seigneur, car le Shaykh Abou Bakr ibn Fawrak (rahimahullâh) dit : « L’erreur qui, sur base de doute, fait entrer dans l’Islam mille mécréants, vaut mieux que l’erreur qui, toujours sur base de doute, déclare un musulman comme sorti de l’Islam. ».

Al-Sihr n’est véritablement de la sorcellerie que si il entraîne un mal, un péché, ou bien si il est fait en s’en remettant à autre que Allâh ﷻ, c’est-à-dire à des Shayâtîn. Voilà pourquoi l’Imâm as-Shâfi’i (rahimahullâh) dit dans « al-Oumm » :
« al-Sihr est un nom réunissant des concepts divers. Il sera donc demandé au sorcier (sâhir) de décrire la sorcellerie qu’il utilise : si ce par quoi il ensorcelle contient des paroles d’apostasie claires, alors on l’invitera à se repentir, et s’il s’y refuse alors il sera exécuté et ses biens seront confisqués. Si au contraire la sorcellerie qu’il utilise ne contient pas de paroles d’apostasie (koufr), s’il n’est pas connu (pour ce qu’il fait) et s’il n’a par cela jamais fait de mal à personne, alors on lui interdira de pratiquer, et s’il y revient tout de même il sera réprimandé. En revanche si par ses pratiques il devait entraîner la mort de l’individu contre qui il agit, et s’il reconnaissait l’avoir fait intentionnellement, alors il devrait être exécuté, excepté dans le cas où les tuteurs de la victime accepteraient sa diyah (argent versé pour un meurtre). »

Quant à l’Imâm an-Nawawiy (rahimahullâh), il évoqua le statut juridique de as-Sihr de la manière suivante :
« Il se peut que as-Sihr soit du koufr, comme il se peut qu’il n’en soit pas, mais plutôt qu’il s’agisse d’un grand péché. Si (la sorcellerie) comprend une parole ou une action de mécréance, alors c’est de la mécréance, mais dans le cas contraire elle n’est pas considérée comme telle. Al-Mâwourdiy dit : « Les savants ont divergé sur la question de savoir jusqu’à quel point on pouvait imputer le mal commis à de la sorcellerie. Certains ont affirmé que les effets de la sorcellerie ne pouvaient pas aller au-delà de ce qui sépare un homme de sa femme, car c’est là ce que Allâh ﷻ a mentionné en décrivant quelque chose de grave et d’énorme. Or, si les effets de la sorcellerie avaient pu être plus graves que cela, cela aurait été mentionné (dans le verset concerné), car une hyperbole ne peut être donnée qu’avec le plus grand exemple qui puisse être.

Ils divergèrent (également) concernant le statut juridique de l’apprentissage du Sihr. La majorité opta pour l’interdiction de son apprentissage, cependant les Qâdiy Hussayn et Ibrâhîm al-Maroûziy ont dit : « Si son apprentissage comprend le délaissement de l’obéissance à Allâh ﷻ, alors ce n’est pas permis. Dans le cas contraire, si l’intention de cet apprentissage est de repousser la sorcellerie des gens à son encontre, alors c’est permis. Et si l’intention de cet apprentissage est de pouvoir à son tour ensorceler autrui, alors ce n’est pas permis. » ».

Il fut rapporté de Muhammad ibn Sîrîn qu’il questionna au sujet d’une femme subissant les méfaits de sorciers. Un homme répondit : « Trace un trait sur elle, puis plante un couteau sur le trait et récite le Coran ». Muhammad dit alors : « Je n’ai pas connaissance du fait que la récitation du Coran puisse être un mal contre quelque état que ce soit, et je n’ai pas connaissance de la fonction du trait ni du couteau »
Sa’îd ibn al-Moussayib dit à propos de l’homme qui consent à ce que sa femme soit touchée par celui qui la soigne : « Allâh a interdit ce qui nous nuit, mais Il n’a pas interdit ce qui nous est bénéfique. » Car selon le Hadîth : « Si tu es en mesure de bénéficier à ton frère, alors fais-le. »
[المغني ج/ ١٢ ص: ( ٣٠٥ – ٣٠٤)]

Ibn Mouflih dit :
« Concernant la possibilité du recours à la sorcellerie (sihr), l’Imâm Ahmad s’est abstenu (de l’autoriser), et il y a en cela deux cas de figure. Muhnâ l’a interrogé sur une femme ensorcelée qui viendrait et que le (raqi) la délivre par le sihr. A cela il répondit : « Il n’y a pas de mal ». C’est l’action en elle-même qui est détestable, mais elle ne comprend (dans ce cas-ci) aucun mal, comme l’a éclairci Muhnâ : il s’agit d’un cas de force majeure rendant permise sa pratique (du sihr).
Al-Mardâwiy dit dans son tashîh : Le fait de recourir au sihr pour guérir la personne ensorcelée est permis, contrairement à son deuxième cas d’utilisation qui ne l’est pas.
[ الفروع في الجزء العاشر ط: مؤسسة الرسالة ص: ٢٠٧، ٢٠٩  ]

Al-Qarâfiy distingua, entre ceux qui apprennent la sorcellerie (sihr) simplement dans le but de savoir ce que font les sorciers : ceux qui l’étudient simplement dans les livres, et ceux qui apprennent la sorcellerie par la pratique. Les premiers ne tombent pas dans le koufr, contrairement aux seconds car la pratique (de la sorcellerie) est du koufr.
[٣١ والفروق للقرافي / ٤٠٨]

Ibn Qudâma (rahimahullâh) dit :
« Concernant as-Sihr : si cela est fait avec du Coran ou bien avec un dhikr ou des jurements (aqsâm) et des paroles ne comprenant rien de mal, alors il n’y a aucun mal en cela. Et si cela comprend de la sorcellerie, alors l’Imâm Ahmad a traité cette question. »

Al-Athariy dit :
« J’ai entendu Abou ‘AbdAllâh être questionné au sujet d’un homme qui prétendait que la sorcellerie était licite. Il répondit : « Certains l’ont permis. » On lui demanda : « Il met de l’eau dans un plat en terre cuite, il se concentre dessus et fait telle et telle chose. » Il se mit alors à agiter sa main comme pour nier, et dit : « Je ne sais pas à quoi cela correspond ». On lui demanda : « Alors, peut-on aller auprès de cet homme qui recourt à de telles pratiques ? » Et il répéta : « Je ne sais pas à quoi cela correspond ».

Après tout ceci, le silence est sans aucun doute ce qu’il y a de préférable, car il est très facile de parler de ce qu’on veut comme on veut… mais il est en revanche beaucoup moins aisé de porter son fardeau au Jour du Jugement. Tu as pu voir comme les plus grands savants s’arrêtaient avec précaution, différenciaient et jugeaient de la sorcellerie (sihr) en la soumettant à la balance stricte et précise de la Chari’a, prenant le plus grand soin de ne pas risquer de se montrer injuste envers qui que ce soit. Et après cela, nous voyons des gens du commun venir et associer la Tariqa à toute sorte d’actes exécrables, et ce sans la moindre preuve ! Alors pourtant qu’elle est basée sur le stricte suivi de la Chari’a et ne s’en écarte, ni par les actes, ni par les états.