بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

La Lumière selon Ibn ‘Arabi

Moheïddine Ibn ’Arabi (radiAllâhu ‘anhu) nous dit que la Risala que le Très-Haut agrée est celle de Muhammad (sallAllahu ‘alayhi sallam), de telle sorte que nul ne peut avoir accès à Son mystère que par l’intermédiaire du Prophète (sws) et par la Contemplation de sa forme :

« Ne m’accuse pas de limiter l’immensité de la Science ou de t’en dénier l’accès. Ce dont je veux t’empêcher, c’est de rechercher et de recevoir la Science des mystères divins autrement que dans la Forme Mohammadienne et par la Vision de cette Forme, dont l’excellence l’emporte sur tout autre Vision »

[Al-Futûhât al-Makkiyya]

Nous disons, cette Contemplation est la Vision de la Forme Lumineuse du Prophète (sws) autrement dit ; la Lumière Mohamadienne.

Pour appuyer ce que nous avançons, nous pouvons par exemple citer ces paroles de l’imam Ibn ‘Ajiba (radiAllâhu ‘anhu) à propos de la Vision du prophète (sallAllahu ‘alayhi wa sallam): « Toute personne ayant vu le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) en rêve fait partie de l’élite, toute personne l’ayant vu en état d’éveil dans son apparence charnelle fait partie de l’élite de l’élite. Et toute personne l’ayant vu en état d’éveil sous sa forme spirituelle Lumineuse fait partie de l’élite de l’élite de l’élite. »

Donc, ce que nous dit le Shaykh Ibn ‘Arabi est que l’accès aux mystères Divins et donc, à la Connaissance d’Allah (ma’rifa) n’est possible que par la contemplation de la Lumière Mohammadienne. Ceci est confirmé par cette autre parole du Shaykh :

« Quand tu gardes, quel que soit ton état, la conscience permanente du Dhikr d’Allâh en ton cœur, celui-ci se trouve assurément illuminé par la Lumière du dhikr, de sorte que celle-ci t’accorde le dévoilement (kashf), car par elle, les choses se dévoilent. »

[Al-Futûhât al-Makkiyya, Ibn ‘Arabi]

Cet objectif du cheminement qu’est la Contemplation de la Lumirère Mohammadienne et l’ouverture de la Vision intérieure (al Baçira), Mohammed ibn Tayyib ad-Darqawi, l’arrière-petit-fils de Mawlay al-‘Arbi ad-Darqawi (qaddas Allahu sirrahu), l’avait très bien compris. C’est ce que nous pouvons lire dans l’extrait de cette lettre qu’il a écrit au sujet de son choix de prendre le pacte avec Shaykh Ahmad al-‘Alawiy (radiAllâhu ‘anhu) :

« Ce que je constatais chez le Cheikh…me poussa à m’attacher à lui, dans le désir brûlant de réussir à ouvrir mon œil intérieur (al bacira), je lui demandais la permission d’invoquer le Nom Suprême (al-Ism al-‘Azam, dihikr par l’Ism « Allah »). Jusqu’alors je n’avais été qu’un membre commun de la confrérie, mais j’avais entendu dire que mes ancêtres considéraient la voie plus comme un moyen de réalisation directe que comme un simple rattachement à une chaîne spirituelle. Quand j’eus pratiqué l’invocation du Nom Suprême, selon les directives du Cheikh, peu de temps après, j’obtins la connaissance directe de Dieu (al-‘ilm al-laddûni)… »

[«al-Chahâïd wal-fatawi fima sahha ladl-oulama min amr al-Cheikh al-‘Alawi » de Mohammed ibn ‘abdalbâri al-Hûsni]

L’apparition de cette Lumière dans le ciel de la nafs étant un dévoilement en soi par la constatation de la proximité Divine. Cette Lumière étant la forme spirituelle du Prophète (sws), c’est donc par sa réalité Lumineuse que le cheminant obtient une connaissance réelle de son Seigneur. Une connaissance qui se situe en dehors de toutes spéculations de la raison mais qui est un témoignage « oculaire » via la baçira (Vision intérieure) de la proximité d’Allah.

C’est d’ailleurs en ce sens que l’auteur des Hikam, Sîdî ibn ‘Atâ Allâh as-Sakandariy (radiAllâhu ‘anhu), se réfère à ces degrés de la baçîra en disant :

« Les rayons lumineux de la basîra te font voir la Proximité entre toi et le Vrai, l’œil de la basîra te fait voir ton inexistence vis-à-vis de Son Être, et la réalité de la basîra te fait voir l’Existence du Vrai, sans que tu ne sois ni existent, ni néant : Allâh était alors que rien n’était avec Lui, et Il est à présent tel qu’Il a toujours été. » »

Il en va de même pour l’entièreté du Coran qui sera alors compris par ces mêmes témoignages… Ce que nous disons ici, c’est que la réception de secrets dont la Lumière de l’Esprit de notre Prophète (sallAllahu ‘alayhi wa sallam) permet la compréhension des secrets du Coran. Et ceci est conforme à la sunna, lorsqu’il fut demandé à notre mère Aicha (radiAllâhu ‘anha) de décrire le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), ce à quoi elle répondit: « C’était un Coran qui marche ».

A ce moment-là, le cheminant lorsqu’il abordera un passage de la Parole d’Allah, n’utilisera plus sa raison afin de comprendre ce qu’il s’y trouve mais obtiendra une compréhension directe. Et ce, pour la simple et bonne raison, que le passage coranique ne fera que décrire ce que le disciple a vécu par Contemplation.

Il est, de fait, inutile de souligner que toutes personnes n’ayant pas accès à la Contemplation de cette Lumière n’arrivera jamais à atteindre la connaissance Divine, comme nous le mentionne le Shaykh Ibn ‘Arabi dans la première parole que nous avons cité. Celui qui désirera accéder à la ma’rifa sans passer par Vision de la Lumière, ne voudra en fait que accéder à Allah sans passer par le Prophète (sallAllahu ‘alayhi wa sallam). Ce sont les gens de « la spéculation rationnelle », ils se refusent au suivi de la Wassita (l’intermédiaire menant à la ma’rifa) et pensent atteindre la compréhension des mystères par eux-même, en multipliant les lectures et les livres des gens de la Contemplation. Le Shaykh ibn ‘Arabi (ra) en parle en ces termes :

« Or « les mécréants d’entre les Gens du Livre… sont les pires créatures » (Cor. 98, 5). Sous le rapport qui nous intéresse ici, ces mécréants d’entre les Gens du Livre sont les « littéralistes » (ashâbu-r-rusûm) et la plupart des « gens de spéculation rationnelle » (ahlu-n-nazari-l-fikrî) d’entre les philosophes et les théologiens, qui reconnaissent une partie seulement de ce que les Saints d’Allâh (Awliyâ’uLlâh) apportent en conséquence de ce qu’ils ont réalisé en fait de stases spirituelles (mawâjîd) et de secrets (asrâr) qu’ils ont contemplés et trouvés.

Ce qui s’en accorde avec leurs propres opinions et connaissances, ces littéralistes et ces spéculatifs l’acceptent comme vrai et ce qui ne s’en accorde pas, ils le repoussent et le contestent, en déclarant: « Ceci est faux en raison de son désaccord avec notre preuve à nous! » »

Et le Shaykh ajoute :

« La voie de dévoilement et de contemplation n’admet pas qu’on contredise et réfute celui qui parle au nom de celle-ci. Un tel sacrilège se retourne contre le contestateur, alors que l’homme de réalisation reste heureux avec ce qu’il connaît. »

[Kitab al fana’ fi al muchahada, ibn ‘Arabi]

Ce dévoilement qui se fait via la Lumière Mohammadienne (sws) est celui dont le Prophète (sws) est passé lors du « Voyage nocturne » (L’isrâ’ , en arabe إسراء « voyage nocturne », venant du verbe سرى [sara’a], « voyager la nuit »). Cette Lumière permettant la vision du cœur les mystères divins et choses relevant domaine de l’inconnu (ghayb), « Le coeur n’a pas menti en ce qu’il a vu. Lui contestez-vous donc ce qu’il voit ? » [Sourata an Najm, versets 11-12].

Shaykh Ahmad al-‘Alawiy (qs) commente d’ailleurs ce verset en ces termes :

« Disputerez-vous, vous élèverez-vous contre lui au sujet de ce qui lui a été dévoilé de l’immensité et de la majesté [divines] ?

La vérité est [au contraire] dans l’absence de toute opposition de votre part concernant la vision directe (ru’ya) du Vrai (al-Haq) dont il vous a informés, parce que le cœur voit ce que l’œil (albaçar) ne voit pas. Qu’en serait-il alors s’il vous avait informé de la contemplation des Noms et des Attributs [divins] que son regard (baçar) a obtenue ? »

« Que celui qui le veut croie (yu’min) ; et que celui qui ne veut pas croire ne croît pas »

[Cheikh al-Alawî – La quintessence de la science contenue dans la sourate « l’Étoile »]

Il s’agit ici aussi de Vision direct de ce qui relève du domaine de l’inconnu et des mystères divins. Cela par l’intermédiaire de la Lumière Mohammadienne. Comprenons donc le sens de ce voyage que le Prophète (sws) a effectué au travers ces paroles du Shaykh Ibn ‘Arabi :

« D’une part le Coran, même s’il a été révélé dans la langue des Arabes, s’adresse à tous les hommes, ceux de langue arabe comme les autres; d’autre part la nuit est le moment le plus cher aux amants parce qu’ils s’y réunissent et que la rencontre seul-à-seul avec le bien-aimé se réalise la nuit.

Il fallait aussi que la vision des signes eût lieu grâce à des Lumières divines surnaturelles et inconnues des Arabes de l’époque, car la vue par sa propreLumière ne perçoit des choses visibles que l’obscurité et la lumière par laquelle elle découvre les choses. Il ne faut pas cependant que cetteLumière ne soit plus forte que la Lumière de la vue.

Si elle est plus forte, elle produit sur la Lumière du regard le même effet que l’obscurité. Il ne voit alors plus qu’elle, de même que la vue ne perçoit dans l’obscurité profonde que l’obscurité. Il faut une Lumière modérée pour que la vue perçoive la Lumière et les choses qu’elle lui montre.

Si l’ascension avait eu lieu de jour, la vision des signes n’aurait pas eu de sens pour celui qui entend ce récit, car ceci va de soi. C’est pourquoi le voyage eut lieu la nuit. » »

[Le dévoilement des effets du voyage, ibn ‘Arabi]

En tant que musulman et dont la recherche de Science est une obligation selon le hadith : « La recherche de la science est une obligation pour tout musulman » [Déclaré comme authentique par as Suyuti, as Sakhawiy et le hafiz al Ghumariy].

Il va de soi que la Connaissance de son Seigneur est l’obligation suprême du musulman. Celui donc qui cherche à se conformer à l’injonction du Prophète (sws) qui nous est faite dans ce hadith, devra en premier lieu rechercher cette Lumière qui lui permettra d’accéder aux secrets de la Divinité.

Certains de nos détracteurs nous avancent généralement l’argument selon lequel le cheminement vers Allah peut se passer de Vision… Que la Contemplation n’est pas à rechercher dans le cheminement mais Allah. Qu’en cherchant la Vision de la Lumière mohammadienne, nous cherchons des sensations fortes ! As staghfirullah…

Nous pouvons premièrement répondre de manière assez simple suite à cet exposé :

La recherche de la Vision du Prophète (sws) est indispensable pour atteindre Allah. Et donc, lorsque nous cherchons la Vision de la Lumière, nous ne cherchons rien d’autre que le Prophète. (sws). La voie blanche (al-Mahajjat ul-bayda’) qui nous mènera à Allah ta’ala.

Ensuite, en guise de conclusion de ce texte et afin de clore le débat à propos de ce sujet avec ces frères, voici les paroles de l’Imâm ‘Abd Ur Rahmân Ibn Khaldûn Al Hadramî (qu’Allâh l’augmente en degrés), à propos du cheminement :

« Le combat spirituel (al mujâhadah), la retraite spirituelle (al khalwah) et les litanies (adh dhikr) sont généralement suivis [chez les soufis] par le retrait du voile des sens (kashfu hijâb il hiss).

Le gnostique voit d’autres mondes, invisibles au commun des mortels. L’esprit (ar rûh) fait partie de ces mondes. Pourquoi faut-il que le voile se retire ? C’est parce que, lorsque l’esprit passe de la perception externe à l’interne, il prend le dessus et se renouvelle. La pratique des litanies rituelles est un moyen de faciliter ce processus : elle est comme un aliment pour la croissance de l’âme. L’esprit continue donc à se développer : il savait, maintenant il voit.

Le voile de la perception sensorielle s’écarte et l’âme accomplit son existence, essentielle, qui n’est autre que la perception. L’esprit est alors prêt à recevoir les dons divins, les sciences mystiques (al laduniyyah) et les bienfaits d’Allâh. »

[Al Muqaddimah de l’Imâm Ibn Khaldûn]

Wa Allahu ‘alam.

Qu’Allah nous pardonne nos manquements, nos erreurs, qu’Il nous sauve de nous-même, qu’Il fasse en sorte que nous ne nous préoccupons que de Lui et qu’il bénisse et sanctifie le secret de notre Shaykh Mohamed Faouzi al-Karkari.