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Lumière et ténèbres : le Secret des opposés

« Louange à Allâh qui a créé les cieux et la terre, et établi les ténèbres et la Lumière. Pourtant, les mécréants donnent des égaux à leur Seigneur. » [1].

Al-Baydâwiy (rahimahullâh) dit dans son tafsîr :
« Il ﷻ nous informe ici qu’Il est Celui qui est en droit de recevoir les louanges, qu’Il mérite pour Ses immenses bienfaits, soit-Il effectivement loué ou non… constituant ainsi une preuve contre ceux qui donnent des égaux à leur Seigneur. Puis Il a indiqué la réunion des cieux, contrairement à la terre (qui fut mentionnée au singulier), bien qu’elle soit elle aussi composée de différents degrés, et ceci en raison du fait que ce qui constitue et anime ses couches est différent de ce qui est propre aux cieux. Il fit précéder la mention des cieux à celle de la terre en raison de leur noblesse et de l’élévation à laquelle ils renvoient, et aussi par le fait qu’ils aient été créés (khalaqa) avant elle. « et établi (ja’ala) les ténèbres et la Lumière ». La différence (dans ce verset) entre le mot créer (khalaqa) et établir (ja’ala) qui renvoient ici au même sujet, c’est que le verbe « khalaqa » comprend une notion de contingence [2], tandis que « ja’ala » renvoie à ce qui englobe et est par nature. » [3].

Allâh ﷻ S’est loué Lui-même par Lui-même, de par Sa connaissance du fait que les créatures seraient incapables de Le louer comme Il le méritait. Il dit ainsi « Louange à Allâh » car Sa Louange est incréée et prééternelle, et Celui qui est incréé ne saurait être loué que par ce qui est incréé. Ce sont donc les Attributs et les Noms qui ont loué l’Essence divine, en faisant apparaître les théophanies de Beauté (Jamâl) et de Majesté (Jalâl), ainsi que les manifestations de Perfection et d’Autosuffisance du divin.

La quintessence du verset :
Parmi les sens concrétisés de Sa Louange ﷻ, se trouve la création des opposés. Il créa ainsi les cieux et la terre : les cieux des droits divins et la terre de la part réservée à la nafs. Les cieux que sont les voiles de Lumière, et la terre que sont les voiles de ténèbres. Les cieux du monde inconnu (ghayb), et la terre du monde des doutes (rayb). Les cieux d’où se lèvent les Lumières, et la terre de laquelle découlent les illusions… Et Il apparaît ﷻ entre les opposés deux à deux, Se manifestant entre les incompatibles, et ce de manière à ce que tu saches qu’effectivement : « rien ne Lui ressemble » [4].
Dans le tafsîr de l’Imâm at-Tabariy ainsi que dans al-Fath al-Qadîr de l’Imâm al-Chawkâniy (rahimahumallâh), au sujet du verset « Entre eux Son Ordre descend » [5] : « Ibn ‘Abbâs (radiAllâhu ‘anhuma) répondit un jour à un homme qui le questionnait sur ce verset « Qu’est-ce qui te garantit du fait que si je t’informe à son sujet, tu ne vas pas apostasier ? ».
Dis-moi donc, par Allâh, comment pourrais-tu Connaître le Vrai alors que tu n’es que ténèbres entassées les unes sur les autres ? Tu prétends à la ma’rifa et tu avances l’éminence de ton degré spirituel… alors que tu es endormi, tu ne t’es même pas encore réveillé. Tu n’as même pas pris conscience de ton sommeil d’insouciance. Tu t’attribues à toi-même l’action et ses résultats, le mouvement et l’immobilité, ainsi que la capacité d’agir… Tu es insouciant, insouciant, insouciant !

Tu as besoin d’une Lumière par laquelle t’apparaîtront les ténèbres de ton être : c’est de cette manière que tu pourras connaître les opposés. Et jamais tu ne pourras connaître la réalité ténébreuse de ta nafs sans que la Lumière de l’Esprit divin n’ait préalablement été insufflée en toi. Allâh ﷻ dit : « Quand Je l’aurais formé et lui aurai insufflé de Mon Esprit, jetez-vous devant lui, prosternés. » [6]. Ici les gens percevant les réalités profondes noteront la subtilité de l’emploi respectif de « créer / khalaqa » et de « établir / ja’ala« . Le verbe créer renvoie dans le Coran aux cieux et à la terre, tandis que le verbe établir concerne la Lumière et les ténèbres. Le secret de cette subtilité est lié au fait que la Lumière et les ténèbres relèvent tous deux du monde des sens profonds, raison pour laquelle la Parole divine décrit la spiritualité Adamienne en ces termes : « Lorsque ton Seigneur confia aux anges : « Je vais établir (ja’ala) sur la terre un vicaire. » » [7]. Tandis que sa constitution à partir de terre fut évoquée en ces termes : « Pour Allâh, Jésus est comme Adam qu’Il créa (khalaqa) de poussière, puis Il lui dit : « Sois », et il fut. » [8]. Ainsi donc, l’établissement concerne le domaine de l’esprit, tandis que la création concerne celui des formes physiques, comprends cela.
Par conséquent, celui dont la Lumière du Malakoûte prendra la dessus sur son être sera prédisposé à recevoir l’appel du Vrai par la langue de la risâla, et il sera alors véritablement croyant en l’inconnu (ghayb). Quant à celui dont les ténèbres auront pris le dessus sur lui-même, ses caractéristiques sont celles du Tâghoût, des caractéristiques animales, se refusant aux Lois établies par la risâla et reniant l’inconnu (ghayb).

Al-Baqilliy (qaddasAllâhu sirrahu) dit dans son tafsîr :
« « et Il a établi la Lumière et les ténèbres », il s’agit ici de Celui qui a créé l’esprit et le cœur : il a placé dans l’esprit la Lumière de l’intellect, de la gnose, ainsi que les signes et les gages. Et Il a établi dans le cœur les ténèbres de la nafs qui enjoint au mal, afin que par les épreuves apparaisse la condition de servitude. Il a par ailleurs ancré dans le cœur la Lumière de la Foi (Imân) découlant du flambeau du monde inconnu (ghayb), tandis qu’Il a ancré dans la nafs les ténèbres des passions charnelles issues du monde du scepticisme [9] (rayb). De même, la Lumière de l’esprit est par la Lumière de la vision (mouchâhada), et Il immergea le cœur dans les ténèbres de l’effort religieux (moujâhada).
Certains ont dit que les ténèbres se trouvent dans les formes physiques, tandis que la Lumière se trouve dans les esprits.
D’autres ont dit qu’Il établit les ténèbres que constituent les œuvres des membres d’une part, et d’autre part la Lumière des différents états du cœur.
Al-Wâssitiy fut questionné au sujet de la sagesse se trouvant dans l’apparition du monde et Sa Parole : « Il a créé les cieux et la terre », ce à quoi il répondit : Il n’a pas besoin du monde, parce que la perte du monde, c’est Son Apparition, et son apparition (du monde à la créature) est Sa perte. Et si l’on dit qu’il s’agit ici de faire apparaître la Seigneurie, il sera répondu que Sa Seigneurie était apparente et qu’elle n’est jamais apparue à autre qu’à Lui-même, car nul n’a la capacité de faire apparaître Sa Seigneurie : plutôt, c’est Lui qui fit apparaître le monde et qui voila le monde par le monde lui-même, afin que la Seigneurie n’apparaisse à personne. La Sagesse divine ne peut être cernée que par le Vrai Lui-même.
Quelqu’un d’autre fut questionné en ces termes : « quelle est la Sagesse se trouvant dans l’apparition du monde ? » Ce à quoi il répondit : c’est dans le but d’ôter la causalité, et lorsque la causalité est ôtée, apparaît la Sagesse par l’apparition du monde. Allâh ﷻ était décrit par le Savoir prééternel, et dans Son Savoir figurait l’état du monde tel qu’il est. Il fit donc apparaître ce monde en parfaite conformité avec l’antériorité de Son Savoir et de Sa Volonté, précédant tous deux l’entrée en existence du monde lui-même. Et comment ce monde n’apparaitrait-il pas, alors que le Savoir et la Volonté liés à lui le précèdent de toute éternité, avant même qu’il ne soit ? Au contraire, le fait qu’il demeure dans l’inexistence est impossible.
Par ailleurs, de Son Essence ﷻ découlent Ses Attributs, et de Ses Attributs découlent Ses Actes. La quintessence de l’Essence est donc apparue au travers des Attributs, et la quintessence des Attributs au travers des Actes. Sa Toute-Puissance était ainsi à la fois transcendante et porteuse des Actes, qu’elle concrétisa d’une matérialisation incréée dans un temps bien déterminé : « le jour où Il créa les cieux et la terre ».
Par ailleurs, Il est prééternellement Aspirant vers ceux qui aspirent à Lui, Désirant de ceux qui Le désirent, et ce afin qu’apparaissent les trésors de la Majesté de l’Essence, ainsi que la Beauté des Attributs, au travers de la gnose réservée à Ses bien-aimés. « J’étais un trésor caché, et J’ai Aimé Me faire Connaître ». La cause de l’apparition du monde est donc la concrétisation des Beautés théophaniques dont jouissent les désirants de Lui, ainsi que l’Amour prééternel par lequel Il Aima les aimants. » [10].


[1] Sourate al-An’âm, verset 1.
[2] Contingence : éventualité, possibilité qu’une chose se produise ou non.
[3] Tafsîr anwâr at-tanzîl wa asrâr at-ta’wîl, al-Baydâwiy, tome 1 page 477.
[4] Sourate al-Choûra, verset 11.
[5] Sourate at-Talâq, verset 12.
[6] Sourate Sâd, verset 72.
[7] Sourate al-Baqara, verset 30.
[8] Sourate Âlu ‘Imrân, verset 59.
[9] Scepticisme : attitude de doute en matière religieuse, incrédulité.
[10] ‘Ara’is al-bayan fi tafsir al-Qor’an, al-Baqilliy, tome 1 page 344/345.