بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

Dans son ouvrage « La Voie Blanche », le Shaykh décrit trois degrés de clairvoyance (basira), qui permettent à eux seuls de déterminer la voie du suluk. Car si le serviteur ne parvient pas à entrer par la porte de la clairvoyance, nul cheminement pour lui, les aveugles – du cœur – étant privés de fait de la guidée et de la proximité divine. L’aveuglement du cœur, au degré de la voie, n’est pas la mécréance de la masse des Hommes, comme le fait de ne pas croire en un Dieu unique ou en ses envoyés. On ne peut dire, au degré de la voie, que tous ceux qui croient en Dieu ont un cœur qui voit, ou que tous ceux qui sont dans la communauté musulmane sont clairvoyants. Et cela n’est pas pour minimiser la valeur de la foi dans le cœur des gens, car s’ils croient c’est bien parce qu’un appel venant de leur cœur les a fait croire, mais nous ne sommes pas encore, à ce niveau, au degré de la clairvoyance. Si l’absence de clairvoyance de ceux qui nie Dieu ou ses prophètes est établi, le fait de croire en Lui et en Ses envoyés sans vision spécifique n’est pas suffisant pour entrer dans le monde de la clairvoyance.

Qu’est-ce que la clairvoyance (basira) ?

Selon la définition du Shaykh, c’est : « l’œil du cœur illuminé par la Lumière incréée et découlant des domaines de l’inconnaissable (ghayb), lui-même issu du monde divin, et perçu au travers du chas de l’aiguille de la Toute-Puissance divine (qudra), vers le monde Humain (nâssoûte). » Autrement dit, la clairvoyance, c’est voir par la Lumière divine, depuis elle, à travers elle, et d’observer à partir d’elle ce qui se passe dans notre cœur d’Homme, et dans notre univers créé, afin que notre vision nous mène à la connaissance de l’Incréé. La clairvoyance a donc quelque chose à voir avec une force suprarationnelle qui permet au cheminant de corriger sa foi et les caractéristiques de son âme par la Main divine Elle-même, sans interférence d’une créature, comme l’est la raison humaine.

Les débuts de la clairvoyance

Le Shaykh écrit : « Le premier degré, la science (‘ilm), désigne le rayonnement de la divine providence et les éclairs de la guidée par lesquels l’individu contemple et réalise la proximité divine englobante. Tu sais alors qu’Il est plus Proche de toi que ne l’est ta propre veine jugulaire. Tu sais qu’Il t’englobe et te cerne de toutes parts, d’une manière laissant les intellects totalement abasourdis : « Et lorsque Nous te dîmes : certes, ton Seigneur cerne les gens. » » Cette définition est tellement précise qu’on sait de manière certaine que seul un savant spécialiste de la science de la clairvoyance peut l’écrire. Le Shaykh commence par exprimer les formes d’apparition de la clairvoyance, tournant autour du champ lexical de la Lumière, en utilisant les termes de rayonnement et d’éclair. Nous avons à la fois un vocabulaire nous ramenant à la Lumière, mais aussi aux cieux, car c’est le Soleil qui rayonne et les éclairs ne viennent que du ciel. Il y a en cela une indication sur le fait que la clairvoyance est céleste et mène directement le serviteur à la contemplation de la Lumière du malakut des cieux. Pour le malakut et non pas seulement les cieux ? car nous ne parlons pas du fait d’observer le ciel avec un caméscope ou un outil de ce genre, mais bien des cieux de l’âme humaine, 7 cieux nous séparant de la compagnie du Roi de rois. Ces rayons et éclairs sont tout d’abord contemplés, par l’œil du cœur débordant sur les yeux de la tête, ceux avec lesquels nous regardons le monde. C’est pourquoi la vision de la Lumière se fait par l’œil du cœur et par les yeux physiques, pour que la Lumière des cieux vienne corriger notre perception du monde créé. C’est pourquoi le Shaykh écrit : « ainsi et malgré toutes ces défaillances que cumule la vision physique (al-basar), si la Luminosité de la clairvoyance (al-basira) venait à se renforcer et à s’intensifier, alors elle recouvrirait et purifierait la vision physique de sa perception du monde. La vision accéderait ainsi, par la Luminosité de la clairvoyance, à une perception transcendant les apparences du monde créé. » C’est pourquoi la contemplation amène à la seconde étape, celle où le cheminant « réalise la proximité divine », c’est-à-dire que cette Lumière qu’il voit lui ancre la foi profondément dans le cœur. Elle fut au début un nouvel élément à contempler, venue des cieux, afin d’appeler le cheminant à elle, mais son effet ne se fait pas attendre. La fait de la voir mène directement à réaliser qu’elle vient de la Face du Seigneur des mondes, que sa présence ne nous a jamais quittés, et surtout, qu’avec Sa Lumière nous aurons la preuve continuelle qu’Il est toujours avec nous.

Quelle différence y a-t-il avec la foi de tout musulman ? En effet, tout musulman sait qu’Allah est plus proche de lui-même que sa veine jugulaire. C’est un des versets les plus connus par l’ensemble des musulmans qui nous enseigne cela. Mais qu’est-ce que ce verset a changé en nous ? L’ihsan (excellence contemplative) a été définie par le Prophète comme étant le fait d’adorer Allah comme si tu Le voyais, et si tu ne Le vois pas, sache qu’Il te voit. Tout musulman sait qu’il est vu par Allah, mais ce savoir ne lui a pas conféré de proximité, car il est superficiel, appris d’une manière mécanique et intellectuelle, ce qui ne suffit pas à la réalisation spirituelle. L’âme surpasse l’intellect, et l’intellect et son savoir ne peuvent éduquer une âme qui aime se savoir seule et agir comme si les comptes n’auront lieu qu’après la mort. L’âme du clairvoyant sait par expérience personnelle qu’Allah est avec lui autant qu’Il le sera au jour du Jugement, et cela change toute la religion de la personne, tout son rapport à elle-même et toute sa relation avec notre Seigneur et Maître.

Là où le commun des gens croit par suivisme, là où ils prêtent foi en étant crédules – à juste titre car tout commence comme cela – le cheminant ayant atteint la clairvoyance sait, d’un savoir qui ne peut être ébranlé, qu’Allah est avec lui. Et s’il venait à douter un instant, sa vision intérieure viendrait immédiatement le corriger. C’est pourquoi le Shaykh dit : « tu sais qu’Il est plus proche de toi que ta veine jugulaire » ou encore « tu sais qu’Il t’englobe et te cerne », car désormais, même ton intellect va se soumettre et se corriger afin de prendre sa science de la Lumière du Seigneur des mondes, et ce jusqu’à te faire cheminer dans les différents degrés de clairvoyance. C’est pour cela que cette définition se termine en évoquant les intellects dépassés, abasourdis, car pour la première fois ils ne sont plus les maîtres, ils ne règnent plus en rois dans l’individu, mais en serviteurs de la Lumière du Seigneur des mondes, au sein même de leurs royaumes que sont les corps, car « Il cerne et englobe de toutes parts ».

Ce degré n’est pourtant pas celui de la clairvoyance même, il n’en est que les prémices, qui s’ils sont suivis mèneront le serviteur à la clairvoyance la plus totale. Ces prémices sont les débuts de l’Homme céleste pour des gens qui n’ont vécu jusque-là que dans le domaine terrestre. Et comme le dit notre Seigneur « Ô peuple de djinns et d’hommes ! Si vous pouvez sortir du domaine des cieux et de la terre, alors faites-le. » Nous devons donc chercher à sortir de tout ce qui confine cet esprit qu’Allah a insufflé en nous et qui nous empêche de parvenir à nos pleines capacités spirituelles. « Mais vous ne pourrez en sortir qu’à l’aide d’un Sultan », nous dit notre Seigneur dans la suite du verset. Et le premier soutien du Sultan, c’est cette clairvoyance qui éveillera le cœur des serviteurs, lui donnant une force supérieure à celle qui l’avait, un appui divin qui lui permettra d’effectuer son ascension céleste.

Toujours dans le livre « La Voie Blanche », nous trouvons les propos rapportés du grand saint Ibn ‘Ajiba qui dit à ce propos « les débuts de la clairvoyance sont la Lumière de la foi chez les gens de la vigilance spirituelle : la conscience du perpétuel contrôle divin ». Cette vigilance spirituelle n’est donc pas préalable à la venue de la Lumière de la foi, mais en est la conséquence. C’est cette Lumière venant du Sultan, cette clairvoyance céleste qui fait du serviteur un éveillé vigilant dans la Présence du Seigneur des mondes.

Vous l’aurez compris, ce degré est inhérent à la station d’al-iman, tandis que le prochain degré de clairvoyance que nous détaillerons prochainement s’il plaît à Allah est directement lié au degré d’al-ihsan, soit là où doit nous mener la Lumière de la foi, la contemplation et la réalisation de la proximité divine.

A suivre…


Par le disciple Louis Amin.
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