بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين
Le jeûne : exotérique et ésotérique
L’islam n’a jamais été une religion qui s’occupe du côté extérieur de la pratique religieuse en délaissant son côté intérieur et spirituel. Aucune des lois de l’islam n’échappe à cette règle, porte t-elle sur les adorations ou sur les hudud ou mu’amalat. De ce fait, le jeûne ne saurait échapper à cette règle. Il contient une face extérieure que les savants du fiqh ont éclaircie. Mais il recèle aussi une face intérieure que seuls peuvent vivre les gens de la lumière et de la ma’rifah. Ces règles ont été édictées par Allah dans certains de ses versets à la profondeur étonnante.
Il dit « Quiconque d’entre vous voit le mois, qu’il le jeûne ! ». Cette parole est éloquente dans le sens où deux questions peuvent découler d’elle. La première est celle de la vision de la lune. En effet, Allah dit « quiconque d’entre vous voit ». Le verbe utilisé ici est shahada. Or, la shahadah n’est valable qu’avec la vision avec l’œil nu, et ceci est le sens véritable du verbe. L’utilisation de ce mot est une indication claire que la vision de la lune, qui marque l’entrée ou la sortie du Mois de Ramadan, doit se faire avec la vision oculaire. Ad Dusuqi a dit « On n’établira pas l’apparition du croissant par le biais d’un astronome, même si sa parole semble véridique, contrairement à ce qu’ont dit certains shafi’is et ceci parce que l’ordre a été donné de démentir leur calcul et que ce calcul ne fait pas partie des voies acceptées par la shari’ah ». Certains savants ont rapporté un consensus à ce sujet.
Mais en réalité, il n’y a pas de consensus sur cette question. Le seul consensus qui pourrait être évoqué est celui de l’exclusion du calcul astronomique ou de la parole de l’astronome seule pour établir l’entrée ou la sortie du mois. Effectivement, on ne trouve aucune divergence sur ce sujet entre les mujtahids sur quinze siècles. Le seul moyen d’établir l’entrée du mois de Ramadan est bel et bien la vision à l’œil nu. Un avis qui serait contraire à cela relève tout simplement de la fantaisie et de l’innovation. Peut-être que le consensus évoqué faisait référence à cette question, Allah est plus savant. En effet, les musulmans savent depuis le troisième siècle, et même avant, calculer avec précision les différences phases de la lune et ses apparitions et pourtant nul n’a jamais divergé sur l’exclusion du calcul astronomique seul pour déterminer l’entrée du mois. Le Qadi Sanad al Maliki a dit « et si le gouverneur du pays utilise le calcul astronomique et établit ainsi l’apparition de la lune, on ne le suivra pas à cause du consensus du salaf sur l’avis contraire ». La divergence qui s’est installée porte plutôt sur l’utilisation du calcul astronomique pour établir la possibilité de la vision ou pour exclure un témoignage improbable. Ceci est l’avis de l’imam as Subkiy qui nous semble un avis pertinent. La deuxième question porte sur l’étendue du témoignage. La vision par deux témoins oblige t-elle tous les musulmans du monde à jeûner ? Les savants ont divergé sur cela. La parole de chaykh Khalil « et il se généralise » est ambigüe et dans son sens apparent, signifie que la vision dans un pays impose à tous les musulmans de jeûner. Or, il n’en est pas ainsi, selon l’avis le plus solide. Le chaykh ‘Illish dit « Et il se généralise, c’est-à-dire, à toute personne qui aura été informé de la vision par deux personnes de confiance ou par un groupe important dans les autres pays, proches ou lointains, mais pas ceux qui sont très lointains. Selon Ibn ‘Arafah : les gens se sont mis d’accord sur le fait que la vision ne s’applique pas à une distance lointaine, comme ce qu’il y a entre l’Andalousie et le Khurasan, sans prendre en compte l’alignement de l’horizon ». Shihab ad Din al Qarafi a dit « Le principe de cette règle édictée fait qu’Allah s’adresse à chacun selon l’apparition de la lune dans son pays. L’apparition dans un autre pays ne le concerne pas, même si cette apparition est confirmée par des voies irréfutables. De même que la prière de Subh ne nous est pas obligatoire même si on est assuré que l’aube est déjà apparue sur les gens qui sont plus à l’Est ». En réalité, dans l’usage des gens, le musulman suivra plutôt la détermination qui saura cours selon le gouverneur de son pays, comme l’a dit ‘Abdul Malik.
Quant au sens profond de ce verset, il fait référence au jeûne des gens de la Lumière. En effet, le Mois de Ramadan est la fête des ‘arifin qui l’accueillent comme ils accueillent la mort. Le mot de Ramadan est tiré du verbe arabe « Ramada » qui signifie brûler. Le mois de Ramadan est donc le mois où le ‘arif brûle son ipséité, ou plutôt ce qu’il lui en reste, dans la Présence divine et la lumière de l’Essence. Il s’agit pour lui d’un moment où il se débarrasse des résidus de son nafs pour plonger dans les océans lumineux du Malakut. Ainsi, Allah l’a indiqué dans ce verset en disant « que celui d’entre vous qui voit le mois, qu’il le jeûne ! ». C’est-à-dire : celui d’entre qui a été doté de la vision de la lumière, et l’indication de la lumière ici n’est que le mot « mois » car le signe de l’entrée du mois est l’apparition de la lune, qui est la symbolique de la lumière qui brûle le cœur des amoureux. Donc, celui d’entre vous qui aura reçu la faveur de baigner son cœur dans cette lumière et qui peut la contempler, qu’il exécute le vrai jeûne qui se trouve être le fait de s’abstenir de toute parole, mouvement, pensée qui ne soit fait par autre que la Lumière d’Allah et n’a d’autre objectif qu’Allah lui-même. Le mot siyam signifie dans la langue le fait de s’abstenir, comme il est dit dans le noble verset « J’ai fait vœu à ar Rahman de jeuner et je ne parlerai à personne ce jour ». Cette abstention ne prend son sens que quand le cheminant brûle ses organes, ses sens, ses actes, non pas dans l’obéissance qui est le degré des gens du Khawwas, mais dans la contemplation permanente par la vision comme les gens de l’élite de l’élite. C’est à ce prix seulement que le vrai jeune prendra son sens, quand le faqir contemplera du lever au coucher du soleil la magnificence de son Seigneur par sa Lumière sublime. Quant à celui qui est « malade ou en voyage », c’est-à-dire, à qui il reste encore les vestiges de son nafs ou qui est sur la voie du cheminement pour arriver à la vision contemplative permanente, « son rattrapage sera pour d’autres jours » dans le sens où il devra faire l’effort, d’ici à la fête prochaine des ‘arifin, d’aiguiser sa contemplation et d’annihiler son nafs pour être de ceux qui pourront établir le vrai jeûne. Qu’Allah nous fasse de ceux là !
Mais seul celui qui a atteint le degré de la grande maîtrise et de l’annihilation totale peut rester dans cet état en permanence. Par miséricorde pour ceux qui n’ont pas atteint ce degré, Allah dit « il vous est permis la nuit du jeûne de cohabiter avec vos femmes », c’est-à-dire, une fois que le temps de l’observation totale dans la lumière d’Allah se sera écoulé, il sera permis au jeûneur de se laisser du répit et de donner libre cours aux désirs du nafs. La femme évoquée dans le coran, au niveau spirituel, n’a d’autre sens que le nafs tyrannique. Ainsi, il sera permis à celui qui aura assagi son nafs pendant la durée du jeûne de lui donner libre cours par les actes qu’Allah a rendus licites. Certes, tous ne peuvent pas vivre dans l’état perpétuel de contemplation « Allah sait que vous vous trahissiez » par distraction de l’Essence Suprême et de la Lumière. Malgré cela, « Il vous a pardonnés ». Donc, maintenant, il est permis au gens du véritable jeûne, mais néanmoins qui n’ont pas annihilé leurs nafs, de les sustenter par les choses licites qu’Allah « vous a prescrites ». En effet, le ‘arif doit vivre le jeûne comme les gens de l’élite de l’élite et sa coupure du jeûne doit ressembler au jeûne des gens de l’élite spirituelle.
Mais une fois que les lumières de l’aube du cœur se seront levées et auront chassé les ténèbres du nafs, il sera temps de reprendre le jeûne tel qu’il a été commandé, dès que « le fil blanc du fajr se discernera du fil noir ». Et cela parce qu’il sera temps de se libérer des chaînes du nafs pour rechercher la Présence du Maître des mondes par la gustation de ses Lumières pré-eternelles. Alors seulement, accomplissez le jeûne véritable jusqu’à la consumation totale de l’être dans la Présence, c’est-à-dire, dans la « nuit » du ravissement où l’amoureux perd toute notion de lieu et de temps, d’existence et de non-existence. Quant au sens apparent de ce verset, il établit les choses dont il est obligatoire de s’abstenir lors du jeûne, à savoir le fait de manger, de boire et d’entretenir une relation sexuelle. Dans notre école, ces trois faits, en plus d’abandonner l’intention du jeûne, sont les seuls qui imposent une expiation s’ils sont faits volontairement sans raison valable. Si cela est fait involontairement ou par oubli, il n’y aura pas d’expiation mais juste un rattrapage du jour manqué. Ainsi, celui qui aura mangé ou bu par oubli lors du jeûne du Ramadan devra rattraper ce jour, en plus de s’abstenir de ce qui annule le jeûne le reste de ce jour. Ce verset informe aussi des limites du jeûne, qui débute à l’aube et se termine à la nuit, c’est-à-dire au coucher du soleil. A ce propos, ce qui est pris en compte est bel et bien l’évènement astronomique et non un quelconque calcul qui serait basé sur des postulats faux. En effet, l’entrée de l’aube et donc le début du jeûne, correspond à l’apparition des premières lueurs blanches à l’Est, lueurs qui chassent les ténèbres de la nuit. Il serait invalide de commencer le jeûne postérieurement. De ce fait, le musulman doit s’assurer que les horaires qu’il utilise pour déterminer l’entrée du jour correspondent bien à l’événement qu’Allah a établi comme commencement du jeûne.
Et Allah reste le plus savant.
Que la prière ainsi que le salut soient sur notre maître et intercesseur Muhammad, le sceau des messagers de son Seigneur, ainsi que sur famille purifiée et les awliya rapprochés. Et la louange appartient à Allah au début et à la fin.