بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

La Lumière : Lune de la Charî’a
et Soleil de la Haqîqa

« C’est Lui qui a fait du Soleil une lueur (diyâ’) et de la Lune une Lumière (noûr), et Il en a déterminé les phases afin que vous puissiez déterminer le nombre des années et le calcul (du temps). Allâh n’a créé ceci qu’en toute Vérité. Il expose les signes pour les gens doués de savoir. » [1].

Le Soleil dans le vocabulaire de la Tariqa Karkariya :
Le Soleil apparent est la manifestation de la Charî’a Muhammadienne et des Lois Seigneuriales, tandis que le Soleil caché est la manifestation de l’éminence du degré de Qutb, anéantissant tout doute ou suspicion de la nafs : c’est le Signe des réalités divines, le symbole du Vrai, le Point du Secret, le disque de l’Esprit et le cercle de l’ésotérisme.

La Lune dans le vocabulaire de la Tariqa Karkariya :
Il s’agit de l’exemple donné dans le monde allégorique, la vision concrètement réalisée de l’Unicité divine, par les Lumières de la Seigneurie et par la réalité de l’âme humaine.

La quintessence du verset :
Gloire à Celui qui qui fit du Soleil de la Seigneurie une manifestation concrète des degrés de la divinité se révélant aux créatures dans le ciel du monde créé. Sa lueur (diyâ’) se reflète sur les lunes de la servitude, dont les Lumières (noûr) sont des aspects découlant des caractères de l’Attribut de Miséricorde. Ceci afin que nous puissions déterminer le nombre des dents [2] des degrés spirituels ainsi que le calcul des emplacements de leurs stations (maqâm).

L’Esprit de l’Ordre divin est un Soleil illuminant, et c’est de ce dernier que la Lune du cœur puise sa Lumière. Ce cœur se retourne entre deux des doigts du Miséricordieux [3], c’est-à-dire entre les voiles de Lumière et de ténèbres, entre la terreur de Sa Majesté (Jalâl) et l’extase de Sa Beauté (Jamâl), entre la nuit de l’étreinte (qabd) et le jour du relâchement (bast), entre les différentes phases et les différents degrés de la contemplation et du dévoilement, entre les subtilités cachées des Secrets et des théophanies… jusqu’à ce que le cheminant distingue l’Origine de la ramification, ou différencie avec certitude la branche de son ombre… jusqu’à ce qu’apparaissent les degrés des différentes stations, ainsi que les spécificités théophaniques.

Al-Baqilliy dit :
« Il fit du Soleil de l’Essence une lueur (diyâ’) pour les esprits Connaissant, et c’est par ce Soleil que leurs yeux purent percevoir les réalités incréées. Et Il fit de la Lune des Attributs une Lumière pour le cœur des amoureux, de sorte qu’ils purent par elle regarder les perfections des caractéristiques de la Beauté (Jamâl) et de la Majesté (Jalâl). Les esprits furent ainsi anéantis par leur lien avec l’Essence, en l’Essence elle-même, tandis que les cœurs demeurèrent par et pour la contemplation (mouchâhada) des Attributs à leur source même. Le Soleil de l’Essence n’est jamais occulté de la vision des esprits, et c’est bien pour cela qu’ils purent le voir, sans que jamais il ne leur soit caché : tel est le degré du Tawhîd et de la ma’rifa. Quant à la Lune des Attributs, elle se révèle aux cœurs dans leurs instants de facilité (bast), puis elle leur est occultée en période d’étreinte (qabd). Voilà pourquoi ces cœurs sont et demeurent dans un état de changement et de retournement incessant, dans les Lumières des Attributs. Et de même que la luminosité de la Lune varie en fonction de la part de rayons du Soleil qui lui parvient, l’état des cœurs varie à la mesure de ce par quoi la Lune des Attributs se révèle aux cœurs des amoureux, c’est-à-dire à la mesure de la phase du jour. Ceci permet la manifestation des différents états spirituels, le calcul ou la détermination des différents Souffles divins, qui ne peuvent être perçus que par la réunion à la fois de toute l’aspiration spirituelle du cheminant, de son plus pur état amoureux, et l’englobement de toutes les théophanies parvenant aux yeux. C’est bien à cela que renvoie Sa Parole : « afin que vous puissiez déterminer le nombre des années et le calcul ».
Certains ont dit que les Soleils étaient de plusieurs types : ainsi, la lueur du Soleil de la ma’rifa se révèle aux membres (du corps) et les embelli par les œuvres pieuses. Quant aux Lunes de l’intimité divine, elles sanctifient les Secrets par la Lumière de l’Unicité (wahdâniya) et de la Singularité (fardâniya), les faisant ainsi accéder aux degrés du Tawhîd et du Tafrîd.
Cependant certains autres désignèrent le Soleil de l’approbation divine comme étant la lueur des actes d’obéissance accomplis par les serviteurs, tandis que la Lune du Tawhîd serait la Lumière de leurs Secrets… de sorte qu’ainsi, l’état des cheminant change et se retourne, tantôt dans les lueurs des actes d’obéissance, tantôt dans la Lumière du Tawhîd, et ce jusqu’à parvenir aux stations des Véridiques (qui ne change plus et demeure stable) » [4].


[1] Sourate Yoûnus, verset 5.
[2] Dans ce verset le mot employé est « sinîn », qui est ici renvoyé au singulier du mot dent (sinn), lesquelles au nombre de 28 reconstituent les 28 phases de la Lune dans le mois.
[3] Référence au Hadîth : « Certes les cœurs sont entre deux des doigts d’Allâh, Il les fait tourner comme Il le veut » [Sunan at-Tirmidhi].
[4] ‘Ara’is al-bayan fi tafsir al-Qor’an – al-Baqilliy – tome 2 page 67.