l'Authenticité du serment d’allégeance

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و على اله و اصحابه أجمعين

l’Authenticité du serment d’allégeance
(la bay’a)

Nous allons tenter dans ce modeste article d’aborder la question de la bay’a, pacte ou encore appelé « serment d’allégeance ». Ce sujet est fort peu connu de l’ensemble de la oummah et son importance est, à tord, sous-estimée.

Afin de replacer l’importance de la bay’a pour le musulman, nous pouvons citer ce hadith du Prophète (sallAllahu ‘alayhi wa sallam) plus qu’explicite :

« Toute personne mourant sans avoir contracté de Pacte (bay’a) meurt d’une mort de la période pré-islamique (jâhiliya) » [Rapporté par Muslim (1851)]

Ces paroles suffisent à elles même pour démontrer l’importance de la bay’a dans la vie du musulman. Il est d’ailleurs étonnant de voir à quel point ce devoir est négligé par une majorité de la oummah et au contraire, constitue un fondement chez les gens du taçawwuf.

Il est d’abord légitime de se demander pourquoi une telle importance est placée dans la bay’a. Et ensuite, se demander quelles sont les caractéristiques qui constituent le pacte authentique. En effet, il va de soit que si le Prophète (sallAllahu ‘alayhi wa sallam) nous avertit d’une telle importance de ce pacte, il (sws) nous avertit également de la manière de reconnaître le pacte authentique.

Tout d’abord, pourquoi la bay’a est-elle si importante ?

Pour répondre à cette question, nous devons nous référer au Coran dans lequel Allah ta’ala dit: « Ceux qui te prêtent serment d’allégeance ne font que prêter serment à Allah : la main d’Allah est au-dessus de leurs mains. Quiconque viole le serment, ne le viole qu’à son propre détriment; et quiconque remplit son engagement envers Allah, Il lui apportera bientôt une énorme récompense. » [s48.v10].

Arrêtons-nous quelques instants sur ce verset… Tout d’abord, le verset ne fait pas mention du Prophète (sallAllahu ‘alayhi wa sallam) afin de bien souligner sa complète intemporalité. Ensuite, ce verset montre le poids de ce pacte dans la balance, celui qui prendra le pacte, le prendra directement avec Allah.

Mais comment se fait-il que le pacte contracté avec une personne puisse être un pacte contracté avec Allah?

Pour comprendre cela, nous devons nous nous référencer au hadith du Waliy. Ce Hadîth d’une importance extrême a été choisi par l’Imâm an-Nawawiy (rahimahuLlâh) dans son recueil des 40 Hadîth regroupant les fondements essentiels de la religion, de même que l’Imâm ach-Chawkâniy (rahimahuLlâh) y a consacré un livre qu’il a appelé «qatru l-waliy bicharhi hadîthi l-waliy», ainsi que l’Imâm as-Suyoûtiy (rahimahuLlâh) dans son livre «al-qawlu l-jaliy fî hadîthi l-waliy».

La partie du hadith qui nous intéresse pour comprendre le verset est celle-ci : « (…) . Et Mon serviteur ne cessera de se rapprocher de Moi par les actes surérogatoires jusqu’à ce que Je l’aime; et, lorsque Je l’aime, Je serais son ouïe avec laquelle il entend, sa vue avec laquelle il voit, sa main avec laquelle il saisit et son pied avec lequel il marche. (…) » [Sahîh al-Bukhâriy].

Après la lecture de ceci, il devient plus clair sur la manière dont il est possible de passer une pacte avec homme et, en même temps, passer un pacte avec Allah ta’ala. Le waliy étant celui qui a été rapproché au point que Allah est devenu son ouïe avec laquelle il entend, sa vue avec laquelle il voit, sa main avec laquelle il saisit et son pied avec lequel il marche.

Il est évident que notre Bien-aimé Prophète (sallAllahu ‘alayhi wa sallam) avait atteint ce degrés car tous Prophètes est nécessairement un Saint (Waliy), l’inverse n’étant pas toujours vrai… Ce degré de notre Prophète Muhammad (sallAllahu ‘alayhi wa sallam) est décrit notamment dans le Coran lorsque Allah dit : « (…) Et lorsque tu lançais, ce n’est pas toi qui lançais : mais c’est Allah qui lançait (…) » [S8 V17].

En d’autres termes, la bay’a, le pacte sera passé avec Allah que si cet homme est un Waliy complètement réalisé selon le hadith précité. Si le shaykh en question n’est pas un waliy, il ne s’agira que d’un pacte avec un homme comme un autre et en aucun cas on pourra le considérer comme un pacte passé avec Allah.

Ce que nous venons d’exposé est aussi confirmé dans le Coran au mot près lorsque Allah dit : « Allah est le waliy de ceux qui ont la foi: Il les fait sortir des ténèbres à la Lumière. » [sourate al-Baqara, verset 257].

Et le verset en arabe dit ceci: « اللّهُ وَلِيُّ » ou  » Allāhu Walīy ». Il n’y a pas de mot (voile) entre l’Ism  » Allah  » et le mot « Waliy » ce qui est une indication du rapprochement entre le Waliy et Allah comme il est aussi mentionné dans le hadith. Après ces quelques explications, il nous est plus facile de saisir l’importance de la bay’a et les conditions de la prise du pacte avec Allah ta’ala. Dans cette même lecture, nous pouvons plus facilement comprendre cette mise en garde d’Allah dans ce verset et ceci, bien sûr sans houloûl ni ittihâd (sans réunion ni unification ni mélange du Créateur avec Sa création!) : « Dis : « Qui est le Seigneur des cieux et de la terre ? » Réponds : « Allâh ! » Dis encore : « Prendrez-vous en dehors de Lui des awliya qui ne peuvent par eux-mêmes être ni utiles ni nuisibles ? ». Ajoute : « L’aveugle est-il pareil à celui qui voit? Ou bien, les ténèbres sont-elles pareilles à la Lumière ? » Ou se peut-il qu’ils prêtent à Dieu des associés capables de créer comme Lui, en sorte que, pour eux, leur création se confond avec la Sienne ? Dis : « Dieu est le Créateur de toute chose ; Il est l’Unique, le Dominateur suprême ! » [S13 V 16].

Dans ces deux versets, la caractéristique du Waliy sont clairement décrite : « Il les fait sortir des ténèbres à la Lumière ».

C’est suite à cela que nous pouvons aborder la deuxième question ; Quelles sont les caractéristiques qui constituent le pacte authentique ?

Pour cela nous devons, comme toujours nous référer au Coran, dans lequel Allah ta’ala dit: « Allah a très certainement agréé les croyants quand ils t’ont prêté le serment d’allégeance sous l’arbre. Il a su ce qu’il y avait dans leurs cœurs, et a fait descendre sur eux la quiétude, et Il les a récompensés par un Fath proche » [Sourate al Fath, verset 18].

Nous voyons dans ce verset que l’agrément du pacte des croyants par Allah sous l’Arbre de la silsila est conjoint à la descente de as sakina dans le cœur et d’un « Fath proche (rapide) ». Le Fath est décrit par notre Prophète Bien-aimé (sallAllahu ‘alayhi wa sallam) dans ce hadith : « On demanda au Prophète (‘alayhis salatu was salam) « comment la poitrine s’ouvre t-elle à l’Islam ? » Il dit: « Quand la Lumière entre dans le cœur, la poitrine s’élargit et s’ouvre (infataha!) » On demanda « est ce qu’il y a un signe pour reconnaître cela? » Il dit « ce signe est le languissement pour la demeure de l’éternité, le détournement de la demeure de l’illusion et la préparation pour rencontrer la mort avant la mort » [Rapporté par al Hakim dans son mustadrak, par al Bayhaqiy dans al asma’ was sifat avec une châine mursal].
Encore, ici nous voyons le lien qu’il y a entre Allah, Waliy, Lumière et le pacte. Ceci peut paraître étonnant au premier abord et on peut se demander pourquoi cette Lumière est récurrente lorsqu’il est question du Waliy et du pacte. La réponse à cela est tout simplement que cette Lumière est l’Iman elle-même, conformément aux paroles du Prophète (sws) : « L’Iman est une Lumière qu’Allâh place dans le cœur de Son serviteur croyant, cette Lumière augmente et diminue en fonction de l’accomplissement de bonnes œuvres » [rapporté par ibn ‘Abbâs].

La confirmation que ce pacte a bien été pris avec un Waliy sous l’Arbre de la silsila et donc, pris avec Allah, est la Vision de cette Lumière de l’Iman dont la description est faite dans le Coran (« (…) Sa Lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un (récipient de) cristal et celui-ci ressemble à un astre de grand éclat; son combustible vient d’un arbre béni (…) »). Il est à noter qu’il est fait aussi mention dans ce verset de l’Arbre comme pour bien signifier le lien qu’il y a entre les deux versets, pour ceux qui raisonnent…

On comprend à présent encore mieux l’importance de ce pacte. C’est par ce pacte que le musulman va recevoir l’Iman, le dépôt. Recevoir l’iman dans une poignée de main avec un Waliy, voilà le pacte authentique ! Ceci est clairement expliqué par le Prophète (‘alayhis salatu was salam) que le dépôt, al iman se transmet suite à la bay’a (au pacte) : « (…) L’homme dort d’un sommeil profond, et alors le dépôt est ôté de son cœur, laissant en celui-ci une trace semblable à une nuée. Puis il se rendort de nouveau, et cette trace lui est retirée, ne laissant plus qu’une marque qu’aurait faite une braise en tombant sur ta jambe, une sorte de cloque que tu crois proéminente bien qu’en vérité elle soit vide… Les gens se mettront alors à prendre des bay’a (engagements) les uns envers les autres, mais pratiquement aucun d’entre eux ne transmettra le dépôt. On dira alors : il y a à n’en pas douter dans la tribu untel un homme amîn (mot partageant la racine de amâna… c’est-à-dire donc un homme susceptible de transmettre le dépôt). Il sera dit à propos de cet homme : Comme il est sensé et connaissant de ce qu’il fait ! Qui est d’une honnêteté plus parfaite que lui ! Qui a supporté et patienté face à autant d’épreuves que lui ! … alors qu’il n’y a pas dans son cœur ne serait-ce qu’un seul atome de foi.(…) » [Rapporté par al-Boukhâriy et Mouslim].

En conclusion, nous pouvons dire que le pacte avec un Waliy est essentiel pour le musulman car celui-ci lui permettra d’atteindre le degré de l’Iman. En tant que musulman sincère, il devra se référer au Coran et à la Sunna pour déterminer les modalités du pacte authentique qui sont explicitées de manière détaillée comme nous venons de le montrer dans ce modeste article. Sans ces modalités remplies, il devra considérer ce pacte comme invalide et en aucun cas, il pourra le considérer comme un serment d’allégeance passé avec Allah.

Al-Wartajabiy (radiAllâhu ‘anhu) dit du verset « Ils veulent éteindre avec leurs bouches la Lumière d’Allah, alors qu’Allah ne veut que parachever Sa Lumière, quelque répulsion qu’en aient les mécréants » [s9.v32] : « Il fut dit de ce verset qu’il traitait de ceux qui s’en étaient remis à des êtres qui leur étaient semblables, et qui auraient demandé (la Connaissance) du Vrai par d’autres moyens que ceux qui étaient établis. Les Voies d’Allâh sont pourtant claires, pour ceux dont les yeux auront été fardés par la Lumière du tawfîq, et qui auront ainsi pu percevoir quelles étaient les Voies menant à la réalisation spirituelle (tahqîq).

Quant à celui qui aura été aveuglé de cela, il se verra rejeter de la Voie du Haqq et empruntera les voies de perdition des créatures. Ces gens là sont réprimandés et sermonnés pour leur ignorance des gens de la Haqîqa. Ils s’en remettent aux gens du suivi aveugle (taqlîd) et sont tombés loin des degrés des gens du Tawhîd. Tel est le statut de ceux qui suivent et imitent les adeptes du maquillage d’entre les gens de as-salous, ces gens qui se vêtissent des apparats de machaykh et de Connaissant spirituellement réalisés (‘arifin moutahaqqiqin).

Tel est le statut de ceux qui se placent derrière des gens que ce bas-monde réunit, ceux qui disent : « Nous sommes des fils de machaykh et nous sommes les dirigeants de la Tariqa ! »

Allâh fait en réalité rire le temps pour leur ignorance, eux qui s’imaginent que la Sainteté s’hérite par lien de parenté. A Allâh ne plaise que celui qui n’a jamais goûté à la saveur de l’Arrivée en Sa Présence (wisâl), étant donné que son cœur demeure accroché à autre que Lui, soit considéré du nombre des Saints ! »

Al-Juneyd (radiAllâhu ‘anhu) dit aussi à ce propos :

« Si Allâh veut un bien pour le mourid, Il le guide vers le compagnonnage des soufis et le met à l’abri du compagnonnage des gens qui étudient les livres.

Au sujet de ces derniers, s’ils se contentent de mettre en valeur leur statut (de savant) et consacrent leur temps à réunir les choses de ce bas monde, sans s’en remettre pleinement aux Saints ni chercher à faire s’écrouler leur réputation et leur renommée… cela serait suffisant pour eux comme malheur (dans l’au-delà).

Mais si en plus de cela ils se permettent de dénigrer les Connaissant (‘arifin) sincères, sachez qu’Allâh –ta’ala– dit à leur sujet : « Ils veulent éteindre avec leurs bouches la Lumière d’Allah, alors qu’Allah ne veut que parachever Sa Lumière, quelque répulsion qu’en aient les mécréants ».

Comment la poussière de leurs présomptions pourrait-elle éteindre les Lumières des Soleils des Attributs divins ? Des Lumières qui émanent du devant de leurs visages et de leurs joues rayonnantes. Leur fondement est solidement ancré dans le cosmos de l’Unicité et dans les cieux de la persistance par Lui.

Leur Lumière vient s’ajouter à la Lumière, parce que Allâh –ta’ala– est illimité, et que Ses Attributs le sont aussi. »

[al-bahr al-madid fi tafsir al-Qor’an al-majid – ibn ‘Ajiba]

C’est donc après avoir contracté le pacte authentique avec un Wlaiy d’Allah que la personne pourra prétendre avoir réalisé l’injonction d’Allah « Et suis le chemin de ceux qui reviennent à Moi » [sourate Luqmân, v15]. Ce retour dont il est question ici, désigne le retour vers Allâh et vers les Shouyoûkh de tarbiya Muhammadiya ayant atteint les plus nobles degrés de ce retour à Allâh par la sortie des ténèbres de l’égo et de ce qui n’est que néant pour revenir vers la Lumière originelle.

Qu’Allah nous maintienne dans l’Amour de Ses Awliya, qu’Il nous pardonne nos manquements et qu’Il nous sauve de nous-même.